Confinement prolongé, santé mentale à surveiller

Les conséquences psychiques du confinement, que plusieurs pays touchés par la pandémie de coronavirus ont prolongé cette semaine, inquiètent les professionnels de la santé mentale. Ils demandent une vraie prise en compte de la question.
par
Camille
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"L'extension du confinement était attendue, mais la nouvelle va profondément décevoir beaucoup de gens," notait Linda Bauld, professeur en santé publique à l'université d'Édimbourg, après l'annonce jeudi de la prolongation pour trois semaines du "lockdown" en Grande-Bretagne. "Les conséquences indirectes s'accumulent", poursuivait-elle, soulignant que "de récentes études montrent une augmentation inquiétante de l'anxiété et de la dépression" dans la population générale.

Le constat se répète dans tous les pays soumis à cette mesure drastique, oubliée depuis des décennies dans nos sociétés modernes. Ainsi en France, un consortium d'unités de recherche, dont l'École des hautes études en santé publique, a lancé CoConel (coronavirus et confinement), "étude longitudinale" (sur la durée) d'un panel d'un millier de personnes.

Sérieusement affecté

Même préoccupation aux États-Unis, où "plus d'un tiers des Américains (36%) disent que le coronavirus affecte sérieusement leur santé mentale" soulignait l'American psychiatric association (APA) dans une lettre adressée le 13 avril aux dirigeants du Congrès. Alertant sur le risque de voir "encore plus d'Américains ayant besoin de soins psychiatriques", l'APA réclamait des investissements pour les besoins immédiats "et pour la période de rétablissement", notamment en matière de téléconsultations et d'accès aux soins.

"Appel à l'action" également en Grande-Bretagne, signé jeudi par 24 professionnels dans la revue Lancet Psychiatry, le matin même de l'annonce de la prolongation du confinement dans le pays. Ils réclament notamment une surveillance renforcée des conséquences psychiatriques de l'épidémie, s'appuyant eux aussi sur des enquêtes d'opinion révélant une crainte plus forte des impacts psycho-sociaux de l'épidémie que de tomber soi-même malade.

Hallucinations

Et c'est donc l'accès à une aide professionnelle qui va être un des enjeux de la sortie de crise. Avec des freins déjà identifiés, à commencer par l'image des troubles mentaux dans le public, vite renvoyés "aux fous". "La déstigmatisation est cruciale," souligne Anne Giersch, directrice de l'unité de neuropsychologie cognitive de l'Inserm à l'université de Strasbourg. "Il y a par exemple un lien entre isolement et hallucinations, mais encore faut-il pouvoir poser ces questions taboues. Quand on présente certains symptômes, ça parait normal d'aller consulter pour un infarctus. Pourquoi pas en psychiatrie?".

Encore faut-il avoir facilement accès aux soins, deuxième écueil. Dès le 23 mars, le Syndicat des psychiatres français (SPF) demandait ainsi "que soient déployés les moyens nécessaires (pour) assurer la prévention comme la continuité des soins".