Affaire Mawda : On a assisté à la "théâtralité de l'impunité"

Le procès de l'affaire Mawda a repris jeudi matin devant la sixième chambre correctionnelle du tribunal du Hainaut, division de Mons, avec les répliques à la plaidoirie de Me Kennes. L'avocat avait plaidé l'acquittement du policier poursuivi pour l'homicide involontaire de la petite Mawda, commis la nuit du 16 au 17 mai 2018 lors d'une course-poursuite entre la police et un véhicule transportant des migrants.
par
Marie
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Jeudi matin, Me Ben Khelifa a répliqué à la plaidoirie de Me Kennes, avocat du policer, estimant qu'on avait assisté à la "théâtralité de l'impunité" et que l'on s'était égaré durant les deux premiers jours d'audience. "Des questions secondaires sont venues parasiter le débat et ont empêché de répondre à la seule question, la qualification juridique du tir qui a tué cette petite fille".

Pour les parties civiles, il ressort du dossier répressif que le policier savait que ce véhicule transportait des migrants, dont des enfants, et qu'il devait avoir prévu l'éventualité d'un drame. Citant l'accusation, l'avocate dit qu'il a pris le risque consciemment de tirer en usant d'une certaine force pour appuyer sur la gâchette. "Il avait décidé de tirer", insiste Me Ben Khelifa.

"Pas dans les conditions légales pour tirer"

Et d'ajouter que le policier n'était pas dans les conditions légales pour faire usage de son arme prévues par la loi sur la fonction de police. "La seule question qui reste est la question de l'intention d'homicide. Selon nous, l'intention de tirer vers une camionnette remplie de migrants suffit pour retenir l'intention d'homicide".

Si l'intention morale ne devait pas être retenue par le tribunal, les parties civiles plaident pour une requalification en coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. "J'étais satisfaite de la sévérité de l'accusation mais il faut aller au bout des choses. Dire que c'est seulement une imprudence, cela ne va pas en droit".

Me Ben Khelifa reconnait cependant que le policier n'a probablement pas été formé pour ce genre d'opérations policières et qu'il n'est pas responsable de ce "racisme structurel" mis en place lors des chasses aux migrants. "Il est vrai que d'autres responsabilités sont à chercher ailleurs que dans ce tribunal".

L'accusation a déclaré dans la foulée que l'usage d'une arme à feu est limitée par la loi. "Le dossier démontre à suffisance qu'il y avait d'autres manières d'agir dans le cadre de cette course-poursuite. La preuve, c'est que durant septante kilomètres de poursuite, aucun policier namurois n'a pensé à faire usage de son arme, à aucun moment cette idée ne leur est venue en tête", a insisté Ingrid Godart, avocat général. Elle ajoute que rien que le fait d'exhiber une arme engendre un facteur de stress et un risque de danger supplémentaire.

"Un tir accidentel"

Enfin, l'accusation n'est pas convaincue par l'intention d'homicide, plaidée par les parties civiles. "La version du policier a été analysé de nombreuses fois et cela a abouti à un tir accidentel", a conclu l'avocat général.

Me Kennes, quant à lui, est persuadé que la petite fille se trouvait à l'avant de la camionnette au moment du tir et il ajoute que son client ignorait que c'était un véhicule transportant des migrants, il pensait prendre en chasse des voleurs en raison d'un problème de radio qui a été confirmé par l'accusation. Dans sa réplique, l'avocat a regretté l'incohérence dans le chef des parties civiles de charger la barque du policier, en épargnant les deux Irakiens poursuivis pour entrave méchante à la circulation. Il ajoute que le collègue de son client a aussi sorti son arme, "mais l'accusation ne lui a jamais fait le grief", et qu'il est injuste de pointer son client du doigt alors qu'il n'a pas été formé pour les opérations Medusa. "Il n'y a aucun défaut de prévoyance ou de précaution dans son chef", insiste Me Kennes.

"Jamais je n'ai voulu ce qui s'est passé"

Le policier s'est adressé au tribunal, il a déclaré que lui aussi serait effondré et dévasté si son enfant n'était plus de ce monde. "Je peux vous le jurer, jamais je n'ai voulu ce qui s'est passé, jamais !" Il a déclaré aux parties civiles qu'il leur souhaitait de trouver le bonheur en Belgique, "ce pays qui a accueilli ma famille il y a des années". Me Discepoli, avocat de l'Irakien considéré comme le convoyeur de la camionnette prendra la parole dans la foulée.