Une bulle belge pétillante de vie

Si la Belgique boxe encore dans la division 2 de la production viticole en Europe, son vin gagne à la fois en qualité et en quantité d'année en année. Il s'affine, il se bonifie, il toque doucement à la cour des grands. Fers de lance de cette production, nos ‘bulles' ont déjà fait parler d'elles bien au-delà de nos frontières. D'autant que, tout compte fait, nous ne sommes pas très éloignés du champagne.
par
oriane.renette
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Saviez-vous qu'en 2019, près de 1.496.186 litres de vin ont été produits en Belgique par les 154 vignerons que compte désormais le pays ? En 2018, il n'y avait encore ‘que' 136 entreprises viticoles, mais elles avaient livré près de 1,98 million de litres de vin. Un chiffre en constante augmentation, si ce n'était une météo capricieuse en 2019 et son lot de gel tardif, de soleil pesant et de grêles estivales.

L'année dernière, la Flandre a produit 749.164 litres de vin contre 747.022 pour la Wallonie. Mais la partie sud a produit davantage de mousseux (488.117 litres, sur les 682.612 litres au total dans le pays) et la partie nord davantage de blancs (404.639 litres, sur les 576.940 litres au total). Le vin rouge (199.552 litres) et le rosé (37.082 litres) représentent une part beaucoup plus réduite. Les quatre cépages les plus plantés en 2019 étaient le chardonnay, le pinot noir, le johanniter et le pinot gris. Plusieurs vins belges bénéficient d'une appellation d'origine protégée (AOP) ou d'une indication géographique protégée (IGP), liées aux régions viticoles: Heuvelland, Hageland, Haspengouw, Maasvallei Limburg, Vlaamse landwijn, Pays des Jardins de Wallonie et Côtes de Sambre et Meuse.

Un chant d'Éole en fer de lance

Au Chant d'Eole à Quévy, dans le Hainaut, la récolte récente s'annonce de grande qualité. Les vins du domaine quévysien ont déjà obtenu plusieurs distinctions internationales. « Nos oenoconseils champenois annoncent une récolte 2020 digne des meilleures bulles du monde, ont annoncé les responsables du domaine lors de vendanges. « En effet, tout est réuni pour que le domaine réalise sa meilleure récolte depuis 2013. » Les vins du Chant d'Eole ont déjà reçu plusieurs distinctions internationales, notamment la médaille d'or au Frankfurt International Trophy, la médaille d'or au Concours du Meilleur Chardonnay du Monde, le prix du « Best Sparkling Wine au Sparkling Global Masters London. »

En outre, « notre Brut Blanc de Blancs a obtenu une médaille d'or au Concours Mondial de Bruxelles qui avait lieu cette année à Brno, en République Tchèque. Notre Brut Rosé remporte la médaille d'argent. Le vignoble est très fier d'être le véritable porte-drapeau des vins belges à l'étranger. » Un magnifique palmarès pour un domaine créé il y a dix ans à peine, en 2010, dans le cadre d'une association entre une famille de viticulteurs champenois et une famille d'exploitants agricoles belges, la famille Ewbank.

 

L'avis de l'expert Eric Boschman

Peut-on parler d'une spécificité belge dans nos mousseux ?

« Oui à condition que ce soit des vins issus de cépages interspécifiques (ou hybrides, NDR). Par contre, si on est sur des vins issus de chardonnay et de pinot noir, notre top de la production est au niveau de pas mal de domaines champenois. On parvient à les égaler parce qu'on est sur le même type de sol. Le bassin parisien monte jusqu'à Tournai, on a les climats qu'ils avaient il y a 20 ans, et on est sur les mêmes cépages avec les mêmes porte-greffes. Donc on fait un champagne ‘look-alike'. Ce qui est très bien, mais la difficulté est de se différencier. D'où l'intérêt des cépages interspécifiques. »

Y a-t-il une grande différence entre les terroirs belges à la dégustation ?

« Pas encore. La grande différence se situe dans le savoir-faire. Mais c'est cela aussi qui met le terroir en avant. Pour avoir un impact géologique goûtable, il faut que les racines soient profondes. Or, elles sont encore jeunes aujourd'hui. Les plus vieilles ont 20 ans, cela commence seulement à devenir adulte. On fait néanmoins de la vinification parcellaire au château de Bioul, mais c'est avec des encépagements différents. C'est donc compliqué de déterminer véritablement l'impact géologique. »

Comme décrire la bulle belge par rapport aux autres ?

« La différence, quand on est sur ces interspécifiques, c'est d'être sur le côté floral et le fruit. De plus, la grande particularité de la viticulture en Wallonie, c'est que beaucoup de domaines travaillent en biodynamie, même s'ils ne revendiquent pas le label. Dès le départ, il y a une réflexion, dans le chef des producteurs, sur l'impact environnemental. Ça joue beaucoup sur la maturité des raisins et la résistance aux maladies. »

Des coups de cœur en Belgique ?

« Alors je citerais la cuvée ‘L'Insoumise' qui vient de Liège et qui est remarquablement faite, le brut de Bioul, l'ultra-brut de Ruffus, le rosé du Chant d'Eole et j'aime aussi le domaine W qui devrait être commercialisé en ce mois de décembre. J'ai eu l'occasion d'en goûter une bouteille, et c'est leur première cuvée mise sur le marché. Je vous conseille aussi le domaine de la Bouhouille, à Blegny. C'est une toute petite coopérative, mais ce qu'ils font est magnifique. »