Norman regrette le manque de créativité sur YouTube : « Ils ont un peu niqué le game »

À l'occasion de sa venue en Belgique pour son deuxième spectacle, Norman est revenu pour Metro sur son amour pour la scène, mais aussi sur l'évolution de YouTube et… ses chats.
par
ThomasW
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Vous appelez ce spectacle celui de la maturité, vous sentez-vous plus mature qu'avant?

«Disons que j'ai 32 ans maintenant, donc je ne suis plus l'adolescent boutonneux des premiers spectacles. J'ai un peu grandi, je suis papa. Il y a une notion de maturité mais c'est aussi une petite blague. J'ai toujours aimé ce concept de l'album de la maturité… C'est à la fois une blague et en même temps pas.»

Vous parlez du fait d'être papa. Avez-vous toujours le temps pour réaliser vos projets?

«C'est très dur mais j'assume et je suis très heureux. Évidemment c'est ‘family first' comme on dit. C'est un métier à part entière. Souvent, je dis que je fais trois métiers: de la scène, YouTube et le métier de papa.»

Dans vos spectacles et vidéos, vous donnez toujours beaucoup d'importance à vos chats, pourquoi?

«Comme beaucoup de gens, j'ai grandi entouré de chats. Ce n'est pas très original. J'ai toujours voué une sorte de culte pour les chats. Je ne sais pas, j'ai un feeling avec eux qui est dingue. Cela m'a toujours passionné de les regarder. J'ai commencé mes premières vidéos en parlant de mes chats et les gens ont adhéré à mort. C'étaient mes premiers petits buzz, voire même plutôt gros buzz. Puis je n'ai jamais lâché l'affaire. Je n'en parle pas tous les quatre matins mais j'ai des aventures avec mes chats et quand j'en parle aux gens, ça les intéresse. Alors je ne m'arrête pas.»

Ph. Th. Kelly

C'est votre second spectacle, a-t-il été plus compliqué à préparer que le premier?

«Il y a toujours une pression au deuxième spectacle car je n'ai pas le petit bonus de la surprise. Le premier spectacle, les gens se demandaient à quoi ressemble Norman sur scène. Cette fois, je n'ai plus ça. Il faut être meilleur que dans le premier. Donc on a mis plus de temps à l'écrire: deux ans au total. Et aujourd'hui, il est terminé. C'est une première version qui va encore évoluer car c'est un spectacle vivant. Mais j'en suis déjà très fier.»

Cauet évoquait il y a peu que, pour lui, le plus difficile était de faire venir des gens à son spectacle alors qu'ils avaient accès à ses blagues gratuitement. Vous le ressentez aussi?

«Exactement, c'est une remarque intéressante. Je fais partie des artistes gratuits pour les gens. Dans leur tête, j'évoque la gratuité. Et tout d'un coup, se mettre à payer pour venir me voir, c'est peut-être un peu bizarre. Mais en même temps, pour le premier spectacle, ils ont été 400.00 à prendre des places, c'est énormissime. Cela prouve que les gens sont prêts à payer pour voir autre chose.»

Dans le spectacle, vous parlez de la nuisance des réseaux sociaux. Quelle est la chose qu'on vous a dite en ligne qui vous a le plus touché?

«Sur les réseaux sociaux, je parle pas mal de ce qu'on appelle le ‘fomo', fear of missing out. C'est-à-dire ce sentiment de frustration qu'on a en permanence. On a vite un complexe d'infériorité à regarder ces stars toujours à ‘oualpé' (‘à poil', NDLR) et super bien galbées avec de la thune et des yachts. Et il faut savoir prendre de la distance. Je fais partie des influenceurs français donc c'est peut-être un peu paradoxal de dire ça… Mais c'est assez dangereux pour le bien-être de l'esprit d'être trop sur son téléphone.»

Dans vos vidéos, vous vous faites toujours passer pour un mec normal. Avec la célébrité, vous considérez-vous toujours comme une personne normale?

«Oui. Après, on ne va pas se mentir: avec les années, j'ai eu pas mal de privilèges qui sont arrivés. J'ai commencé à gagner très bien ma vie donc je me suis légèrement embourgeoisé, mais pas trop. J'essaye de tout faire pour rester le même qu'avant. Il n'y a pas eu vraiment de grand changement dans ma vie. Je crois être un mec simple avec des goûts simples. Je ne suis pas un mec qui flambe.»

Vous faites maintenant partie des anciens de YouTube, quel regard portez-vous sur l'évolution de la plateforme?

«Disons que c'est un peu la destruction de YouTube. Il y a tellement de youtubeurs et youtubeuses que cela a un peu éteint la flamme de YouTube. Quand il y a trop d'artistes, il y a trop d‘artistes. Évidemment, il y a plein de gens qui ont du talent et qui sont supers, ils ont raison d'être sur YouTube. Mais il y a tellement de viewers qui sont devenus youtubeurs qu'il n'y a plus vraiment de youtubeurs. Ce n'est pas comme avant, où on pouvait se lever un matin et regarder toutes les vidéos YouTube cool. Ils ont un peu ‘niqué le game'. Mais bon, j'aurais été à leur place, j'aurais fait exactement pareil.»

Le Joueur du Grenier parlait d'une sorte d'uniformisation de YouTube, qui devient une télé un peu cheap. C'est aussi quelque chose que vous pensez?

«Je pense tout à fait pareil. Mais cela n'enlève en rien le talent des gens qui font ce style de vidéos. Je n'ai pas le talent de certains qui font des vidéos spontanées type télé, je n'arriverai jamais à faire ça. Je suis impressionné car ils arrivent à ramasser du clic et à attirer les gens. Donc c'est une forme de génie. Après, on est moins proche de l'artistique et plus proche du divertissement grand public. Mais je pense qu'il y a de la place pour tout le monde.»

Vous avez sorti il y a peu une série, «Le Talisman», en insistant beaucoup sur son côté indépendant. Pourquoi?

«Je suis très fier car grâce à l'argent récolté pendant des années sur YouTube, grâce aux gens, je peux produire mes propres aventures, rester indépendant et n'écouter que moi en ce qui concerne les choix artistiques. C'est une vraie aubaine et c'est grâce aux gens.»

Entre la scène, YouTube, le cinéma, comment voyez-vous le futur?

«Jusqu'à présent je n'y ai jamais réfléchi car tout va tellement vite: la technologie, les mœurs. Tous les jours, il y a des nouveautés auxquelles on ne s'attend pas donc je vis au jour le jour. Mais si, dans quelques années, je peux continuer à vivre de mes créations, ce serait une super chance. Je croise les doigts pour que ça continue.»

Clément Dormal

Norman se produira sur scène le 5 mars 2020 au Forum de Liège et le 6 mars 2020 à Forest National