Chaufferettes et climatiseurs, les tueurs du climat

Le Qatar a récemment annoncé sa volonté de climatiser ses rues. L'annonce de cette absurdité écologique n'a pas manqué de soulever des critiques dans l'opinion publique européenne. À y regarder de plus près, cette décision n'est pourtant que le parallèle d'une habitude bien ancrée en Europe… celle de chauffer les terrasses des cafés et restaurants en hiver.
par
ThomasW
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Les températures estivales peuvent fréquemment atteindre les 46ºC au Qatar. Face à cette chape de chaleur qui s'abat sur le petit État, des climatiseurs ont été installés un peu partout: dans les logements d'abord, puis dans les centres commerciaux, désormais dans les stades, et voici venu le temps des climatiseurs installés en rue.

 

Une décision absurde… mais à relativiser

L'annonce a fait bondir plus d'un observateur. Et pour cause: 60% de la consommation électrique du Qatar est déjà consacré à la climatisation (sur près de 16.000 kwH, soit le double de la Belgique). Et ce chiffre devrait encore doubler d'ici 2030. «Sans ces climatiseurs, la vie à l'extérieur serait tout simplement insupportable», fait valoir dans Le Parisien Yousef al-Horr, fondateur de l'Organisation du Golfe pour la recherche et le développement. Sur Twitter, certains se sont interrogés sur le sens de développer des villes dans des zones aussi chaudes, réclamant de telles quantités d'énergies.

Et si la décision qatarie n'était que le reflet d'une habitude européenne, celle de chauffer les terrasses des bars et restaurants dès que les températures baissent? «‘Putain mais le Qatar qui va climatiser les rues c'est vraiment un pays de gros cons irresponsables.' Signé; le pays aux terrasses ouvertes et surchauffées sept mois sur douze», ironise ainsi un twittos qui tient à remettre les choses à leur place.

Des mesures contre les chaufferettes

D'après un calcul réalisé par le cabinet français Carbone 4, le bilan carbone d'une terrasse équipée de quatre braseros allumés pendant huit heures est équivalent à celui d'un trajet de 350 km en voiture. Cette question interpelle de plus en plus de communes belges. Namur a décidé d'interdire ces dispositifs de chauffage extérieurs en 2021. Woluwe-Saint-Pierre a pris une décision similaire.

Face à ces décisions, Philippe Trine, président de la fédération Horeca à Bruxelles, ne décolère pas. «Je ne vois pas en quoi ça gêne qui que ce soit qu'un exploitant chauffe sa terrasse au gaz», peste-t-il. «C'est le problème du propriétaire», estime celui qui s'estime victime d'un «effet Greta». Il peste contre l'idée de fournir des plaids (voir ci-contre), et insiste sur le fait que «les fourneaux des cuisines consomment plus d'énergie». Derrière ce coup de sang, se cache surtout l'inquiétude que des investissements effectués par des exploitants perdent toute leur valeur d'un coup. «Certains gérants ont engagé des dépenses pour installer une belle terrasse, ont acheté des chaufferettes… une telle interdiction serait un coup dur pour le secteur», met-il en garde.

Des plaids en terrasse

Face aux craintes de voir les terrasses se vider, la commune de Namur se veut rassurante. Lors du vote, l'échevine en charge de l'urbanisme, Stéphanie Scailquin relativisait le problème. « Si vous allez à Budapest ou dans d'autres villes dans le monde, les terrasses sont animées malgré l'absence de chauffage. Il faut mettre à disposition des couvertures ou des plaids. » Cette solution pourrait-elle inspirer les tenanciers bruxellois ? Philippe Trine, le président de la fédération bruxelloise de l'Horeca, n'y croit pas une seconde. « Est-ce que nos clients vont en vouloir ? », interroge-t-il. « Et puis ensuite, on va nous critiquer pour cette solution qui a recours à de la laine de mouton?», dit-il redouter. Face à cette défiance, il faudra attendre encore quelques années pour savoir si la solution du plaid a réussi à s'implanter à Namur.

 

Du côté de la ville de Bruxelles, aucune décision à ce sujet n'a encore été prise, assure l'échevin Fabian Maingain (Défi). «Nous allons en discuter avec le secteur afin de voir ce qui peut être fait pour arranger la situation. L'objectif est de trouver une solution ensemble», souligne-t-il. L'échevin reconnaît toutefois qu'«évidemment, on se pose des questions dans le contexte actuel du changement climatique.» Des villes françaises et allemandes réfléchissent également à cette question. «Il faudra bien finir par faire sans», concède, fataliste, un fumeur installé sur une terrasse d'un bar bruxellois. (cg)