"Selon une étude scientifique..." : comment faire pour s'y retrouver ?

"Alors, ça marche ou pas ?" : avec le Covid-19, le nombre d'études scientifiques, souvent contradictoires, explose, donnant l'impression d'une incompréhensible cacophonie, incarnée de façon flagrante par les controverses autour de l'hydroxychloroquine.
par
Camille
Temps de lecture 4 min.

Si la controverse et le doute sont inhérents à la recherche, il existe pourtant des repères pour s'y retrouver.

La controverse, moteur de la science

Rendre publics ses travaux est un passage quasi-obligé pour un scientifique. Il soumet ses résultats à d'autres experts du même domaine -ses pairs- qui vont les commenter, les critiquer, en pointer les limites et/ou les points forts, voire parfois les réfuter. C'est pour cela qu'une étude ne fait en général pas de conclusions définitives, ses auteurs indiquant habituellement que d'autres travaux sont nécessaires, qui viendront le cas échéant compléter, étayer ou contredire les résultats déjà rendus publics.

C'est un faisceau d'études allant dans le même sens qui va éventuellement permettre de valider des hypothèses et de dégager un consensus scientifique. Cela peut être très long et parfois, aucun consensus clair ne se dégage malgré des années de recherches. Du coup, sur de nombreux sujets, la science n'a pas toujours de réponse tranchée permettant de répondre par "oui" ou par "non", une réalité d'autant plus frustrante dans un contexte de pandémie mondiale et meurtrière.

Reprises abondamment par la presse, relayées et débattues avec virulence sur les réseaux sociaux, citées et parfois instrumentalisées par des personnalités politiques, les études sont mises à toutes les sauces dans le débat public.

Il y a "étude" et "étude"

Pour autant, doutes, controverses et instrumentalisations ne signifient pas que les études ne veulent rien dire ou qu'elles se valent toutes. Premier point, il y a en quelques sortes "étude" et "étude". Si le mot est communément utilisé pour désigner, grosso modo, tout travail de recherche rendu public, il recouvre des réalités un peu différentes.

La prestigieuse revue scientifique Nature explique par exemple qu'un "article de recherche" est une publication "dont les conclusions font avancer de façon substantielle la compréhension d'un problème important", à la différence des "lettres", correspondances, etc. De plus, une étude peut porter sur des choses très différentes. Rien que dans le cas du Covid-19, parmi la multitude d'études qui circulent, certaines se penchent sur l'examen de symptômes, d'autres sur l'efficacité potentielle d'un traitement et ce, in vitro ou sur de "vrais patients".

Deuxième point : où trouve-t-on cette étude ? Dans le monde de la recherche, le terme de "publication" désigne les études publiées dans une revue scientifique. Traditionnellement, le Graal est d'être publié dans un titre prestigieux, comme, en médecine, The Lancet ou The Journal of the American Medical Association... Il existe des milliers de revues scientifiques, plus ou moins connues, considérées comme plus ou moins sérieuses du point de vue des textes acceptés et de la rigueur de leurs processus de relecture. La publication dans une revue prestigieuse "à comité de lecture indépendant" est vue comme un bon gage de qualité, ce n'est pas une garantie absolue en tant que telle de la qualité ou de la validité de l'étude.

En attendant d'être éventuellement publié, un auteur peut mettre en ligne son étude en libre accès sur une plateforme de "pré-publication" ("preprints"), comme medRxiv (médecine) ou bioRxiv (biologie). "C'est très bien" parce que ça permet de "partager" son travail rapidement mais "il y a eu une explosion de 'preprints' de très mauvaise qualité, souvent avec de gros problèmes méthodologiques, publiés très vite juste pour pouvoir évoquer le coronavirus", regrette le chercheur en biochimie Mathieu Rebeaud. "Le problème, c'est que certains sont utilisés tels quels par des sites internet ou même des médias alors qu'ils ne sont pas faits pour ça", poursuit-il.

La rigueur scientifique

De façon générale, toutes les études ont des biais. Reste à savoir s'ils sont nombreux, dans quelle mesure ils influent sur les résultats et s'ils sont clairement exposés et pris en compte par les auteurs. L'étude doit aussi prendre en compte du mieux possible un certain nombre de variables, comme par exemple les autres facteurs de risques (âge, poids, autres maladies...). L'idée est d'être en mesure de déterminer si c'est bien le médicament lui-même, le plus indépendamment possible d'autres facteurs, qui a eu un effet, qu'il soit négatif ou positif ou nul.

Sont considérés comme les plus solides les "essais randomisés contrôlés", avec le moins de biais statistiques possibles, sur de larges groupes de patients. Mais ce type d'essai est lourd et long à mettre sur pied, comme en témoignent les débuts difficiles de l'essai européen Discovery. Cette lenteur est la principale justification du Pr Didier Raoult, qui a décidé d'administrer HCQ et antibiotique azithromycine à des patients dès les premiers symptômes. Il a rendu publiques plusieurs études affirmant que le traitement était efficace contre le Covid-19.