Georges Gilkinet: «La SNCB ne doit plus être une variable d'ajustement»

Le nouveau ministre de la Mobilité, l'Écolo Georges Gilkinet, est un habitué du transport en train et des mobilités douces. La coalition Vivaldi tout juste installée, il se félicite d'un programme qui entend renforcer ces solutions de transport. «Ce gouvernement, le plus vert de l'histoire, a pour ambition de modifier durablement la mobilité dans le pays», souligne-t-il.
par
Camille
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Trains plus fréquents, ponctualité, offre… Les attentes vis-à-vis du rail sont énormes.

«Effectivement. Le succès du pass Hello Belgium (plus de 3,2 millions de pass commandés, ndlr) est la preuve qu'il y a une clientèle énorme pour le train, et qu'elle ne demande qu'à être activée. Ça n'est pas étonnant, le train a tout pour plaire. J'ai moi-même longtemps été navetteur, même si je ne sais pas si mes nouvelles obligations me le permettront toujours. Le train est un lieu où l'on fait des rencontres, où on lit, où on travaille, où on se repose… Il faut donc avoir une offre qui réponde à cette demande.»

L'un des éléments clé est le tarif. Comment voyez-vous cette question?

«C'est un des points dont je vais discuter avec les différents acteurs. Permettez-moi de ne pas en dire trop pour le moment, alors que je n'ai pas encore rencontré tous les responsables du dossier. Mais il me semble important que le train reste accessible, et il y a des catégories prioritaires. Je pense notamment aux jeunes et aux seniors. Il faut aussi tenir compte du fait qu'il y a de nombreux trains qui circulent en journée avec des places disponibles. Quoi qu'il en soit, il est essentiel d'offrir des formules concurrentielles. Nous allons octroyer à la SNCB le statut d'opérateur unique pour dix ans. Cela lui donnera la visibilité nécessaire pour développer une telle offre.»

Qu'en sera-t-il du RER?

«L'objectif est évidemment de le boucler le plus vite possible. Des moyens ont été prévus lors des négociations. C'est essentiel, car nous devons offrir une solution satisfaisante aux navetteurs en termes de fréquence et de qualité de service.»

L'autre question quand on parle du train en Belgique, c'est la connexion des petites gares. Que prévoyez-vous pour les zones rurales?

«Je ferai le nécessaire pour que les petites gares restent ouvertes. Elles font partie du système pour alimenter les veines drainantes qui, elles-mêmes, alimentent les centres urbains. Il n'est donc pas question de diminuer l'offre rurale. Au contraire, on va travailler à une meilleure coordination, au bénéfice des habitants de ces régions.»

Les trains de nuit font leur retour dans certains pays. Souhaitez-vous voir la SNCB s'y impliquer?

«Je souhaite que l'offre de trains de nuit se développe en Europe. Il est important de proposer une alternative aux vols moyen-courriers. Sur ce secteur, la SNCB ne peut agir qu'en partenariat avec d'autres compagnies ferroviaires. Mais la Belgique a sa place dans un réseau de trains de nuit: nous sommes un nœud de correspondances au niveau européen, il faut en profiter.»

Tout cela va demander des moyens…

«Bien sûr. Mais notre volonté est de réinvestir dans le train, c'est clairement souligné dans l'accord de gouvernement, qui est le plus vert que l'on ait connu. La SNCB ne doit plus être une variable d'ajustement! Ce réinvestissement dans le train est indispensable si on veut parvenir à notre objectif de réduire de 55% nos émissions de C02 d'ici 2030. J'insiste sur le fait que cela est nécessaire si on veut respecter l'accord de Paris (qui vise à limiter le réchauffement climatique à 1,5 à 2º, ndlr). Il faut également garder en tête qu'il ne s'agit pas de dépenses, mais d'investissements. Le développement des énergies renouvelables, notamment, va créer de nombreux emplois.»

Sur les réseaux sociaux, récemment, certains se sont inquiétés des pertes d'emplois dans le nucléaire…

«Il y aura bien sûr des mesures d'accompagnement pour ces travailleurs. Il faut aussi savoir que la fin du nucléaire en 2025 ne signifie pas que tout va s'arrêter d'un coup. Il restera un important travail de démantèlement. Ce sont d'ailleurs des compétences que l'on pourra exporter par la suite, puisque d'autres pays envisagent à terme de ne plus avoir recours à cette technologie.»

L'autre gros sujet quand on parle de mobilité, c'est les voitures de société. Ne regrettez-vous pas que le dispositif continue d'exister?

«L'accord de gouvernement que nous avons négocié est un bon accord. Mais en effet, il est le résultat de compromis. Concernant les voitures de société, il est nécessaire, tant qu'elles existent, qu'elles soient le moins polluantes possible. C'est pour cela que nous visons l'électrification du parc d'ici 2026. Au-delà de cela, nous entreprendrons une large réforme fiscale. Elle visera à remplacer la voiture salaire par du cash. Il n'est, bien sûr, par question d'enlever une partie de la rémunération des personnes qui bénéficient de cet avantage. Mais nous estimons que la rémunération doit être versée en cash, afin de permettre à chacun d'en faire ce qu'il veut. En attendant, nous devons gérer le système existant dont nous héritons.»

Tout cela suffira-t-il à résoudre les problèmes de mobilité dans le pays?

«Je ne veux pas être le ministre de la mobilité qui arrive et annonce qu'il va tout résoudre. Notre ambition est d'agir vite, car la congestion urbaine coûte à l'économie, ainsi qu'à la santé de nos enfants. Il faut aussi agir en profondeur. Notre plan est de structurer le pays pour régler les problèmes de mobilité à long terme. C'est un travail de grande ampleur, que nous faisons pour les générations futures.»

Le droit de vote à 16 ans?

C'est un des combats de longue date de Georges Gilkinet: octroyer le droit de vote à 16 ans, afin de répondre aux aspirations politiques des jeunes générations. Pour l'heure, seule l'Autriche laisse cette possibilité, ainsi que l'Allemagne pour certaines élections locales. Le nouveau ministre Écolo, qui a longtemps été actif auprès des mouvements de jeunesse, souhaite que la mesure soit appliquée pour les élections européennes de 2024. L'accord de gouvernement précise que le jeune qui souhaite voter devra s'inscrire au registre des électeurs. Une fois inscrit, le vote sera obligatoire. «C'est une de nos pistes pour revitaliser la vie démocratique», explique-t-il. «La mobilisation des jeunes l'an dernier, en faveur du climat, montre qu'ils ont des choses à dire. Il faut pousser le monde politique à parler à cette classe d'âge.»