Invisible, la nouvelle série belge : "Que devenez-vous quand les autres ne vous voient plus ?"

La nouvelle série belge « Invisible » débarque dimanche sur La Une. Dans cette série fantastique, plusieurs habitants d'un petit village deviennent mystérieusement invisibles. Myriem Akheddiou incarne le rôle de Laurence, une chirurgienne ophtalmologue électro-hypersensible. Actrice de théâtre et de doublage, remarquée dans les films des frères Dardenne, elle nous présente cette création originale.
par
Marie
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Qu'est-ce qui vous a le plus séduit dans le scénario de cette série ?

« De nombreuses choses ! Déjà, la thématique : voir, être vu, ne plus voir, ne pas être vu. Ça pose des questions qui peuvent être angoissantes. Je me suis demandé : ‘Qu'est-ce qu'il y a de pire, ne pas voir les autres ou ne plus être vu par les autres ?' On jauge en permanence notre rapport à l'autre par des signaux visuels. La série pose aussi la question : ‘Est-ce qu'on ne voit pas finalement mieux quand on est aveugle' ? On est tous quelque part aveugles même avec des yeux. »

La créatrice de la série (Marie Enthoven, NDLR) » fait un parallèle entre cette invisibilité et « la cécité de notre société ».

« Oui, il y a des personnes qu'on ne veut pas voir, parce que c'est trop dur, triste, angoissant, parce que ça nous ramène à des choses qu'on n'a pas envie de voir, comme notre lâcheté, notre vulnérabilité, tout ce qui nous fait peur. C'est une vaste thématique qui est déclinée à plusieurs niveaux. »

Le ton de la série est assez difficile à décrire. On se situe entre fantastique, drame et thriller. Ce n'est pas courant…

« C'est vrai que c'est une série fantastique, c'est super au niveau du challenge car c'est nouveau pour une série belge, mais il y a aussi tout le côté humain derrière. On voit comment ce phénomène d'invisibilité va impacter les gens et les rapports qu'ils ont entre eux. Il va créer des dissensions, chacun va réagir à sa façon. »

La série aborde aussi le cyberharcèlement. C'est une thématique très actuelle. On parle alors plutôt de survisibilité…

« Oui, on vit dans une société où on se met en scène tout le temps, sur les réseaux sociaux, avec les selfies. On a l'impression qu'on veut toujours être plus visible. Mais quelle partie de nous ? On a tous besoin d'être invisibles par moments. »

Il y a beaucoup de personnages féminins forts dans la série.

« Oui, c'est aussi ce qui m'a séduit. Il y a de beaux personnages féminins mais c'est une femme qui écrit la série donc ce n'est pas tout à fait un hasard (rires). Heureusement, c'est de plus en plus fréquent, mais ce n'est quand même pas le cas dans la majorité des séries. Ce qui est génial ici, c'est qu'il y a trois générations de femmes : une ado, une femme de 40 ans et une femme de 60 ans. »

Comment décririez-vous le personnage de Laurence ?

« Ce que j'aime dans le personnage, c'est que c'est une femme médecin, une scientifique, mais qui a aussi une intuition très développée. Elle donne foi à cette petite voix qu'elle entend à l'intérieur. C'est une femme très sensorielle. Elle est électro-hypersensible donc elle entend déjà des choses qu'elle ne voit pas. Je trouve qu'elle a aussi quelque chose d'animal, comme une louve qui veut protéger les siens. C'est une battante, une guerrière. »

Le fait de jouer le rôle d'une femme électro-hypersensible, ça a eu un impact sur vos habitudes par la suite ?

« Oui, ça m'a travaillé d'une certaine façon. J'ai rencontré des personnes électro-hypersensibles en préparant le tournage. C'est assez interpellant. Il n'y a rien qui prouve que c'est mauvais sur le court terme mais on est quand même en train de jouer aux apprentis sorciers. On ne sait pas ce que ça a comme impact sur le bien-être humain sur le long terme. C'est angoissant. Avec l'arrivée de la 5G, on se transforme tous en souris de laboratoire. »

Si vous deveniez invisible, ce serait plutôt un don ou un handicap pour vous ?

« Ça dépend si c'est permanent ou pas. Ça peut être un super pouvoir qui fait rêver mais si c'est choisi et si c'est réversible. Que devenez-vous quand les autres ne vous voient plus ? Il reste quoi de vous, de votre personnalité ?

Comment s'est déroulé le tournage ? Il a été rude paraît-il…

« Le rythme était intense. On a tourné en hiver, beaucoup en extérieur. Certains acteurs ont dû tourner nus dehors. Et puis, le tournage a été interrompu à cause du coronavirus cinq jours avant la fin. C'est terriblement frustrant. On a dû s'arrêter sans savoir si on allait reprendre dans un mois ou dans un an. On ne peut pas clore le chapitre, tout reste en suspens. Finalement, cette pause a été plutôt bénéfique de mon point de vue car ça m'a permis de revenir sur le rôle, de prendre du recul. »

Le secteur culturel est beaucoup touché par la crise de la Covid-19. Etats-vous également impactée professionnellement ?

« Moi j'ai eu la chance de ne pas avoir de projets annulés. Pour l'instant, j'ai moins de propositions au théâtre que pour des tournages. On tourne énormément actuellement. J'ai beaucoup de chance mais quelle peine pour tous mes amis du théâtre et du secteur culturel en général, c'est dramatique. »

En quelques lignes

Ph. Kwassa Films-RTBF-Proximus 3

Dans le village fictif de Creux, alors qu'une antenne 5G vient d'être installée, plusieurs habitants se voient frappés par une mystérieuse épidémie : ils deviennent petit à petit invisibles. Certains utilisent ce « don » pour se venger, d'autres comme un outil de domination et d'autres encore vivent cette invisibilité comme un exil. Laurence (Myriem Akheddiou), chirurgienne ophtalmologue, est la première à se rendre compte du phénomène. Electro-hypersensible, elle se fie à ses intuitions et mène l'enquête malgré les doutes de son entourage. Mystérieuse, intrigante et originale : cette nouvelle série belge issue du Fonds Séries FWB-RTBF, créée par Marie Enthoven, a de quoi surprendre. Une série fantastique, à la fois dramatique et à suspense, c'est du jamais vu sur le petit écran belge francophone. Ça change des histoires criminelles dans les Ardennes ! Après le visionnage de deux épisodes, nous avons été agréablement surpris par une atmosphère particulière, des thématiques très actuelles et des effets spéciaux discrets et réussis. Mais le plus séduisant dans « Invisible », ce sont ses rôles féminins forts et remarquablement interprétés. Reste à voir si les huit épisodes que compte cette première saison suffiront pour développer suffisamment cette riche idée. (mb)