"Archibelge" : La Belgique de tous les possibles

par
Maite
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La Belgique, le pays de tous les possibles? En tout cas, c'est ce que pense Gilles Coton, le concepteur de la série documentaire «Archibelge», diffusé ce jeudi 22 octobre sur la Trois à 21h20.

Selon vous, la Belgique est-elle le pays le plus laid du monde?

« La série Archibelge est parti du pamphlet de Raenaat Braem un architecte flamand qui, dans les années 50-60, s'interrogeait sur cette laideur. À l'époque, ça avait fait pas mal de remous. Mais dans la série, on s'en détache très vite. Pour moi, la Belgique n'est pas le pays le plus laid du monde, mais bien le pays des possibles. Et le possible peut amener de la laideur ou de la beauté. Dans la série, on ne juge pas. On pose un regard personnel, un regard d'auteur sur notre environnement architectural et urbanistique. On pose un regard doux et amer, amusé même, sur qui nous sommes, nous, les Belges. C'est plus un regard sociologique qu'un regard d'expert architectural. Nous nous posons la question du mode d'habité du Belge. Dans quoi vivons-nous ? »

La particularité de la Belgique est-elle que ses citoyens construisent où ils veulent quand ils veulent, comme vous le mentionnez dans la série ?

« C'est la question de l'individualisme en Belgique. Notre série documentaire parle de l'identité belge. Le Belge est profondément individualiste et a peu de personnalité. Il va vouloir construire sa villa quatre façades, sans vraiment l'imaginer. Il va aller voir dans les catalogues ce qu'on lui propose et il va dire qu'il veut une maison comme ça ou comme ça. Il ne va pas imaginer son propre habitat. À Bruxelles, ce constat est flagrant. La capitale a été construite ‘à la mode de', ‘à la sauce de'. Au 19e siècle, Bruxelles singe Paris en construisant des grands boulevards. Dans les années 50, Bruxelles singe les villes américaines, en créant des quartiers de type Manhattan. Au début du 21e siècle, les jardins sont copiés sur des modèles anglais. Aujourd'hui, l'habitat groupé est un modèle scandinave, le quartier de la rue de la Loi va être dessiné par un Suisse, le quartier du midi par un Français. Les Belges n'arrivent pas à trouver leur qualité propre, leur spécificité qui les représenterait au mieux. Alors, ils vont chercher ailleurs. Les gares de Liège et de Mons sont un exemple supplémentaire. Ces gares auraient pu être construites dans n'importe quelle ville du monde

C'est un constat assez dur pour le Belge que vous définissez comme étant individualiste...

« Il construit sans se préoccuper de son voisin. À la limite, il va construire la même villa parce qu'il la trouve belle, et il va mettre des briques jaunes au lieu de briques rouges parce qu'il préfère. »

N'est-ce pas plutôt un problème politique?

« Nous n'avons pas voulu pointer du doigt un seul responsable dans la série documentaire. C'est facile de dire que les politiciens sont responsables ou les promoteurs immobiliers. Pour nous, nous sommes tous responsables. Personne ne sait jamais rebeller. Certaines politiques ont favorisé l'hyper urbanisation de nos campagnes et changé leur paysage. C'est ce qu'on décrit dans l'épisode sur la chaussée. Les politiques et les lobbys transforment notre paysage et nous, on s'en accommode. Ce n'est pas une critique, nous faisons tous pareils. Une fois cette originalité identifiée, je trouve cela amusant. Je joue avec cela dans l''Archibelge'. Le Belge est un peu ‘ces gens-là' de la chanson de Jacques Brel. C'est celui qui fait ses petites affaires, avec son petit chapeau, son petit manteau, sa petite auto, et, on peut ajouter, avec sa petite maison. L'esprit de cette chanson correspond bien à l'esprit de la série.»

Pourquoi retrouve-t-on ce ‘brol' chez nous et pas ailleurs ?

« En Hollande et en Allemagne, les politiques d'urbanisation sont très claires et très définies. La France est un pays centralisé, Paris décide de tout. En Belgique, nous sommes confrontés à une régionalisation, voire une sous-régionalisation. À Bruxelles, par exemple, nous avons 19 communes, ce qui veut dire que nous avons 19 sous-pouvoirs. Chaque bourgmestre chez nous décide de sa petite tour ou de sa petite gare à construire sans regarder ce qui se passe dans la ville ou la région voisine. C'est ce qui fait la spécificité belge. »

La série documentaire en trois épisodes de Sofie Benoot, Olivier Magis et Gilles Coton est diffusée ce  jeudi sur la Trois. De la campagne à la Côte en passant par la capitale, elle nous emmène le long des chaussées belges pour un voyage étonnant à la découverte de  notre urbanisme si particulier fait de contraste, d'éclectisme, de « brol ».  Elle raconte notre pays et ses habitants par son architecture et son urbanisme.