Du Roméo Elvis en bonus

On n'arrête plus Roméo Elvis. Après le succès de son album « Morale 2 » avec Le Motel, et les récompenses aux D6bels Awards, le duo a voulu s'offrir un petit plus en sortant une version Deluxe assortie de 11 nouveaux titres. De quoi se donner un peu d'air en testant d'autres choses.
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Cette version Deluxe de « Morale 2 » est assortie de 11 nouveaux morceaux, dont un remix. Pourquoi ne pas avoir plus simplement sorti un nouvel album?

« Parce que cela aurait voulu dire que l'on clôturait l'histoire de l'album. On voulait encore se donner une chance de faire des choses plus expérimentales. Du coup, une réédition nous permettait de faire de trucs sans se prendre la tête sur le sens qu'allait prendre l'album ou le projet. »

Y a-t-il néanmoins un fil rouge qui relie ces morceaux aux anciens ?

« Je dirais qu'il y a une cohérence avec tout ce qui a été fait avec ‘Morale' et ‘Morale 2', surtout dans la composition. Mais il n'y a pas toutes les couleurs qu'on a voulu amener au projet ou en faisant des ‘featuring' et des voix féminines. Pour cette version ‘deluxe', on a voulu viser large en étant plus dans la recherche. »

Mais il y a des singles, des clips,… C'est quand même presqu'une entité à part.

« Oui, c'est presqu'une entité. Il manque une chose ou deux qui en auraient fait un projet à part entière comme un morceau calme. On est beaucoup dans l'énergie. On a voulu garder à l'esprit l'idée d'un laboratoire, d'un 2.0. »

Certains groupes écrivent 50 morceaux pour en choisir dix au final. Vous êtes aussi dans la surproduction ?

« Oui, j'ai énormément de textes et de morceaux qui ne verront jamais le jour. Mais ça fait partie du processus créatif pour certains d'entre nous. J'ai des centaines de textes et de morceaux avortés. Mais cela peut être une source d'inspiration pour plus tard. On peut toujours piocher là-dedans pour faire quelque chose de meilleur. Ça fait partie de mes bagages. »

Comment se passe la relation de travail avec Le Motel? Qui inspire qui ?

« C'est réciproque. Il va travailler sa musique en fonction du fait qu'il faut mettre des paroles dessus. Et moi, je vais travailler mon style avec son format musical. Parce qu'il est plus dans l'électro que dans le rap. Je dois m'adapter à cette ambiance. On s'influence l'un l'autre. Mais ça fait maintenant trois ans qu'on tourne ensemble, on apprend également à se connaître au niveau du caractère. »

Et ce caractère électro est peut-être l'une des clés du succès, en sortant de la sphère exclusive rap.

« Oui, ça doit être tout. Je crois aussi que je dois être un mélange intéressant, dans le sens où je viens d'un milieu plus aisé, blanc, loufoque dans ce que je propose et j'arrive avec une musique fraîche et électronique composée par un producteur de qualité. »

Aisé, blanc, et vous dites également dans un morceau que vous êtes « un babtou ». C'est une façon de presque s'excuser de ne pas correspondre aux codes du rap ?

« Ça dépend des personnalités. Je voulais prouver que je n'étais pas là pour prendre la place de quelqu'un d'autre. C'est une question de complexes, et de codes de la musique. D'autres se sont moins pris la tête et moins inquiéter de ce qu'ils représentaient. Mais moi, je me soucie beaucoup du regard des gens, donc cela a eu un impact sur moi quand j'ai commencé dans le rap. »

Et votre background était 100% rap ?

« Non, j'étais très rock à la base. Ado, j'écoutais beaucoup les Beatles, Jimi Hendrix, les Who, les Clash, Arctic Monkeys, Queens of the Stone Ages, Led Zep, Zappa, etc. J'ai cette âme de rockeur en moi quand je fais du rap. »

C'est facile de gérer ce succès qui vous tombe dessus depuis un an ?

