455 tonnes de nourriture sauvées par Happy Hours Market

Depuis son lancement il y a deux ans, Happy Hours Market s'est fait une place dans le paysage de la récupération et de la distribution des denrées alimentaires jetées par les magasins. Cette initiative bruxelloise fait le lien entre les supermarchés et les associations à qui elle distribue la moitié du butin, l'autre étant revendue à prix cassé via son application.  
par
oriane.renette
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Ludovic Libert et Aurélien Marino ont lancé Happy Hours Market (HHM) après un constat qui leur a semblé intolérable : d'un côté, sept tonnes de denrées consommables sont jetées chaque jour en Belgique et d'un autre, de plus en plus de personnes vivent en situation de précarité financière. Sans compter l'impact écologique de la production de ces denrées gaspillées. Rien qu'en Europe, le gaspillage alimentaire serait, selon l'UE, à l'origine de 170 millions de tonnes d'équivalent CO 2 par an pour la production des denrées jetées, auxquelles il faut encore ajouter les coûts environnementaux liés au traitement de ces déchets.

Le maillon manquant

En Belgique, de nombreuses associations distribuent des invendus alimentaires aux démunis. Malheureusement, elles n'ont pas toujours les moyens logistiques et humains de récupérer les denrées dans les magasins. Le système d'Happy Hours Market permet de résoudre ces problèmes logistiques, explique Marcel Hulin, le responsable de communication : « Nous sommes le lien le plus court entre les associations et la grande distribution. Nous venons chercher les invendus sur place et nous les distribuons aux associations grâce à nos camions frigorifiques. De plus, nous nous déplaçons pour n'importe quelle quantité, même minime, ce que toutes les associations n'ont pas la possibilité de faire non plus. »

Les enseignes avec lesquelles HHM collabore sont Delhaize, Carrefour ou encore Färm. Pour le moment, l'association collabore avec 16 points de vente dans une poignée de communes bruxelloises : Ixelles, Etterbeek, Saint-Gilles, Forest, et nouvellement Jette et Bruxelles-Ville. Les autorisations des communes sont nécessaires pour permettre le deuxième pan de leur activité : la vente de la moitié de leur butin à des particuliers grâce à des petits camions qui s'installent en rue non loin des magasins partenaires, un peu comme des foodtrucks.

À moitié prix

« Nous sommes une initiative privée et nous avons besoin de revenus pour rémunérer nos huit employés et les nombreux étudiants avec lesquels nous collaborons ou encore pour investir dans les véhicules. C'est pourquoi nous avons eu l'idée de revendre à moitié prix aux particuliers la moitié des denrées récupérées en magasins. Ce qui permet à de nombreuses personnes de manger à moindre coût », explique Marcel Hulin. La boucle est donc bouclée. Le consommateur va sur l'application de Happy Hours Market afin de réserver les denrées souhaitées avant d'aller retirer sa commande sur les lieux de stationnement des trucks. Ceux-ci proposent en moyenne un total de 400 produits à moitié prix. La tournée des camions vers les magasins a lieu entre 17h et 18h et les denrées récupérées sont disponibles entre 19h30 et 21h. Bien évidemment, les invendus sont également donnés aux associations.

Faciliter la vie des commerçants

Ce genre d'initiative est un donnant-donnant. Il faut savoir que les denrées consommables ne peuvent être jetées n'importe comment. Les magasins sont obligés de faire appel à des sociétés privées et le coût de leur service est important. HHM leur permet donc de faire des économies, détaille encore Marcel Hulin. Un autre service intéressant est mis à disposition de l'enseigne : « Nous leur offrons des statistiques précises sur les quantités et le type de déchets qu'ils nous donnent. Ce qui leur permet ensuite d'utiliser ces chiffres pour mieux organiser leurs commandes. Nous leur offrons également une aide au niveau de leur communication », explique Marcel Hulin, qui est un ancien publicitaire et qui sait à quel point il est important que les enseignes mettent en lumière leurs initiatives durables, précise-t-il.

Au bon moment

On peut dire que l'idée est née au bon moment car une fois leur concept au point, on a vu débarquer la crise sanitaire avec ses conséquences dramatiques sur le pouvoir d'achat des consommateurs. Selon la Fédération belge des Banques Alimentaires, 42 millions de repas ont été distribués en 2020. Cela représente 20.967 tonnes de nourriture distribuées, soit 24 % de plus qu'en 2019. Happy Hours Market est consciente qu'elle n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan et encourage d'autres initiatives : « Seuls 13 % des denrées jetées sont récupérées. Il y a encore de la place pour de nombreuses autres initiatives. »

L'appli digitale de Happy Hours Market a été téléchargée près de 12.000 fois. D'autres communes devraient suivre à Bruxelles mais aussi à Namur d'ici quelques semaines et ils espèrent lancer l'initiative dans des villes flamandes à court terme. « Nous cherchons à engager de nombreux étudiants. Contactez-nous ! » insiste d'ailleurs Marcel Hulin. À bon entendeur !

Lucie Hage.

 
Un heureux changement de loi sur la TVA
Avant 2012, les magasins d'alimentation avaient intérêt à jeter plutôt qu'à donner. Cela leur coûtait moins cher parce qu'ils devaient payer la TVA sur les dons. Depuis 2015, la loi a heureusement changé. Cette taxe n'est plus due et peut même être récupérée. En tout cas, depuis cet assouplissement, la Fédération belge des Banques Alimentaires a vu les quantités de nourriture distribuées passer de 13.000 tonnes en 2015 à pratiquement 21.000 tonnes en 2020.
 
 
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