Le gouvernement bruxellois veut taxer l'usage de la voiture dès 2022

Le gouvernement bruxellois s'est mis d'accord jeudi sur une proposition de modèle de taxation automobile à soumettre à une large concertation y compris avec les autres Régions et le Fédéral.
par
Pierre
Temps de lecture 5 min.

Postulat du modèle: diminuer l'usage de la voiture de 25% dans la capitale à l'horizon 2030 en raison de l'impact économique de celui-ci, et y améliorer la qualité de l'air.

Le modèle s'appuie principalement sur une taxation à l'usage de la voiture plutôt qu'à sa possession, comme actuellement. Celle-ci reposera sur un montant de base assorti d'un montant variable en fonction du nombre de kilomètres, de l'heure, et de la puissance du véhicule. A titre accessoire, il sera aussi possible de disposer d'un pass à la journée.

Pour les habitants de la capitale, la taxe à l'immatriculation disparaîtra, tout comme la taxe de circulation, sauf, en ce qui concerne cette dernière, pour les véhicules de luxe, à partir de 15 CV fiscaux. Le modèle est baptisé Smartmove, le nom donné à une application du même nom.

Toutes les voitures pistées par des caméras

Après l'enregistrement de la plaque d'immatriculation, c'est celle-ci qui calculera le tarif à payer en fonction de la distance parcourue, de l'heure du déplacement et de la puissance du véhicule sur base des données transmises par les caméras utilisées dans le cadre des contrôles du respect de la Zone basse émission.

L'application Smartmove fera bien plus que cela: elle permettra de comparer les alternatives à la voiture individuelle, de suivre ses frais de déplacement, de calculer l'impact sur la qualité de l'air et le climat et de faire un choix de trajet le plus intelligent possible, sur base des informations en temps réel.

Le gouvernement bruxellois mise sur une entrée en vigueur dans le courant de l'année 2022. Le ministre bruxellois des Finances Sven Gatz (Open Vld) reconnaît que "le chemin sera encore long" et que les discussions avec la Wallonie et la Flandre "ne seront pas simples".

Willy Borsus n'en veut pas

Le ministre wallon de l'Economie Willy Borsus a vivement réagi, jeudi, au plan SmartMove du gouvernement bruxellois qui prévoit, entre autres, la mise en place d'une taxe kilométrique intelligente en 2022.

"Je trouve qu'il est choquant, pour ne pas dire scandaleux, de proposer en pleine crise un nouveau système fiscal qui impacte très lourdement les ménages wallons, et particulièrement les 130.000 Wallonnes et Wallons qui se rendent quotidiennement à Bruxelles. Je n'ai pas l'intention de laisser passer ce projet qui est d'abord un nouveau prélèvement fiscal", a-t-il affirmé dans un communiqué.

"Alors que nous nous battons tous les jours, particulièrement depuis mars dernier, pour mettre en place des mesures de soutien et préserver le pouvoir d'achat des Belges, Bruxelles se désolidarise aujourd'hui totalement et propose de charger encore davantage la barque de la crise économique", a poursuivi le ministre en pointant par ailleurs l'absence "d'alternatives sérieuses opérationnelles".

En outre, "cette décision ne respecte pas le processus réglementaire puisque toute action d'une Région dont la mise en œuvre est susceptible de causer un dommage à une autre Région doit passer par un accord de coopération interrégional et par conséquent par une vraie concertation entre les Régions, et pas par un simulacre de concertation", a-t-il ajouté.

Un tollé presque général

Le projet de taxe kilométrique appliquée à tous les véhicules circulant en Région bruxelloise a également suscité un tollé au sein des partis non représentés au sein du gouvernement régional.

"Que cherche le gouvernement de gauche bruxellois?", s'est interrogé le président du MR Georges-Louis Bouchez sur Twitter. "Détruire un peu plus la région capitale ? Faire fuir les entreprises ? Les classes moyennes et populaires n'ont pas besoin d'impôts ou de taxes en plus mais au contraire d'investissement et d'intelligence !"

"Ce n'est vraiment pas le moment, on demande un report", a renchéri Alexia Bertrand, cheffe de groupe des libéraux francophones au Parlement bruxellois, citant l'Union des Classes Moyennes (UCM).

"Cette taxe est une folie intégrale. Elle est indigne et purement idéologique: on veut frapper la voiture mais sans offrir d'alternatives crédibles, même en termes de parkings de délestage qui sont insuffisants", a de son côté fulminé le chef de file du MR au parlement wallon, Jean-Paul Wahl. "C'est l'ensemble des Wallons qui seront impactés" alors que la Région "verse déjà 19 millions d'euros chaque année à Bruxelles pour l'aider à gérer cette question du trafic", a-t-il ajouté en dénonçant lui aussi le moment choisi et l'absence de concertation avec les autres entités. "Cette taxe est inacceptable, tant sur sa forme que sur son montant", a-t-il encore estimé.

Même son de cloche du côté du cdH. "A nouveau, ce gouvernement travaille à l'envers : il communique avant de concerter et braque les navetteurs avant de leur offrir des alternatives crédibles à la voiture", a déploré le député bruxellois Christophe De Beukelaer dans un communiqué.

"Le gouvernement bruxellois trébuche encore sciemment sur un dossier sensible et qui mérite une concertation respectueuse et réfléchie. Cette fois, la gaffe touche tous les citoyens !" s'est insurgé son homologue wallon Julien Matagne.

Pour le PTB, "ce seront une nouvelle fois les travailleurs qui paieront la note ! Plutôt que de taxer, les gouvernements de ce pays feraient mieux d'investir dans les alternatives au transport automobile", a suggéré le député Raoul Hedebouw.

Sans surprise, les partis nationalistes flamands ont tiré à boulet rouge. "Une nouvelle règle embêtante de l'arc-en-ciel pour les Flamands qui travaillent", a tweeté le président de la N-VA Bart De Wever, le bourgmestre d'Anvers ajoutant au passage que sa ville était "ouverte au business". "Les partis de la majorité bruxelloise sont contre les autres Régions", a renchéri Cieltje Van Achter, cheffe de file des nationalistes flamands dans la capitale.

De son côté, l'extrême-droite du Vlaams Belang a d'ores et déjà annoncé son intention de réclamer une procédure en conflit d'intérêt.