Astérix : une certaine idée du « folklore français »

La création d'Astérix n'est pas le résultat d'un excès de potion magique. Mais pour l'anecdote, le pastis a aidé Goscinny et Uderzo à créer l'un des plus grands succès de la bande dessinée franco-belge. Histoire d'une légende.
par
Nicolas
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Astérix n'est pas le premier enfant de papier du duo professionnel et amical René Goscinny-Albert Uderzo. Travaillant ensemble dès le début des années 50, les deux hommes ont avant la naissance de leur héros mythique déjà collaboré sur l'apprenti corsaire Jehan Pistolet (dès 1952 dans la Libre Belgique) et sur l'indien Oumpah Pah (dans le Journal de Tintin dès 1958). Des séries qui témoignent déjà d'un intérêt certain du scénariste et du dessinateur de jeu avec l'Histoire.

Faute de Renart, un Gaulois

Été 1959, le magazine Pilote -qui accueillera dans ses pages Tanguy et Laverdure, Iznogoud, Achille Talon et bien d'autres héros avant de disparaître en 1989- est sur le point de naître en librairies en octobre. Les deux comparses espèrent trouver enfin le support idéal à leur œuvre humoristique libérée des carcans de la stricte littérature jeunesse de l'époque. Cherchant un nouveau héros, ils s'imposent comme seul tâche d'explorer le « folklore français ».

Leur première idée est d'adapter le Roman de Renart, mais un autre auteur les a devancés. Pastis sur cigarettes, ils retracent ensemble une histoire rapide de l'Hexagone, du paléolithique à la Seconde Guerre mondiale. Mais il n'a pas fallu une demi-heure pour que Goscinny interrompe Uderzo sur le point d'entamer la conquête de la Gaule par les Romains. L'idée est toute trouvée : le héros s'appellera Astérix et habitera un village (au nom toujours inconnu aujourd'hui).

Mais pourquoi le situer en Armorique ? La réponse d'Uderzo donnée en 2001 à Bretagne magazine est on ne peut plus innocente et limpide. "Quand René Goscinny a écrit son scénario, je lui ai demandé où installer notre personnage. Il m'a répondu : 'N'importe où au bord de la mer, cela facilitera ses voyages.' À part Paris, je ne connaissais alors qu'une seul région de France : la Bretagne, que j'ai découverte pendant les moments tristes de l'Occupation." Comme quoi la création n'est pas toujours le fait de longues réflexions.

Des codes vite établis

Il ne faut pas dix cases pour que le lecteur, en se plongeant dans cette nouvelle aventure dessinée, se familiarise avec ce que lui a concocté la joyeuse paire d'auteurs. Une intro en deux strips posent le contexte historique, non sans humour, et en milieu de page apparaît pour la première fois le petit moustachu au casque ailé. En quatre cases, ce protagoniste castagne déjà une patrouille romaine convaincue de pouvoir en démordre avec ce maigrelet défini en insert de « guerrier ». Ne pas se fier aux apparences, semblent nous dire René et Albert qui ne sont alors pas encore conscients qu'ils sont partis pour plus d'un album.

Dans « Astérix le Gaulois », tous les ingrédients de la série sont déjà présents même si l'histoire se confine au village et au camp « retranché » de Petibonum. Obélix promène déjà ses menhirs et sa bonhomie, le druide Panoramix tourne patiemment dans son chaudron de potion magique. Et surtout, la bagarre : les Romains sont incapables d'opposer leur froide discipline militaire au désordre musclé gaulois.

L'alliance de l'humour subtil de Goscinny et du trait vif et dynamique d'Uderzo fait mouche. Si le dessin gagnera au fil du temps en rondeur, sa vivacité et son dynamisme de découpage sont déjà gagnants dans ce premier album. La première histoire d'Astérix sera publiée du 29 octobre 1959 au 14 juillet 1960 dans les pages de Pilote avant de paraître en album en octobre 1961. Seuls 6.000 exemplaires sont tirés dans un premier temps, mais le succès imposera l'éditeur à imprimer 15.000 albums de « La Serpe d'Or », deuxième aventure du Gaulois. Un succès qui ne se démentira pas à l'avenir et que nous explorerons dans Metro toutes les semaines jusqu'au 22 octobre, date de la sortie du « Papyrus de César », 36e album des aventures d'Astérix, qui lui sera tiré à deux millions exemplaires rien qu'en français.

Nicolas Naizy

En bonus

Nous vous proposons ci-dessous "Naissance d'une idée", un gag rare dessiné par Uderzo et scénarisé par Goscinny sur leurs propres délires de création.