Des comédiens investissent les vitrines des magasins fermés pour jouer malgré la pandémie

Quand la pandémie de coronavirus a commencé à toucher la Floride, le metteur en scène Michel Hausmann a souhaité créer une manière sûre et efficace de jouer. Neuf mois plus tard, lui et sa compagnie y est parvenu en transformant une partie de la ville de Miami Beach en scène de théâtre, offrant une expérience cathartique aux acteurs comme aux spectateurs.
par
oriane.renette
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La pièce, "7 Deadly Sins", soit les sept pêchés capitaux, a fait son lever de rideau dans cette ville située sur une île à proximité de Miami, et se joue en sept actes de 10 minutes.

Le public est situé en extérieur, et les comédiens utilisent comme scène les vitrines de magasins fermés en raison de la crise économique résultant de la pandémie.

Pour les spectateurs, par groupes de douze, le climat doux de Miami en décembre permet de s'asseoir dans la rue et de suivre la pièce à travers les vitrines, et avec des écouteurs.

"Le monde du théâtre subit une perturbation majeure cette année", déclare Michel Hausmann. "Faire du théâtre de manière conventionnelle revient à une condamnation à mort", ajoute-t-il, assis à la terrasse d'un café devant le Colony Theatre, bâtiment emblématique de l'architecture Art Déco de Miami.

Agé de 39 ans, Michel Hausmann est le directeur artistique et co-fondateur de Miami New Drama, une compagnie théâtrale à but non lucratif, siégeant dans le Colony Theatre. Le théâtre est lui-même situé sur la vibrante artère piétonne de Lincoln Road.

"La question pour nous était: que fait-on, quel est notre 'business'? Est-ce qu'il s'agit pour nous de remplir de salles avec des gens? Ou de raconter des histoires en personne?" interroge-t-il. La réponse était évidente.

"C'est une prison"

Chaque acte raconte une histoire différente: la statue d'un homme politique détenteur d'esclaves prend vie, un enseignant afro-américain se voit accusé d'"appropriation culturelle", un couple est piégé par le virus, un ancien président cherche à reprendre le pouvoir, une personne livre un monologue sur la pandémie dans un accès de furie...

"Lieu de confinement. Prison. Qu'importe qu'il soit grand, petit, de taille moyenne. C'est une prison", peut-on entendre dans ce dernier acte, écrit par le dramaturge Dael Orlandersmith.

Le monologue est livré par Carmen Pelaez. Selon elle, le public réagit avec beaucoup d'émotion au retour de l'art en personne, car c'est ce qui "nous maintient connectés à notre humanité, en communion l'un avec l'autre".

La pandémie "nous a rappelé à quel point nous sommes fragiles et nous avons besoin les uns des autres", estime l'actrice et dramaturge de 49 ans.

Champs-Elysées tropicaux

Au fil de la progression de l'épidémie à Miami, Lincoln Road est devenue de plus en plus sinistre tandis que les magasins fermaient un à un. Sur les 250 que comptaient la rue, une soixantaine ont baissé le rideau. "Ça m'a brisé le coeur", confie Michel Hausmann, pour qui Lincoln Road est la "version tropicale des Champs-Elysées" à Miami.

C'est lui qui a conçu la pièce "7 Deadly Sins", et qui a demandé à sept dramaturges de s'atteler à l'écriture des actes, pour un ou deux acteurs à chaque fois. "Je leur ai dit qu'ils allaient être en concurrence avec les sirènes d'ambulance, le passant en skate-board, ou le chien qui aboie", s'amuse Hausmann.

La pièce, dont la première a eu lieu le 27 novembre, a du faire face à des défis sans précédent en matière de sons et lumières, sans compter les protocoles sanitaires.

Les acteurs répètent par visioconférence, se soumettent à des tests de dépistage du Covid-19 de manière hebdomadaire, et entrent sur scène sans contact avec quiconque. Ceux qui jouent ensemble dans la pièce vivent ensemble, a également expliqué le metteur en scène.

Petit à petit, grâce au théâtre et à d'autres expériences artistiques, Lincoln Road a vu les gens revenir en décembre, et l'artère piétonne a retrouvé un peu de sa vie d'antan.