« Ça se découvre, c'est une exploration permanente. Personnellement, je ne le vis pas spécialement bien tous les jours, mais ça doit faire partie du truc. J'ai vécu la célébrité de près avec mes parents quand j'étais petit. Je constatais cela aussi bien au supermarché que dans les concerts. Avec moi, c'est parfois hystérique, ça peut être incompréhensible. Ça peut être très oppressant sur les réseaux sociaux, mais comme je joue avec ces outils, je ne vais pas me plaindre. En fait, je ne pensais pas que je le vivrais comme ça. »

Avec Damso, vous êtes devenu les fers de lance d'une nouvelle scène belge rap.

« Oui. On est souvent cité, tout comme Caballero & JaeanJass. La Smala a beaucoup représenté le rap à une époque. Pour le moment, c'est vrai que nous sommes les représentants d'un nouveau style qui s'affirme aussi à l'étranger. »

À l'époque, Starflam avait dû mal à atteindre la France malgré la qualité de leurs morceaux. Comment faites-vous pour y arriver ?

« Moi, je ne fais que commencer, alors que Damso y est carrément arrivé. Mais je crois qu'on a surtout la chance aujourd'hui d'avoir internet et les réseaux sociaux. Par exemple, grâce à cela, Konoba est devenu une star en Géorgie. Tout cela avec le pouvoir du web. Mais Damso a aussi eu ‘la main de dieu' sur lui, puisque Booba est venu le chercher. Et vu qu'il avait les épaules pour le faire, ça l'a propulsé. Il a cassé le ‘game'. Moi, je suis un stratège. Je me suis servi du web mais aussi de mon humour, j'ai réfléchi à la meilleure manière d'être vu. Et des mecs comme Damso ou Hamza, nous ont permis d'être légitimes en France. Avant que cela explose pour moi l'an dernier, ça faisait quatre ans que je faisais de la scène, que je rodais mes armes. Avec L'Or du Commun, j'ai fait des gros festivals et des grandes scènes. Je n'avais plus qu'à tirer. »

Ce pouvoir des réseaux sociaux, c'est une affaire de famille? Votre sœur Angèle a quand même réussi à remplir l'Orangerie via Instagram sans avoir pratiquement rien.

« Oui, c'est incroyable, c'est génial. Il faut garder les pieds sur terre, mais pour ma sœur, c'est une suite logique. Elle a déjà tout le talent qu'il faut. Les réseaux sociaux rendent le truc super accessible pour plein de gens que vont s'intéresser à la personne. Mais elle a le talent, elle est mignonne, elle a de bonnes intentions, un discours intéressant. Elle a vraiment tout pour réussir. Je ne sais pas si je suis objectif parce que je suis son frère, mais je pense que c'est vrai. »

Il y a deux mois, on parlait d'elle en évoquant « la sœur de Roméo Elvis ». N'êtes-vous pas en train de devenir « le frère d'Angèle » ?

« Oui, ça va être le contraire. C'est évident. C'est une question de mois, je ne sais pas. »

Dans ces nouveaux morceaux, on sent que vous allez vers un style UK garage.

« Oui, totalement. C'est un style issu de la musique électronique, avec un double temps, qui peut s'apparenter à la jungle ou la drum'n'bass. Avec Le Motel, on adore ça. J'adore la musique anglaise en général. Et on voulait justement expérimenter cela dans ces nouveaux morceaux. Un style dansant qui, je pense, va revenir assez fort. »

Bruxelles revient souvent dans vos textes.

« C'est souvent le propre du rappeur de dire d'où il vient pour se situer. Cette appartenance et cette identité bruxelloise m'ont également amené là où je suis. Les gens ont beaucoup parlé de Bruxelles ces derniers temps que ce soit en mal avec les attentats, ou en bien avec les Diables rouges et Stromae. C'est un de mes points forts quand je suis à Paris. Je suis un Belge qui vient proposer un produit un peu ‘exotique', même si mes influences sont hyper-françaises. J'ai envie de revendiquer cette patte belge. Parce que je suis fier d'être Belge et Bruxellois, et cela fait partie de mes atouts.»

Pierre Jacobs