«Des touristes me font très souvent des remarques sexistes !»

Il y a une très faible probabilité que nous partions en masse cet été découvrir des horizons lointains. Le tourisme a en effet été durement impacté par la crise du coronavirus. Dans ce secteur, un groupe est encore plus vulnérable, celui des femmes entrepreneures qui tirent leurs revenus des activités touristiques.
par
Clement
Temps de lecture 5 min.

Dans le cadre du projet #WomenWithImpact, ViaVia Tourism Academy et le voyagiste Joker ont collecté des histoires de femmes dans le monde entier. Des femmes qui se sont engagées pour faire la différence pour elles et leur communauté. Elles participent aux objectifs de développement durable (ODD) et elles ouvrent la voie à l'égalité entre les sexes. En montrant la force du tourisme durable, elles aident à façonner le tourisme du futur. Présenter ces «women with impact» contribue à leur donner la place d'honneur qu'elles méritent. Aujourd'hui, c'est Mansooreh Sani et Shervin Zarrin Mehr qui prennent la parole. Ces femmes guides sont des partenaires permanentes de Joker pour les voyages en Iran.

Vous travaillez toutes les deux en tant que guides en Iran, comment vous êtes-vous retrouvées dans ce secteur?

Mansooreh: «Je suis diplômée en géologie, mais je n'ai pas trouvé de travail dans ce secteur. J'ai fini par aboutir dans le tourisme et j'ai obtenu mon diplôme de guide

Shervin: «J'ai fait des études de traduction persan-anglais et je suis devenue guide par hasard. Un ami belge est venu en Iran et m'a demandé si je voulais lui montrer mon pays. C'est ce que j'ai fait et j'ai vite compris que ce job me correspondait tout à fait. J'adore les contacts sociaux et je suis très curieuse de découvrir d'autres cultures. Je suis de plus la seule guide-chauffeur femme à Kerman et dans ses environs et c'est plutôt rare en Iran

Qu'est-ce que cela fait d'être une femme guide en Iran?

S: «Notre culture est patriarcale et beaucoup d'hommes ont du mal à accepter qu'une femme puisse exercer la même profession qu'eux. En conséquence, tout le monde ne peut pas faire ce travail. Nous observons que les femmes guides proviennent toutes d'une partie plus instruite de la population, mais seul un tiers des femmes qui sont diplômées travaillent comme guides. Il est difficile de traduire la théorie dans la pratique et tout le monde n'est pas capable de gérer des situations difficiles. En outre, les femmes guides sont nettement moins payées que leurs collègues masculins.»

M: «En tant que femme guide, vous devez sans cesse faire vos preuves. Vous devez vous imposer et montrer que vous avez les compétences requises. Les hommes ont vite tendance à penser que vous flirtez avec eux, il est donc important de poser des limites claires. Malheureusement, les femmes ont bien plus de challenges à relever que les hommes et pas seulement dans la société iranienne. Des touristes étrangers me font très souvent des remarques sexistes

Où en est-on avec l'égalité entre les sexes en Iran? Constatez-vous une évolution?

S: «Nous allons certainement dans la bonne direction par rapport à il y a quelques décennies. Beaucoup de choses sont en train de changer grâce aux médias et aux mouvements féministes. Les hommes plus jeunes ont de plus en plus de respect pour les femmes. Ils commencent à comprendre que l'égalité entre les sexes peut aussi jouer à leur avantage. La mauvaise situation économique de l'Iran leur a fait entrevoir qu'une femme qui travaille peut faire une grande différence!»

M: «Je constate aussi chaque jour que les hommes commencent à s'intéresser davantage au sujet. Ce sont surtout les jeunes hommes qui se jettent avec nous dans la bataille. Quant aux femmes, elles s'informent toujours plus et mieux sur leurs droits. Je pressens un meilleur avenir pour l'égalité entre les sexes dans notre pays. Mais nous avons encore un long chemin à parcourir!»

Pourquoi est-ce important que les touristes soutiennent les femmes entrepreneures?

M: «En Iran, le soutien des touristes revêt une très grande importance pour les femmes. Elles constatent de cette façon qu'elles peuvent faire une différence et qu'elles sont appréciées. De plus, elles peuvent ainsi se construire leur propre vie et inspirer d'autres femmes et les inciter à devenir aussi des entrepreneures

S: «Les femmes iraniennes sont en outre plus tolérantes que les hommes. Elles sont davantage à l'écoute des suggestions et sont plus flexibles. Si bien que beaucoup de touristes préfèrent traiter avec elles

Quelle est l'image que se font les touristes de l'Iran? Et qu'en pensent-ils lorsqu'ils quittent le pays?

S: «À cause des médias, beaucoup de gens ont une image négative de l'Iran. Après quelques jours, la plupart se rendent heureusement compte que l'image qu'ils s'en faisaient n'est pas correcte, qu'ils ont atterri, façon de parler, dans un tout autre pays. C'est aussi en partie notre tâche en tant que guide: montrer la réalité. Il y a des mauvais côtés, mais les beaux côtés sont bien nombreux! La nature omniprésente, l'architecture imposante, la gentillesse de la population… Mon pays a tellement à offrir

M: «Il n'est malheureusement pas toujours possible de faire comprendre à certains que leur image est limitée. Il n'y a pas longtemps, un touriste plus âgé était encore persuadé à la fin de son voyage que les femmes iraniennes sont soumises. Selon lui, si elles ne l'étaient pas, elles se rebelleraient. Je lui ai répondu que nous étions fortes et en train de changer notre pays à notre manière

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Le projet #WomenWithImpact est une initiative de ViaVia Tourism Academy, en partenariat avec Joker et Metro. Il a vu le jour grâce au soutien financier de l'Union européenne dans le cadre du programme «Frame Voice Report» et est coordonné par Wilde Ganzen.