Bed Bug : le roman de Katherine Pancol qui ne manque pas de piquant

Qu'est-ce qu'il se passe dans la tête des filles aujourd'hui? Et que se passe-t-il dans leur lit? Sous les traits de Rose, son héroïne, Katherine Pancol explore la galaxie des insectes et leurs rituels amoureux pour mieux comprendre les relations humaines. L'auteur des «Yeux Jaunes des Crocodiles» et de la trilogie «Muchachas» signe un 19e roman qui ne manque pas de piquant: Bed Bug.
par
ThomasW
Temps de lecture 5 min.

Vous explorez le monde des insectes avec Rose, votre héroïne. Elle s'explique ses relations et sa sexualité, qu'elle ne comprend pas trop, grâce à leurs fonctionnements. Pourquoi ce parallèle?

«Quand j'ai commencé à construire ce personnage, je me suis dit que j'allais la faire biologiste. J'avais rencontré un biologiste très sympa, qui m'avait renvoyée vers un ami qui travaille sur une petite luciole alsacienne, très prometteuse pour le traitement du cancer du sein et des poumons. Donc je suis allée voir ce monsieur, un chercheur formidable, passionné par les insectes. Il m'a raconté plein d'anecdotes sur leur vie sexuelle. J'ai découvert des choses absolument incroyables. Moi qui étais entrée dans la tête de Rose, je me suis dit qu'elle allait faire sans arrêt un parallèle, puisque c'est sa matière à elle, entre les insectes et sa vie sentimentale ou sexuelle.»

Rose s'interroge sur ses désirs. Elle se dit que son «fantasme de la paupiette» entre en contradiction avec l'image de la femme moderne et indépendante qu'elle veut incarner…

«Elle est très contradictoire, Rose. Elle est très logique et concentrée quand il s'agit de ses travaux en labo. Mais comme elle est cabossée de l'enfance, sa vie personnelle est complètement incohérente. Elle sait qu'il y a eu quelque chose dans sa vie, mais elle ne sait pas quoi. Elle n'est pas rassurée. Ce qui la rassure, ce sont les choses qu'elle comprend. Comme elle ne comprend pas comment elle fonctionne, elle part en quête de ce fonctionnement. Et tout d'un coup elle se surprend à avoir des fantasmes dont elle a honte. Elle se demande comment elle peut penser ça. Or, on peut avoir des fantasmes tout en étant une femme libre, indépendante et forte.»

Vous n'épargnez pas vos personnages masculins…

«Tout est vu à travers les yeux de Rose. Léo est un collègue de travail. Il est avec elle comme un copain. Il n'est pas dans l'intimité. C'est juste quand il comprend qu'il peut se la faire un soir qu'il y va. Mais il sort de l'histoire aussi facilement qu'il y est entré, alors qu'elle, elle a construit un roman! Elle dit ‘il ne sait pas que l'on est déjà mariés et que l'on a deux enfants'. Forcément, il n'est pas au courant de ses fantasmes! Donc lui continue de se comporter comme un copain, c'est là qu'ils sont totalement en décalage. Pour elle, Léo existe comme un écran. Elle invente un personnage et tombe amoureuse de ce fantasme-là, mais ce n'est pas lui. Elle ne lui donne pas sa vraie place.»

Est-ce que l'«atmosphère Me Too» vous a inspirée dans l'écriture de ce roman?

«Je suis devenue écrivaine par hasard. Je n'ai jamais écrit pour illustrer ou répondre à une question de société. J'ai toujours écrit pour me faire plaisir. Je raconte la vie, la société, les rapports homme-femme… Je raconte ce que je vois. Je ne suis pas une intello quand j'écris. Ce que j'aime dans la littérature américaine, chez Hemingway, Fitzgerald…, c'est qu'ils parlent de leur époque. C'est ça qui m'intéresse. Ce que j'écris sur ce qu'il se passe quand Rose était enfant, ça m'est arrivé. Donc je l'ai déjà raconté dans un livre, ‘J'étais là avant'. Mais personne n'en a parlé. C'était en 1999. Je me disais ‘c'est incroyable', j'écris ça et personne n'en parle, personne. Parce qu'à l'époque, on n'en parlait pas. On trouvait ça normal. Moi quand ça m'est arrivé petite fille et que je l'ai dit, personne ne m'a entendue. On me disait que j'affabulais. C'est dur. Parce que l'on vous nie. On en parle vraiment de puis cinq ou six ans. C'est bien, ça évolue. Les mentalités, heureusement, évoluent. Maintenant, on peut enfin parler.»

On assiste aujourd'hui à une libération de la parole des femmes par rapport aux violences, mais aussi doucement par rapport au plaisir féminin. Ça aussi, ça reste tabou.

«Je suis étonnée qu'on n'en parle pas plus, parce que c'est quand même en train de changer terriblement les rapports entre garçons et filles. Quand j'ai écrit ‘Bed Bug', je me suis mise dans la tête de Rose, 29 ans. Quand Rose raconte ce premier baiser raté, ou sa nuit où le mec baise si mal que ça devient embarrassant pour elle, ça, je l'ai entendu chez des filles de 30 ans, et puis je l'ai vécu. Même encore à mon âge, je tombe sur des hommes qui ne savent rien du tout! Tu as envie de leur dire: ‘attends, je vais t'expliquer, je te fais un dessin'. Mais quand j'entends que les filles de 25 ans ont le même problème, je me dis c'est un truc qui perdure… Je ne sais pas ce qu'il faut faire, donner des cours de plaisirs à l'école peut-être!»

Les rapports entre hommes et femmes, c'est un thème qui traverse tous vos romans.

«L'amour ça passe dans tous les milieux, toutes les têtes. Le désir pareil. Ça peut renverser une situation politique, économique… C'est ça qui m'intéresse. Ce n'est pas les grandes déclarations. Parce que les grandes déclarations, c'est souvent bidon.»

C'est aussi un sujet inépuisable…

«C'est inépuisable et puis chaque être humain a envie de ça. La seule chose dont les gens ont envie, c'est d'amour, c'est d'être heureux avec quelqu'un. L'aspiration des êtres c'est ça, ils veulent aimer, donner, partager… Et qu'on les aime, qu'on leur donne et qu'on partage.»

Oriane Renette

En quelques lignes

Saviez-vous qu'en plein accouplement, la moucheronne Ceratopogonidae liquéfie son partenaire avant de l'aspirer? Et que la femelle grillon Gryllus bimaculatus compte jusqu'à dix partenaires, mais préférera toujours un géniteur inconnu à ses «réguliers»? Rose, elle, maîtrise parfaitement l'alchimie sexuelle des insectes. Mais lorsqu'elle se penche sur sa propre vie amoureuse: panique. Dès qu'elle se trouve face à Léo, séduisant chercheur en pantalon jaune, elle est totalement désemparée. Avec «Bed Bug», Katherine Pancol nous plonge dans l'univers fascinant des insectes tout comme dans le désarroi amoureux d'une femme au bord d'un lit. Pour ce 19e roman (rien que ça!) l'auteur de best-sellers nous emmène de Paris à New York, à la rencontre de trois générations de femmes marquées par la domination masculine. «Bed Bug» mélange savamment tous les ingrédients qui ont fait le succès de l'auteur jusqu'ici: amour, personnages attachants et complexes, humour, émotions et un rien de surprise. Un roman ancré dans l'air du temps qui séduira sans aucun doute les lecteurs de Katherine Pancol. (or) 3/5

Bed Bug, de Katherine Pancol, éditions Albin Michel, 342 pages, 19.9 €