Matthias Schoenaerts raconte son expérience des chevaux et des prisons pour "The Mustang"

Depuis sa projection en avant-première au festival de Sundance, ‘Nevada' (‘The Mustang') récolte des éloges partout. Le drame de la cinéaste française Laure de Clermont-Tonnerre sur un détenu américain (rôle impressionnant pour Matthias Schoenaerts) qui se réconcilie avec lui-même en travaillant avec des mustangs sauvages est en effet un beau film. La semaine dernière, la star belge et la réalisatrice ont répondu aux questions de Metro au Film Fest Gent.
par
ThomasW
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D'où vient l'idée de ‘The Mustang'?

Laure de Clermont-Tonnerre: «J'avais lu par hasard un article sur un programme français de réhabilitation dans une prison à Strasbourg avec de petits animaux, comme des oiseaux, des lapins, des chiens et des chinchillas. Le contraste entre le cadre sombre et oppressant d'une prison et la beauté innocente des animaux me plaisait et, il y a cinq ans, j'ai fait un court-métrage autour de ça, intitulé ‘Rabbit'. Mais le sujet me poursuivait, et je suis tombée plus tard sur un autre article sur un programme semblable au Nevada, où des détenus dressaient des chevaux sauvages qui étaient ensuite vendus aux enchères. J'ai tout de suite su que j'avais trouvé un long-métrage.»

Matthias, votre interprétation a quelque chose d'animal. Vous êtes-vous inspiré de ces mustangs pour vous préparer?

Matthias Schoenaerts: «En tant qu'être humain, vous vous adaptez toujours à votre environnement. J'ai passé beaucoup de temps avec ces chevaux, et alors il en reste automatiquement quelque chose. Je ne voulais pas trop le souligner dans mon interprétation. Il fallait que ce soit quelque chose que mon personnage respire au sens propre comme au figuré.»

LCT: «Il y a une vraie similitude entre le personnage de Matthias et ce cheval. Ils présentent les mêmes symptômes d'angoisse. Ils ressentent tous les deux une menace partout.»

MS: «Et la même méfiance.»

LCT: «Ils ont tous les deux été maltraités. Ils se reconnaissent dans leur souffrance. Ce lien est perceptible. Ils produisent aussi le même son. La différence entre un cheval dressé et un cheval sauvage, c'est qu'un cheval sauvage grogne quand il a peur. Un son que vous n'entendrez jamais chez un animal domestique dressé. Et Matthias a repris ça spontanément. (rires) La respiration très lourde d'un homme qui ne parle jamais. Il déborde d'émotions qui ne sortent jamais par la voix, mais qui s'expriment par son attitude corporelle et sa respiration. C'était pour moi la musique du film.»

Ce cheval est aussi votre principal partenaire de jeu dans le film. Comment était-ce de travailler avec lui?

Matthias: «Je n'étais jamais monté sur un cheval avant et j'ai dû apprendre à monter en très peu de temps. Durant la préparation, nous avons surtout visité des prisons et parlé avec des détenus. L'équitation, je trouvais que c'était moins important, car mon personnage l'apprend aussi lui-même au cours du film. Il fallait donc que cela ait l'air difficile et que je paraisse maladroit. D'ailleurs, cela énervait mon professeur d'équitation. Pour des raisons de sécurité, il voulait que je passe quatre heures en selle tous les jours, alors que moi je préférais faire connaissance avec le cheval.»

Vous sentiez-vous tout de suite à l'aise auprès de ces animaux?

MS: «J'ai quand même eu très peur une ou deux fois, je dois l'avouer. Nous avions trois chevaux identiques. Le premier était complètement dressé, le deuxième était dressé en partie et le troisième était encore totalement sauvage. Et un cheval qui se sent coincé, peut ruer et se montrer particulièrement dangereux. C'est la raison pour laquelle les enclos pour les dressages sont circulaires, car le cheval a alors toujours une échappatoire. Sinon, il va attaquer s'il sent une menace. Un cheval peut parfois paraître lourd du fait qu'il est si massif, mais en réalité, il est incroyablement rapide et habile et puissant. Je devais donc me fier au jugement du dresseur. C'était magique de voir sa façon d'agir avec ces animaux.»

Quand avez-vous eu peur, par exemple?

MS: «Surtout durant la scène avec le gros orage, lorsque nous sommes allés abriter les chevaux dans la cuisine de la prison. Nous étions là dans ce petit espace avec 20 chevaux pendant les coups de tonnerre et les éclairs, et mon cœur s'est serré de peur. On sentait la tension sur le corps de ces chevaux et on voyait la nervosité dans leurs yeux. Je me suis dit ‘Si un seul de ces chevaux perd le contrôle, il y aura des morts.' C'était certain.»

LCT: «Mais Rex, le dresseur, a rassuré tout le monde. ‘Je connais mes animaux,' a-t-il dit. Nous n'avions pas de souci à nous faire.»

MS: «Mais la parole de ce gars est quand même la seule chose à laquelle vous pouvez vous fier à ce moment-là en tant qu'acteur. ‘Pas de problème, je connais mes chevaux.' Je me disais ‘Tu as beau dire. Tu es fou.' Cela ne m'inspirait pas vraiment confiance (rires). Mais il avait raison.»

Ruben Nollet

Notre critique de The Mustang (Nevada)

Comment réhabiliter un criminel endurci? Comment rendre son humanité à une personne qui a coupé tous les ponts avec l'humanité? Et surtout: comment lui redonner confiance et le convaincre qu'il peut regagner sa place parmi les autres? C'est de cela que parle ‘The Mustang' (‘Nevada'), un drame qui fait un parallèle entre un détenu ingérable et un cheval sauvage. Les atouts du film sont faciles à deviner. Matthias Schoenaerts se jette dans la bataille et donne de sa personne pour incarner Roman, un criminel condamné qui, après cinq années passées derrière les barreaux, préfère encore la cellule d'isolement plutôt que la compagnie du reste de la population carcérale. Ou comme il le dit lui-même: «I'm not good with people». Mais les choses changent peu à peu lorsqu'il rejoint le haras qui fait partie du centre de détention. Dans le cadre d'un programme de réhabilitation, des détenus y dressent des mustangs sauvages et les préparent à une vente aux enchères. Ces animaux impressionnent autant que Schoenaerts, et la manière dont leur relation mutuelle évolue est émouvante à voir. Seulement, ce que la réalisatrice et scénariste Laure de Clermont-Tonnerre ajoute à ce point de départ intriguant est insuffisant. ‘The Mustang' trotte joliment à l'écran pendant une heure trente, mais ne part jamais dans un galop excitant.(rn) 3/5