Des «casiers solidaires» installés à Lisbonne pour aider les sans-abri

Des vêtements, une couverture, des articles de toilette, un chargeur de téléphone portable et quelques documents: Fabio Ferreira Silva arrive à stocker tout ce qu'il possède dans un casier métallique jaune installé à l'extérieur de la gare Santa Apolonia de Lisbonne.
par
Laura
Temps de lecture 3 min.

Cette «consigne solidaire», accessible 24 heures sur 24, compte une douzaine de casiers mis à disposition des sans-abri, pour leur éviter de sillonner les rues pavées des collines de la capitale portugaise chargés de sacs encombrants ou en poussant de vieux charriots de supermarché.

«Ces casiers sont très importants. Imaginez ce que c'est de devoir tout porter à pied sous la pluie», explique M. Silva, un homme de 37 ans originaire de Guinée-Bissau. Ce casier, qui fait 1,80 m de haut et 50 cm de large, lui a été attribué pour une durée d'un an. En échange, il doit assurer la propreté de l'espace environnant et rester en lien avec le personnel de la petite association caritative ACA, qui est à l'origine de cette initiative.

Gagner la confiance des sans-abri

Grâce à ce contact régulier, les équipes de rue de l'association parviennent à aider les utilisateurs des casiers à obtenir des papiers, des soins de santé, des aides publiques ou même un logement.

«C'est la clé du succès de notre projet», explique le fondateur de l'association, Duarte Paiva, un architecte ayant lui-même conçu ces casiers, qui font également office de boîte à lettres. «Comme les sans-abri sont souvent méfiants vis-à-vis des services sociaux, ce dispositif nous permet de gagner leur confiance», dit-il.

Toutefois, «avoir un casier est très important mais cela ne suffit pas. Ces gens ont besoin de solutions à leurs problèmes», ajoute-t-il.

Des «consignes solidaires» installées depuis 2013

La capitale portugaise compte environ 800 personnes sans domicile fixe, d'après un recensement datant de mai 2015. La première «consigne solidaire» a été installée en 2013 à Arroios, un quartier résidentiel de Lisbonne. Chaque douzaine de casiers coûte 11.700 euros, pris en charge par la mairie à hauteur de 60%. Le reste est financé grâce aux dons versés à l'association.

La consigne de la gare Santa Apolonia, située en bordure de l'estuaire du Tage, a été mise en place l'an dernier et trois autres sont en attente d'autorisation de la part de la mairie. Ce type de solution existe ailleurs en Europe, notamment en France, ou en Amérique du Nord mais, souvent, les usagers n'ont accès aux casiers qu'à certaines heures.

Ils permettent aux sans-abri de «se prendre en charge»

Selon Joana Guerreiro, une psychologue de l'équipe de rue de l'association ACA, l'usage de casiers permet aux sans-abri de «se prendre en charge». «Avoir la clé d'un espace qui leur appartient contribue à donner un sens à leur vie et leur permet d'avoir une sensation de contrôle», précise-t-elle.

Marcio Miguel, l'une des 45 personnes ayant bénéficié de ces «casiers solidaires», assure que ce projet a été fondamental pour qu'il parvienne à quitter la rue. Né sur l'archipel des Açores, cet homme de 36 ans est arrivé à Lisbonne début 2016. Mais il a sombré dans la cocaïne et l'héroïne, a perdu son emploi dans le bâtiment et s'est retrouvé à la rue.

Avant d'avoir son casier, il était obligé de cacher ses effets personnels (vêtements, nourriture et documents) pour éviter de les transporter avec lui constamment, et finissait souvent par se les faire voler quand même. «Dans la rue, c'est impossible de garder de la nourriture. Il y a toujours quelqu'un de plus affamé pour nous la prendre», raconte-t-il. «Grâce au casier, j'ai commencé à avoir davantage de vêtements. Avant, même quand j'arrivais à me laver, je devais porter des habits sales», faute de rechange, poursuit-il.

Avec l'aide de l'équipe de rue de l'association ACA, il a ensuite pu trouver un logement peu coûteux et suivre un programme de traitement contre la toxicomanie. «Un casier, ça peut paraître une chose sans importance, mais ça ne l'est pas du tout», dit-il en vidant le sien.