[Interview] Agathe Auproux raconte son combat contre le cancer dans son premier livre

Dans son livre «Tout va bien», la journaliste et chroniqueuse Agathe Auproux se confie sur la découverte de son lymphome hodgkinien, une forme de cancer du système lymphatique, ainsi que son combat contre la maladie et le cheminement qui l'a poussée, après quelques mois, à annoncer publiquement souffrir de cette pathologie.
par
ThomasW
Temps de lecture 5 min.

Comment allez-vous?

«Aujourd'hui, je vais très bien. Sans auto persuasion, sans conditionnement optimiste, tout va très bien.»

Votre livre est parsemé de messages reçus sur Instagram. Ce sont des messages qui vous ont fait du bien?

«Oui. J'en ai mis quelques-uns qui étaient un peu moins bienveillants car je les trouvais drôles. Sinon, effectivement, le soutien de milliers d'inconnus que j'ai reçu quotidiennement pendant tout le traitement a été d'un secours absolu.»

Vous avez dialogué avec certaines de ces personnes?

«Bien sûr. C'est ce qui est super avec les réseaux sociaux. Cela nous donne un vecteur de communication direct avec les gens qui nous suivent et je trouve cela extrêmement précieux.»

En parlant de commentaires négatifs, une personne vous a écrit: «Si tu as menti, le bon Dieu te punira. Enlève donc cette perruque car d'autres en ont vraiment besoin et sont vraiment malades». Qu'est-ce que l'on ressent lorsqu'on reçoit ce genre de message?

«(Rires). Heureusement, c'étaient des messages extrêmement minoritaires donc cela m'a permis de le prendre avec le sourire. Mais on se demande toujours d'où peuvent venir cette haine et cet appétit du complot, car mon cancer était devenu un vrai complot. J'avais ‘inventé cette maladie de toutes pièces pour que l'on parle de moi, pour faire le buzz'. Je n'ai toujours pas bien compris le cheminement intellectuel des personnes qui défendaient cette thèse. Cela questionne un peu sur l'être humain.»

En lisant votre livre, on a l'impression que votre statut de personnalité publique est devenu un fardeau, du fait qu'on vous reconnaisse notamment à l'hôpital.

«C'est vrai que le fait d'être reconnaissable était compliqué à gérer. Quand on est dans ces moments résolument intimes, des moments qu'on a du mal à appréhender nous-même, devoir être dans une sorte de représentation est effectivement très compliqué.»

Est-ce qu'on peut dire qu'Instagram était devenu une sorte de prison?

«Complètement. J'étais prise au piège. Vu que c'est un réseau que j'alimentais, et que j'alimente toujours, quotidiennement, une absence était tout de suite notifiable et notifiée. Si je passais plus de 24 heures sans rien poster, je recevais tout de suite des messages pour savoir ce qu'il se passait. Donc, effectivement, il fallait que je me force à faire semblant d'être en pleine forme, comme si rien n'avait changé, alors que je passais la moitié de mon temps à l'hôpital.»

Avec du recul, vous auriez appréhendé la chose différemment?

«Oui, je ne recommande absolument pas d'essayer de dissimuler sa maladie. C'est résolument malsain. En ayant l'expérience d'aujourd'hui, je l'annoncerais de façon assez transparente et factuelle dès le départ.»

Qu'est-ce qui a été le plus dur pendant le traitement?

«L'opération au bloc opératoire pour la pose du cathéter a sans doute été l'épisode le plus traumatisant pour moi car je ne m'y attendais pas du tout. J'avais anticipé la chimio, les traitements, car il y avait beaucoup de témoignages sur les forums. Quand on se retrouve seule face à cette maladie dont on n'a jamais entendu parler, on a ce réflexe un peu débile d'aller fouiller internet et ses recoins pour lire des témoignages d'autres gens qui ont vécu la même chose. Tous parlent de la chimiothérapie, des effets secondaires, mais je n'ai lu aucun témoignage sur l'opération qui consistait à implanter un cathéter à l'intérieur de son corps. Donc je l'ai vécue sans savoir ce que ce c'était et cela m'a profondément choqué.»

Comment qualifieriez-vous le soutien de Cyril Hanouna et de son père médecin?

«Le soutien de Cyril a vraiment été salvateur car c'est grâce à lui et à son père que la maladie a été détectée au stade deux (grâce à la prescription d'un scanner d'urgence, ndlr). Cela veut dire qu'elle aurait pu se développer encore si je n'avais pas fait cet examen, ce scanner, au moment où je l'ai fait. Ils ont joué un rôle primordial dans ma guérison.»

Vous avez encore des contacts avec son père?

«Bien sûr, je lui donnais régulièrement des nouvelles pendant toute la durée du traitement étant donné qu'il était à l'origine de la découverte de ma maladie. C'est devenu quelqu'un de très important dans ma vie.»

Est-ce que vous avez eu peur de mourir?

«Jamais.»

Mais vous avez pensé à la mort?

«Évidemment, quand on nous parle de cancer, étant donné qu'on sait que c'est une maladie contre laquelle on n'a pas de traitement miracle, on sait que c'est une possibilité. Mais je ne l'ai jamais envisagé pour moi. Je ne me suis jamais dit que j'allais mourir. À part cette unique fois où, après le scanner, le technicien m'a dit de ne pas me relever de la table de scanner et de m'asseoir car ‘il y a de quoi s'asseoir'. Là, je me suis dit que j'allais mourir dans les deux semaines, qu'on allait m'annoncer un truc horrible.»

L'écriture de ce livre vous a-t-elle donné envie d'en écrire d'autres?

«C'était un processus plutôt laborieux pour moi mais ce n'était pas déplaisant. La gratification à la fin est tellement agréable que je me dis pourquoi ne pas retenter l'expérience. Mais pas sur ma vie, je pense qu'on a fait le tour. Pourquoi pas une œuvre de fiction où un roman si je trouve la bonne idée. Je pense que cela me plairait.»

Clément Dormal

«Tout va bien», d'Agathe Auproux, éditions Albin Michel, 224 pages, 15 €