Georges Gilkinet : « Je veux des changements rapides pour les citoyens »

A quoi ressemblera la mobilité de demain ? Pour le Ministre de tutelle Georges Gilkinet (Ecolo), la réponse est évidente : elle sera durable, libre, partagée et multimodale. S'il défend une vision à long terme de cette mobilité 2.0, il promet parallèlement des changements aux citoyens, et ce rapidement.
par
oriane.renette
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Comment voyez-vous la mobilité dans les prochaines années ?

« La mobilité va évoluer très fortement et ce, pour différentes raisons. Il y a d'abord l'enjeu climatique. Ensuite, les problèmes liés aux embouteillages, à la fois pour notre santé, notre environnement et notre économie. Enfin, le coronavirus a un impact sur nos vies quotidiennes et va avoir un impact sur notre mobilité. On va vers une mobilité 2.0.

La mobilité est une liberté fondamentale et doit le redevenir. Trop longtemps, nous avons été otages de la voiture. La mobilité partagée fait partie des attentes citoyennes : utiliser chaque jour différents moyens de mobilité comme un vélo, une trottinette ou une voiture pour ensuite rejoindre les transports en commun. C'est vraiment cela la mobilité de demain et il faut la faciliter.»

Quels sont les chantiers prioritaires ?

« Le rail sera la colonne vertébrale de la mobilité de demain. Notre réseau ferroviaire a souffert de désinvestissement au cours des vingt dernières années. Il faut le renforcer et en activer tout le potentiel, notamment en s'inspirant des meilleurs modèles européens : suisse, germanique, autrichien… C'est-à-dire fixer un horizon à long terme et développer les choix politiques ainsi que les investissements en fonction. C'est pourquoi l'accord de gouvernement a fixé une vision 2040 du rail, mais en essayant d'apporter des effets rapides pour les citoyens. J'y suis très attentif. Cette vision 2040, c'est d'avoir un train qui arrive à chaque point d'arrêt toutes les demi-heures, toutes les dix minutes pour les grandes villes. Avec des gares qui sont des nœuds multimodaux. C'est aussi un levier économique : un euro investi dans le rail génère trois euros de retour directs et indirects.

À côté du train, il faut travailler pour une meilleure coordination avec les sociétés de transport régionales (TEC, STIB et de Lijn), mais aussi avec les entreprises afin qu'elles permettent aux travailleurs de choisir les solutions de mobilité qui leur correspondent le mieux. »

La voiture aura-t-elle une place dans cette mobilité 2.0 ?

« Aujourd'hui, beaucoup de travailleurs ne sont plus demandeurs d'une voiture salaire mais préfèrent être payés en euros tout en ayant différentes solutions de mobilité. Il faut sortir du dogme de la voiture individuelle. La voiture aura toujours une place demain. Mais elle sera, je l'espère, moins polluante, plus sûre et plus partagée. »

Vous parlez d'une vision 2040 ce qui, pour les citoyens désireux de modifier leurs habitudes de mobilité, peut paraître long…

« Evidemment, on verra du concret dans les prochaines années… et le plus rapidement possible, parce que je suis un homme pressé ! Cette vision 2040 ne veut pas dire que rien ne va se passer d'ici là. Chaque année, il y a aura des progrès. Dans les trois prochaines années, l'offre des trains augmentera de 3%. Cette année-ci, nous avons inauguré une nouvelle gare. On travaille d'ores et déjà au renforcement du réseau et à l'amélioration de l'accessibilité des gares. Progressivement, l'offre deviendra plus attractive et plus accessible. À chaque étape, je souhaite que les citoyens puissent voir le changement.

Donner une vision 2040, ça permet aussi d'éviter de gaspiller de l'argent. Il y a eu trop de changement de cap ces dernières années et on a mal investi l'argent public. C'est ce que je veux éviter. »

Malgré un matériel non adapté, le transport des vélos à bord des trains était gratuit pendant la crise. Pourquoi ne pas prolonger cette gratuité ? Ou créer une aide pour ceux qui s'engagent dans une mobilité douce ?  

« Le vélo dans le train a eu un succès énorme, et a même été victime de son succès. Cela a montré tout le potentiel de cette formule. Alors effectivement, le matériel n'est pas adapté. Mais j'ai pour objectif, d'ici cet été, de rendre l'offre adaptée. Je veux travailler avec la SNCB afin de proposer une offre plus accessible et plus attractive pour le transport des vélos dans les trains. »

Le RER wallon se fait attendre depuis… 20 ans. Quelles perspectives pouvez-vous donner ?

« Aujourd'hui, les moyens sont là pour terminer les travaux prévus sur les deux lignes wallonnes : vers Ottignies et vers Nivelles. L'important maintenant c'est de tenir les plannings et de conserver, contrairement au passé, les moyens qu'on a alloué budgétairement au RER pour le RER. Je veux que l'offre soit renforcée chaque année : tant sur l'attractivité que sur les fréquences ou les tarifs. On vise 2025 et 2026 pour atteindre une offre optimale, mais il ne faut pas attendre jusque-là avant d'utiliser cette offre déjà existante! Car elle permet non seulement d'entrer et de sortir de Bruxelles, mais c'est aussi une solution de mobilité intra-bruxelloise. »

Au-delà de la mobilité, ne faut-il pas également penser aménagement du territoire? Par exemple, en favorisant le fait de vivre près de son travail ?

« Aujourd'hui, les entreprises peuvent proposer le budget mobilité à leurs employés : c'est-à-dire remplacer le budget de la voiture de société par un budget pour une plus petite voiture (ou pas de voiture du tout) combinée à d'autres solutions de mobilité. Nous souhaitons que la prise en charge d'un logement plus proche de son lieu de travail soit une possibilité offerte par ce package. »

Oriane Renette

Taxe kilométrique : il ne faut pas attendre les alternatives pour agir 

Le ministre fédéral de la mobilité Georges Gilkinet estime qu'il ne faut pas attendre le développement des alternatives avant de se pencher sur la question du péage urbain. « Nous souhaitons apporter des alternatives, et permettre ainsi à chacun de se passer de sa voiture pour arriver et se déplacer dans Bruxelles. C'est un objectif à long terme. On doit mettre en place ces alternatives tout en travaillant sur des modèles comme celui de ‘SmartMove'. Il n'y a pas un seul levier qu'il faut activer, mais bien plusieurs pour faire une réalité de cet objectif : que la mobilité redevienne une liberté pour chacun. Je veux le faire sans attendre la résolution de la question : ‘faut-il commencer par une tarification à l'usage des voitures ou par un renforcement de l'offre ?' On va travailler sur les deux en même temps. »

« Dans un petit pays comme le nôtre, on doit d'abord chercher l'accord entre entités sur la proposition ‘SmartMove'. On pourrait imaginer que cette manière de travailler soir ensuite appliquée à l'ensemble du pays, avec tous les correctifs nécessaires en matière sociale. Aujourd'hui, on doit avoir la politesse et l'intelligence de discuter avec Bruxelles pour chercher la meilleure solution. Analyser le projet et éventuellement proposer des alternatives. On doit trouver l'équilibre entre la vision, l'objectif et les moyens. »