#SalePute : Comment la misogynie explose sur Internet

Messages en masse, insultes: selon un rapport de l'Onu, 73% des femmes ont subi de la violence via internet. Les journalistes Myriam Leroy et Florence Hainaut en font partie. Diffusé demain sur la RTBF, leur documentaire #SalePute dresse, au travers de divers témoignages similaires, un constat glaçant: il y a quelque chose de pourri au royaume d'internet. Et il est temps d'en parler. Parce qu'internet, c'est la vraie vie.
par
ThomasW
Temps de lecture 3 min.

On a tendance à minimiser le cyberharcèlement parce que ce n'est «que» sur internet. #SalePute montre bien les conséquences sur la vraie vie: en fait, le cyberharcèlement, c'est du harcèlement tout court.

Myriam Leroy: «C'est exactement le message qu'on veut faire passer. Quand tu dis que tu es harcelée, les gens sont hyper empathiques. Quand tu dis que tu es cyberharcelée, ils font: ‘Ah ok, bah c'est bon.' Ça fait au moins 20 ans que le monde entier utilise internet, et c'est encore considéré comme un divertissement dont on pourrait se passer -et les femmes en particulier. Or, on gagne sa vie grâce à, sur ou via internet. Dire ça, c'est nier que internet est une extension de l'espace public.»

Les hommes aussi peuvent subir du cyberharcèlement. Qu'est-ce qui différencie le harcèlement sexiste spécifiquement?

Florence Hainaut: «Les mots utilisés, les cibles, et les auteurs. La nature des insultes est une porte d'entrée facile pour faire comprendre le phénomène: sale pute, tu as sucé pour réussir, va faire la cuisine… elles ramènent au fait que tu es une femme. Les chiffres prouvent que les femmes sont les cibles privilégiées, plus encore quand elles sont à l'intersection de plusieurs discriminations. Enfin, les études montrent que les agresseurs sont en majorité des hommes. Le côté sexiste vient de la combinaison de tout ça.»

D'ailleurs les hommes cyberharcelés le sont par… des hommes.

FH: «Oui! Mais même quand un homme est harcelé, ce sont les femmes qui prennent! On dit qu'on va s'attaquer à leurs filles et à leurs femmes… Quand Pierre Ménès a été accusé d'agression sexuelle, on a menacé sa femme!»

ML: «Et quand il n'y a pas de femme à attaquer, on s'attaque justement à cette absence (‘baise un coup'), ou alors on verse dans l'homophobie.»

Le problème numéro un selon vous pour remédier à cela? L'absence de volonté politique?

FH: «Pour changer la constitution afin qu'on ne puisse plus insulter quelqu'un sans conséquences, il faut une impulsion politique. Pour que les policiers soient formés, il faut une impulsion politique. Mais le problème est plus général. Parfois la loi amène le changement de mentalité, parfois c'est l'inverse.»

ML: «Donc il faut aussi une prise de conscience. Que les millions de personnes qui assistent à ça aient une grille de lecture adéquate. Qu'elles réalisent que ce n'est pas ‘un clash sur internet' mais des agressions unilatérales, visant certaines minorités, qui participent à un climat social qui a des conséquences sur le débat démocratique.»

Elli Mastorou

Notre critique de #SalePute

Il y a la journaliste qui a fait une chronique radio. Il y a la YouTubeuse qui joue aux jeux vidéo. Il y a la politicienne, ou la jeune fille sans histoires. Même Natascha Kampusch, séquestrée pendant 8 ans, n'a pas échappé au cyberharcèlement. Elles prennent toutes la parole dans #SalePute, et toutes disent la même chose: être une femme sur internet, c'est comme être une femme dans la vie: si vous exprimez un peu trop votre avis, difficile d'échapper à la violence de la misogynie. La sobriété du dispositif sert la force du propos de ce documentaire aussi enrageant qu'instructif. À côté des témoignages parfois durs à encaisser, les paroles d'expert(e)s et les statistiques confirment l'aspect structurel, universel, et politique du problème. Pour ceux qui pensent encore qu'internet n'est pas la vraie vie, voici une prise de conscience d'utilité publique.

#SalePute, c 12 mai à 20h30 sur la La Une + Auvio + Proximus Pickx