Au théâtre cette semaine - 29 septembre 2016

par
Nicolas
Temps de lecture 2 min.

C'est la rentrée des planches, Metro en fait le tour.

Les Femmes Savantes

La saison dernière nous avions déjà laissé le Théâtre en Liberté, orphelin de son leader historique Daniel Scahaise parti à la retraite, entre les mains du metteur en scène Frédéric Dussenne. La compagnie avait voulu remettre certaines choses à plat dans un 'biopic' de Molière inspiré de Boulgakov.

Ph. Isabelle De Beir

Aujourd'hui, on retrouve cette même association, à laquelle s'ajoute la compagnie de Philippe Sireuil La Servante, pour mettre les mains dans le cambouis moliérien en proposant « Les Femmes Savantes », une pièce emblématique de l'auteur classique dans lequel il convie des thèmes qui lui sont chers : l'émancipation des femmes par le savoir, mais aussi par l'amour pur.

Retour rapide sur l'histoire. Dans la maison de Chrysale (Benoit Van Dorslaer), les dames aiment à s'instruire et à se cultiver, notamment grâce à la (feinte) érudition du sinistre Trissotin (Stéphane Ledune), poète de pacotille. Soupirant de l'aînée de la maison, Clitandre (Adrien Drumel) s'ennuie d'Armande (Lara Ceulemans) qui préfère les réflexions des philosophes aux déclarations de son promis. Le jeune homme se tourne alors vers la jeune et insouciante Henriette (Salomé Cricx), qui répond aux appels de l'amour. Mais si pour le chef de maison, cette nouvelle alliance est conclue, il n'en est rien pour son épouse Philaminte (Hélène Theunissen), qui a promis à sa cadette un tout autre mari.

De malentendus en quiproquos, l'intrigue se noue et se dénoue selon une recette que les amateurs de Molière connaissent bien. Mais ceux qui viendraient chercher un folklore de comédie classique pourraient être étonnés, tant les choix de mise en scène poursuivent une autre envie. On sait Frédéric Dussenne, créateur voici 20 ans de la compagnie l'Acteur et l'Écrit (bon anniversaire à lui), amoureux des textes. La tâche qu'il a confié à ses comédiens est de sublimer les alexandrins. Ceux-ci s'articulent, sonnent et résonnent parfaitement sur un plateau sobre (imaginé par Vincent Bresmal) où rien ne distrait le regard. Les parois de bois s'avancent et se referment sur l'intrigue, servant de caisse de résonance à cette belle langue, mettant en avant ses ambitions féministes et politiques. On rit du duo cocasse de Chrysale et de son frère Ariste (Alexandre Trocki) ou de la naïveté touchante de leur sœur Bélise (France Bastoen), elle-même séduite par le triste sire et imposteur qui pourrit cette maison.

 

Ph. Isabelle De Beir

"Les Femmes Savantes" par Frédéric Dussenne est une pièce qui s'écoute tant le texte nous est offert d'une belle façon, réservant de beaux moments comme ce bel aveu de conscience d'Armande face à son amour perdu (une Lara Ceulemans tout en émotion retenue). Si ces options auraient mérité un resserrage de l'intrigue ou un relief un peu plus marqué dans le déroulé de la pièce, la distribution remplit la mission que lui a été confiée.

L'Île au Trésor

Ph. Zvonock

Depuis qu'il a pris la direction du Théâtre du Parc, Thierry Debroux a trouvé une formule imparable pour attirer dans les ors de sa distinguée maison un public familial. Avec son complice à l'écriture Thierry Janssen, il s'amuse à convoquer des histoires appartenant à la culture populaire classique et les transpose sur scène de manière assez impressionnante.

Il s'attaque cette fois à un must de la littérature d'aventure. « L'île au trésor » de Stevenson nous a tous fait fantasmer sur le monde des pirates. C'est l'histoire d'une chasse au trésor dans laquelle un jeune garçon, Jim Hawkins (Julien Besure parfait en gamin sautillant et candide), assouvit sa soif d'aventures. Mais sur l'Hispaniola commandée par le prétentieux capitaine Trelawney (Romain Vialle), la menace guette. Se cacherait-elle sous les traits du cuistot Long John Silver (séduisant et subtil Angelo Bison)?

L'intrigue déroule sans temps morts avec son lot de rebondissements. L'aventure et l'humour sont au rendez-vous. En Dr Livesey un rien couard mais paternel à l'égard de Jim, Othmane Moumen, apporte le cocasse. Une jeune distribution offre une brochette de pirates bigarrée.

Pour le côté visuel, il peut toujours compter sur les talent du scénographe Roland Beurms qui nous met carrément un demi galion sur scène. La salle a littéralement applaudi lorsque celui s'est découvert à ses yeux.

Ph. Zvonock

Les fans du roman seront parfois étonnés des grandes libertés prises par rapport à l'original. Celles-ci pèsent parfois sur la psychologie fine des personnages et sur l'ambiguïté de la relation entre Silver et le jeune Jim. "L'île au trésor" est un spectacle familial avant tout, démontrant un savoir-faire que le Parc remplit avec efficacité de saison en saison. La joie de la troupe d'être sur scène est communicative et les surprises visuelles ne manquent pas.

8h03, ce matin-là

Simon semble heureux. De sa relation sans accroc avec sa compagne, il capte tous les instants et les conservent. Et c'est là que le vernis craque. Quelle angoisse poursuit ainsi le jeune homme pour qu'il se discipline avec une telle intensité à cette mémoire? Craint-il de la perdre? Mais capture-t-il vraiment la réalité ou la fantasme-t-il?

Ph. Ridha Ben Hmouda

Le jeune metteur en scène Michael Bier adapte ici une nouvelle de Robert Matheson qui oscille entre science-fiction et fable métaphysique. Vous l'aurez compris, cette pièce réserve son lot de questions sans vraiment y répondre. Mais là n'est pas l'intérêt du spectacle. "8h03, ce matin-là" nous propose d'adopter un regard critique sur notre rapport aux images qu'elles soient fixes ou animées tout en nous confrontant à cette inquiétude, intime ou plus générale, face à ce qu'on ne peut pas maîtriser. Les objectifs et les écrans à travers lesquels on regarde de plus en plus notre environnement nous éloignent peut-être d'une vie à vivre dans l'instant et non en différé.

Un propos porté par Eno Krojanker, parfait en grand angoissé, et Stéphanie Goemaere, en compagne aux multiples réalités. Le labyrinthe mental de l'intrigue est transcrit sur scène par une inventive scénographie de Catherine Cosme. Grâce à des murs blancs mobiles (écrans de projection par moment), le studio du couple se voit finalement redessiné au fil du spectacle, sa géographie étant au final plus complexe, comme les zones insondables d'un cerveau perturbé.

Nicolas Naizy