Au Sénégal, l'UE veut dissuader les potentiels migrants de partir

par
Camille
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Kaolack, au cœur du Sénégal. À plus de 200 km de la côte atlantique, la chaleur est écrasante. Pourtant, la ville est loin d'être d'une terre aride où rien ne pousse ou ne vit. Dans une stabulation couverte de tôle, les vaches laitières de Birhama Fall se pressent à l'ombre. Comme d'autres éleveurs, il a bénéficié d'un programme d'amélioration de la compétitivité, cofinancé l'Union européenne. Près de 300 producteurs ont été formés pour favoriser la reproduction du bétail, son alimentation, et les bonnes pratiques hygiéniques pour le lait.

"Mes vaches produisent désormais près de dix litres de lait par jours", explique-t-il. Rien à voir avec les capacités des vaches laitières européennes, qui produisent près de 20 litres par jours. C'est néanmoins bien plus que les deux à quatre litres que produisent les races locales. Le lait sert à l'alimentation de la famille, des proches. Le surplus est commercialisé via une coopérative, offrant un complément de revenu au producteur.

DES PERSPECTIVES POUR LES JEUNES

Le financement de ce genre de projet s'inscrit dans la volonté de la Commission européenne de "combattre les causes profondes de la migration". Un fonds de plus de 1,8 milliard € a été créé en novembre dernier, lors du sommet européen de La Valette, pour financer ce genre d'initiatives. En plein afflux de migrants en provenance d'Irak et de Syrie, les dirigeants européens et africains s'étaient réunis pour mettre un frein à l'émigration africaine, désormais qualifiée d' "économique".

L'ambition a été diversement reçue de l'autre côté de la Méditerranée. Elle a néanmoins le soutien d'une partie de la population, lasse de voir ses jeunes quitter leur terre natale. "Chaque mère veut voir son enfant grandir dans son pays, dans des conditions correctes. Ce n'est pas un plaisir de voir son fils partir dans un bateau qui a de fortes chances de couler avant d'arriver", souligne Adama Saw, l'une des responsables du programme de développement de la filière laitière de Kaolack. Un point de vue appuyé par Birhama Fall, qui a lui-même vécu onze ans en Italie, avant de revenir dans sa région natale. Pour lui, hors de question de repartir. "J'ai désormais ici ce qu'il me faut pour faire vivre les miens. Si je retourne en Italie, ça sera comme touriste!"

QUELLE EFFICACITÉ?

Pour le commissaire européen au Développement, Neven Mimica, ce genre de témoignage confirme qu'il est nécessaire de "lier migration et aide au développement". Reste à voir si ce genre de projet suffira à convaincre les jeunes de ne plus tenter leur chance en Europe. Birhama Fall a multiplié par trois la compétitivité de son exploitation. Pourtant, libre échange oblige, il reste moins coûteux d'importer du lait en poudre européen que de le produire sur place.

Ce constat inquiète les dirigeants des pays en développement. Bharrat Jagdeo, ancien président et premier ministre du Guyana, l'a souligné lors d'un sommet réunissant l'UE et les pays en développement du groupe Afrique-Caraïbes-Pacifique. "Il y a des incohérences dans la politique européenne", a-t-il pointé, tout en reconnaissant que l'UE reste le principal donateur pour les politiques de développement. Les accords de Cotonou, qui régissent le commerce de nombreux biens entre l'UE et les pays en développement, expirent en 2020. Et plusieurs pays africains ont déjà fait part de leur intention de demander des accords commerciaux plus juste pour l'avenir.