[Interview] Vincent Cassel s'occupe d'enfants autistes dans "Hors normes"

Sa barbe a peut-être désormais quelques poils gris, mais à 52 ans Vincent Cassel a toujours l'œil qui pétille. Le gauche ou le droit, en fonction de l'humeur. Par contre, plus question de jouer avec des fusils: après les films-devenus-cultes avec Kassovitz ou Gaspar Noé, l'acteur français et ex-époux de Monica Bellucci joue désormais les gentils. Comme dans ‘Hors Normes', dont il nous a parlé le temps d'un aller-retour à Paris.
par
ThomasW
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Pour votre premier film avec Éric Toledano et Olivier Nakache, vous vous occupez d'enfants autistes. Intense! Vous nous racontez?

Vincent Cassel: «Quand ils m'ont contacté, il y a deux ans, ils n'avaient pas encore de scénario. Mais une des choses qu'ils m'ont dites c'est: 'C'est l'histoire qui nous a donné envie de faire du cinéma.' Donc bien sûr, c'est flatteur… Un an plus tard, le scénario était prêt. Avant de tourner, on a passé deux mois avec les enfants: on les emmenait au théâtre, en balade…»

Comment c'était avec les enfants sur le tournage?

«C'est très facile d'être ému quand vous êtes entouré d'enfants autistes. C'est vraiment déstabilisant: ils ne vous parlent pas, ou soudain viennent se coller tout près de vous… ils n'ont pas de filtre. Donc au début, ça vous brise le cœur. On n'a pas la distance, tout devient émotionnel. C'est pour ça que je voulais passer beaucoup de temps avec eux, pour trouver la bonne distance. Celle qu'ont les gens qui travaillent avec eux chaque jour. Ils savent comment gérer leur émotion, et la transformer en quelque chose.»

‘La Haine', ‘Irréversible', ‘Jason Bourne', ‘Black Swan', ‘Mesrine'… Après tant d'années dans le métier, c'est difficile de vous surprendre avec des rôles?

«Pas forcément, si c'est un bon film, c'est toujours excitant. Ce qui est ennuyeux, c'est faire quelque chose qu'on a déjà fait, où on sait à quoi ça va ressembler, et on le fait pour l'argent. Mais avec un sujet complexe comme celui-ci, c'est une véritable aventure. En théorie, il faudrait faire seulement des films comme ça. Mais alors il n'y aurait pas trop de boulot (rires)

Dans le film, votre personnage Bruno n'est pas à l'aise avec les femmes… Pas trop dur à jouer?

«C'était un soulagement! Mon instinct naturel est de confronter les choses tout le temps: tout le contraire de Bruno. Du coup derrière la caméra, Eric et Olivier me disaient: ‘gentil Vincent, n'oublie pas que t'es gentil!' (rires). C'était un exercice! Ça me connecte à une autre partie de moi-même. Et on dirait que ça marche.»

Vous n'avez pas l'air de vous soucier de ce que la presse écrit sur vous…

«Si, je lis tout, ça m'intéresse de savoir ce que les gens pensent de mon travail. Mais ça ne me définit pas. Je me suis toujours dit, si tu fais quelque chose que tu aimes, tout le monde ne te comprendra pas forcément, mais fais-toi confiance et ça viendra. Et je pense que ‘Irréversible' l'a prouvé: quand c'est sorti, les gens hurlaient au scandale, que c'était une honte… Et le mois dernier à la Mostra de Venise [le film a été montré dans une nouvelle version, NDLR], c'était ‘Oh my God quel chef-d'œuvre' (rires)! 17 ans plus tard, le scandale est passé, le film est resté. On est bombardés d'images aujourd'hui, donc faire des trucs que les gens n'oublieront pas, c'est ça pour moi la vraie récompense.»

Une chose que vous aimeriez partager sur vous?

«Je ne sais pas… Checkez mon Instagram (rires)! Là, je poste ce que je veux que les gens sachent de moi. Ce que j'aime, ce qui m'émeut… le reste, ça me regarde.»

C'est pour ça que vous êtes sur Instagram?

«Honnêtement? J'ai lancé mon compte pour lever des fonds pour un festival. C'est un projet complètement commercial à la base: plus vous avez de followers, plus votre voix a une portée, et vous pouvez changer des choses pour de vrai. Désolé de dire ça, mais vous pouvez vous débarrasser de la presse (rires)! Vous devenez votre propre presse, vous donnez l'information que vous voulez directement. Vous êtes la source de l'info!»

En parlant de ‘Irréversible', ce n'était pas trop étrange de se revoir sur l'écran?

«Non, je pense que j'ai la bonne distance. Mais en réalité, je ne pourrais pas le revoir pour d'autres raisons: j'ai du mal à regarder des scènes violentes aujourd'hui. J'étais bien plus ‘wild' il y a 17 ans! 'Orange Mécanique' par exemple, je n'y arrive plus. J'ai même du mal avec les meurtres dans les films, je me sens mal (rires)… Je crois que je suis guéri, docteur!»

Elli Mastorou

Notre critique du film "Hors normes"

Il aura fallu 12 ans et six films, pour qu'Éric Toledano et Olivier Nakache réalisent ‘le film qui leur a donné envie de faire du cinéma'. Et c'est vrai que ‘Hors Normes' est un concentré de leurs obsessions de ciné: les dynamiques de groupe (‘Tellement proches', ‘Le Sens de la Fête'), l'enfance (‘Nos jours heureux'), le handicap (‘Intouchables', ses 50 millions d'entrées partout dans le monde, son remake US). Ce nouvel opus raconte l'histoire (vraie) de deux hommes, et de leur travail auprès des enfants autistes via leurs associations respectives. Un job d'une dévotion totale, sans horaires, et souvent sans budget, qui se retrouve soudain menacé de fermeture. Mais sans Bruno et Malik et leurs solutions miracles (certes parfois aux limites du légal), qui s'occupera de ces enfants dont même l'État ne veut pas? En mêlant des stars de la fiction (le duo Vincent Cassel- Reda Kateb fonctionne à merveille) et la magie du réel (avec des acteurs autistes), le duo perfectionne sa formule du feelgood movie frenchy: celui qui fait rigoler et sortir les mouchoirs à la fois. (em) 3/5