Elections: Les provinces sont-elles en sursis?

Bien moins attrayantes pour le grand public que le scrutin communal, les élections provinciales auxquelles sont aussi appelés les électeurs ce 14 octobre devraient fournir aux décideurs politiques des indications sur l'ampleur des réformes à apporter à ce niveau de pouvoir contesté, intermédiaire entre les entités fédérées (Région et Communauté) et les municipalités.
par
Pierre
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Objets de la convoitise de candidats dont la notoriété dépasse difficilement les frontières de leur district électoral, les cinq provinces wallonnes n'en gèrent pas moins un budget cumulé tournant autour de 1,2 milliard €, loin des 7 milliards cumulés des communes, des 2,2 milliards des CPAS, ou des 13 milliards de la Région wallonne.

Leurs compétences chevauchent ou complètent -c'est selon- celles d'autres niveaux de pouvoir, comme l'enseignement, la sécurité, la santé, le social, la culture, le sport, le tourisme ou le soutien à la supracommunalité.

Moins qu'en Flandre où elles subissent une cure d'amaigrissement drastique, les provinces en Wallonie ont entamé depuis plusieurs années un travail de rationalisation et de transparence, qui est passé par une réduction d'un tiers du nombre de leurs mandataires, un renforcement de leur cadre déontologique et la régionalisation de quelques-unes de leurs compétences (voiries Provinciales, matières énergétiques ou de logement).

Publifin est passé par là

Mais l'an dernier, le scandale Publifin, intercommunale dont la province de Liège est l'actionnaire majoritaire, ainsi que quelques dossiers polémiques liés à la gestion d'asbl et d'intercommunales d'autres provinces ont accentué cette demande de rationalisation et de transparence, qui s'est notamment concrétisée dans un renforcement de la gouvernance des institutions supracommunales.

Lors de leur renversement d'alliance au gouvernement wallon aux dépens du PS à l'été 2017, MR et cdH en ont profité pour clarifier quelque peu leur vision de l'avenir des provinces, en accentuant la pression sur elles. Outre une réduction du Fonds des provinces et une menace sur les emplois subsidiés (APE), réformateurs et centristes verraient bien à terme disparaître les collèges provinciaux (les gouvernements de l'institution) et remplaceraient les conseils (les parlements des élus provinciaux) par une représentation des communes, via un mandat dérivé gratuit.

Les dernières élections provinciales ?

Si cette volonté aboutit, cela signifierait que ce scrutin provincial est l'un des derniers voire le dernier. Plusieurs compétences partiraient en outre vers la Région, d'autres vers les communes (éventuellement associées). On évoque ici des transferts, déjà avant la fin de cette législature régionale, en matière de tourisme ou d'enseignement.

Partisan du maintien des provinces mais ouvert à une réforme, le PS met en garde: gare à ne pas déstabiliser des services qui fonctionnent et une institution qui assure près de 17.000 emplois. Les socialistes rappellent que les provinces disposent en outre constitutionnellement d'une capacité à se financer via les additionnels au précompte immobilier, un outil qui pourrait s'avérer précieux pour épauler une Wallonie ou des communes en difficultés budgétaires, voire pour une Fédération Wallonie-Bruxelles qui ne dispose pas de capacité fiscale.

Les écologistes, quant à eux, continuent de réclamer la suppression des institutions provinciales au profit de bassins de vie qui apporteraient plus de cohérence aux politiques socio-économiques. Dans les plus petits partis, le PTB reste attaché aux provinces pour la défense du service public. Défi préfère aussi préserver l'institution tout en la réformant en profondeur. Le PP demande lui la suppression des provinces avec transfert de leurs compétences au Fédéral et aux Régions.

Selon le président du parlement wallon André Antoine, trois dangers guettent: l'indifférence face à l'enjeu provincial alors que ce niveau de pouvoir dispose d'importants moyens, la vacuité des programmes qui laisse penser que les jeux sont déjà faits, et le manque de vitalité démocratique au sein du conseil provincial.

PS et MR se partagent les provinces

Belga / Virginie Lefour

Actuellement, le PS et le MR sont les formations les plus puissantes à l'échelon provincial, présentes chacune dans quatre collèges sur cinq, dont trois en coalition (Hainaut, Liège et Brabant wallon). Le cdH se glisse dans les deux autres collèges (Namur avec le MR, Luxembourg avec le PS).

Les observateurs seront particulièrement attentifs à la situation en province de Liège, où la majorité PS-MR au pouvoir depuis le début des années '80 a été fortement ébranlée par l'affaire Publifin. Le président du collège André Gilles (PS), figure historique de Publifin, a été poussé à la démission et son remplaçant Paul-Emile Mottard a renoncé à se représenter à l'électeur.

D'autres personnalités provinciales dans les rangs MR et cdH ont aussi été bousculées. En province de Namur, MR et cdH pourraient chercher à renouveler leur majorité après avoir rejeté le PS dans l'opposition en 2012. L'alliance de centre-droit est déjà très présente dans la capitale wallonne, puisqu'elle dirige le gouvernement régional et la Ville.

En Hainaut, la forte domination du PS pourrait lui permettre, à l'issue du scrutin, de continuer de choisir son partenaire comme il l'avait fait en 2012 en reconduisant son alliance avec le MR. Les réformateurs bénéficient d'une domination similaire en Brabant wallon, ce qui leur avait permis en 2012 de choisir de retrouver le PS plutôt que de poursuivre avec Ecolo, avec qui ils avaient flirté les six années précédentes. Enfin, en province de Luxembourg, le faible écart séparant les trois grands partis donne à l'opposition MR l'espoir de faire basculer la majorité PS-cdH.