Clément Oubrerie : « Voltaire est un super personnage de comédie, un peu à la Woody Allen »

Dans «Voltaire amoureux», Clément Oubrerie s'amuse avec l'Histoire. Il s'inspire des récits de l'époque et des autobiographies pour mettre en scène la vie amoureuse de Voltaire. Il offre au passage une plongée étonnante dans le 18e siècle.
par
ThomasW
Temps de lecture 2 min.

  Est-ce indispensable d'avoir lu le premier tome avant de commencer «Voltaire (très) amoureux»?

«J'ai essayé de concevoir le livre de manière indépendante du tome 1. Dans le premier album, je racontais une première période dans laquelle Voltaire était jeune. Il devait faire face à plein d'échecs amoureux car il recherchait une partenaire aussi brillante que lui. À 40 ans, alors qu'il pense qu'il va bientôt terminer son existence, il rencontre enfin quelqu'un dont il tombe fou amoureux.»

Comment qualifierez-vous votre récit, comme un récit historique ou comme une comédie romantique?

«Ce récit s'inspire de faits réels. Dans cet album, je condense des événements qui ne se sont pas spécialement passés au même moment. Je me sers du matériau historique pour être précis et pour faire un portrait psychologique qui soit juste. Par contre, je prends énormément de liberté sur la succession des événements et sur la manière dont je raconte. Je me projette dans les personnages du livre et j'essaie de raconter mon Voltaire à moi et ce qui m'intéresse chez lui, c'est-à-dire son portrait psychologique et ses rapports amoureux. C'est donc une comédie inspirée de faits réels. J'essaie de ne pas dénaturer les personnages, de rester dans leur vérité mais en même temps que le lecteur s'amuse.»

Où êtes-vous allé chercher cette véracité historique?

«Dans énormément d'ouvrages. D'abord, dans quatre biographies modernes de Voltaire. Ensuite, dans des textes du 18e siècle dans lesquels on retrouve des témoignages. J'ai lu beaucoup de documents et de bios sur lui. Et puis, je me suis aussi intéressé à des écrivains historiens comme Arlette Farge qui travaille sur les archives de police et tous les faits divers de l'époque. Je me suis nourri de tout ça pour que ce soit très vivant et pour plonger le lecteur dans le 18e siècle.»

Qu'est-ce qui vous inspire dans le personnage de Voltaire?

«Il y a plein de couches différentes. D'abord, il est très moderne. À une période encore assez reculée sur le plan des relations entre les hommes et les femmes, lui cherche quelqu'un qui soit son alter ego. Je trouve ça touchant et rare. Voltaire, c'est un super personnage de comédie, un peu à la Woody Allen. Il est hypocondriaque, toujours à l'article de la mort. À 40 ans, il pensait que sa vie était finie. Pour moi qui ai passé 40 ans récemment, c'est une manière de me dire que ma vie n'est pas encore totalement finie et que j'ai encore de quoi rendre mon quotidien intéressant. Après, c'est aussi un prisme pour s'intéresser au 18e siècle en général et sur la manière dont est organisée la France à cette époque. J'ai voulu mettre d'autres aspects en image comme les débuts de la science. Il y a notamment l'histoire de la gravitation, qui était un vrai sujet qui divisait la société. L'académie des sciences ne soutenait que Descartes car il était français et réfutait Newton car il était anglais. J'ai essayé de raconter ça sous forme d'un combat de super-héros entre ces deux scientifiques.»

La rencontre entre Voltaire et Émilie est au cœur de l'album. C'est un personnage qui a réellement existé. Qui est-elle?

«C'est une jeune fille qui a eu la chance d'avoir un père qui voulait qu'elle soit instruite mais c'est aussi une surdouée qui a un cerveau mathématique ultra-performant. C'est aussi quelqu'un d'assez libre, qui profite de la vie à Paris pendant que son mari est parti à la guerre. Même si on ne la connaît pas beaucoup, c'est quelqu'un qui va énormément influencer Voltaire et qui va le pousser à s'intéresser à des choses qui lui étaient étrangères comme les sciences. Quand Voltaire la rencontre, il était seulement un tragédien et même plutôt un piètre tragédien. Si personne ne joue ses pièces aujourd'hui, ce n'est pas un hasard. Le Voltaire humaniste et intellectuel va venir après avoir rencontré Émilie car il va avoir avec elle des discussions et des centres d'intérêt beaucoup moins autocentrés. Elle a eu de l'importance à son époque car elle a fait de la vulgarisation scientifique et elle a permis de faire connaître Newton en France en traduisant ses textes. Mais elle est moins restée dans l'histoire car elle n'a pas fait de découvertes.»

Au niveau de dessin, comment avez-vous fait pour retranscrire cette époque?

«C'est un peu une œuvre d'imagination dans le sens où au 18e siècle, il y avait peu de représentations de la vie quotidienne en France. Ce sont souvent des portraits de nobles ou des scènes romantiques avec des jeunes filles dans des près. Il n'y a pas ce qu'il y a eu dans la culture flamande où on voit par exemple des tas de gens en train de se bourrer la gueule dans une taverne. Il n'y a pas ce côté truculent du quotidien dans la peinture française de l'époque. Du coup, je me suis plutôt inspiré de la peinture flamande. J'ai piqué de l'inspiration à droite et à gauche pour compléter ce vide de la peinture française.»

Quelle est votre actualité dans les prochains mois?

«D'ici quelques mois, ce sera la suite des aventures de Renée Stone, une série d'aventure mettant en scène, en gros, la fille d'Indiana Jones et d'Agatha Christie dans les années 1930 en Éthiopie. Ensuite, il y aura soit le tome 3 de Voltaire, soit un diptyque avec un écrivain avec un aspect historique assez sanglant. Mais il est encore un peu tôt pour en parler!»

Thomas Wallemacq