Le frigo solidaire, une mission sociale et environnementale

Lutter contre le gaspillage alimentaire tout en aidant les plus démunis: c'est le double objectif des frigos solidaires. Ces dernières années, ils se sont multipliés un peu partout à Bruxelles. Ces frigos proposent des denrées alimentaires à ceux qui sont dans le besoin, des aliments qui, autrement, auraient tout simplement fini à la poubelle. Be Cool propose un tout nouveau guide rassemblant astuces et bonnes pratiques pour accompagner les citoyens qui souhaitent se lancer dans cette aventure solidaire frigorifiée.
par
ThomasW
Temps de lecture 6 min.

On compte aujourd'hui sept frigos solidaires en région bruxelloise, et six autres sont cours de en création. Chacun d'entre eux redistribue jusqu'à 60 tonnes d'invendus par an. En multipliant ces frigos dans les quartiers de la capitale, «l'impact social et environnemental pourrait être considérable», explique Be Cool, un projet lancé par l'ASBL POSECO et Bruxelles Environnement pour faciliter la gestion des frigos. Afin de développer ce concept, Be Cool a publié un guide pratique qui fournit «toutes les clés et astuces pour se lancer dans un projet dans son quartier en toute simplicité».

Si chacun peut ainsi s'enrichir des conseils des autres, tous les frigos restent uniques, avec leur propre fonctionnement. Dans tous les cas, ces initiatives solidaires s'adressent à tous, sans distinction et sans jugement: sans abri, sans emploi, travailleurs et étudiants en difficulté, famille nombreuse ou famille monoparentale… «Nous, on donne à tout le monde, on ne demande rien du tout. Enfin si, la seule chose que l'on demande, c'est combien de personnes il y a à la maison, et si tout le monde mange de tout», explique Anna, bénévole depuis un an au «Frigo pour tous» de Saint-Gilles. «Le Frigo pour Tous existe depuis maintenant presque un an et demi», explique Simon Mallet. Le jeune homme est l'un des initiateurs de l'ASBL Share Food, active dans la redistribution d'invendus. Grâce à une équipe de bénévoles motivés, le frigo de Saint Gilles est ouvert cinq jours par semaine.

«Une mission d'utilité publique»

À quelques pas de la station Albert, dans un garage aux murs bleu-vert, les réfrigérateurs et congélateurs s'entassent entre des étagères bien remplies. Juste à l'entrée, une table avec des viennoiseries, et les sourires chaleureux des bénévoles pour vous accueillir. «En général, quand on ouvre le matin, il y a dix, quinze personnes devant la porte. Des gens qui sont contents d'avoir ce qu'on leur donne, il y en a de plus en plus», explique Anna. «On remplit une mission d'utilité publique, dans une dimension environnementale, mais aussi dans une dimension sociale», insiste Simon Mallet. «On accueille les personnes à qui l'on distribue la nourriture selon les besoins. Il y a aussi une forme de réinsertion sociale qui se fait à travers l'initiative.»

Répondre aux défis environnementaux

Avec 345 kilos d'aliments gaspillés par an et par personne, notre pays est «le vice-champion du gaspillage en Europe». «Le gaspillage alimentaire, finalement, n'est pas une problématique qui est gérée par l'état», assure Simon Mallet. On comprend aisément: finalement, ce sont des citoyens volontaires qui pallient les carences de l'état en la matière.

C'est d'ailleurs ce gaspillage interpellant qui mènent souvent les bénévoles à pousser la porte du frigo. «C'était d'abord pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Après, si on peut en plus donner un coup de main aux plus démunis qui n'arrivent pas à se nourrir quotidiennement… Cette démarche, ça m'a tout de suite intéressé», explique Baptiste. Et ces frigos sont pour le moins efficaces: «on a récemment évalué que l'on redistribue une tonne de nourriture par semaine», explique Simon, l'initiateur de Share Food. «La semaine dernière, on a donné pour 250 personnes», ajoute Baptiste.

De manière générale, les bénévoles distribuent un repas par personne et par jour. «Un plat et un dessert généralement», précise Baptiste. «On a conscience que ce n'est pas forcément assez pour se nourrir pour une journée. Malheureusement, on doit gérer nos stocks. Et on a une telle demande qu'un repas par personne et par jour, c'est notre objectif».

«L'avantage de la nourriture? Ça périme!»

Mais les équipes ne s'arrêtent pas là. Après la redistribution, il y a la récupération d'invendus dans les commerces. «On fait le tri entre ce que l'on élimine, ce que l'on garde au frigo, ce que l'on met au congélateur…» détaille Simon.

Grâce au partenariat avec les supermarchés «on a beaucoup de plats préparés qui vont arriver à expiration. On les congèle est ça, c'est vraiment pratique parce que cela fait un repas tout prêt.» Toutes les semaines arrivent aussi des produits frais: fruits, légumes et viande. «Il y a aussi des plats de ‘restauration rapide', comme les sandwichs. Ça, évidemment, on les distribue tout de suite». «‘L'avantage' de la nourriture, c'est que ça périme! Et donc on en reçoit tous les jours, de partout.»

Les normes de l'Afsca parfois contraignantes

Les bénévoles souhaiteraient parfois en faire plus, mais se retrouvent coincés par les normes de l'Afsca. «L'hiver passé, on avait fait de la soupe pour distribuer aux gens», explique Anna. «On préparait la soupe à la maison, on ne faisait que la réchauffer et la distribuer. Pour les SDF, c'était important. Mais l'Afsca l'a interdit». La raison? Impossible de prouver la date d'une soupe maison.

L'hiver dernier, des descentes de l'Afsca en avaient interpellé plus d'un. L'agence avait détruit tous les produits d'un frigo, certains étant périmés depuis la veille. Au mois de mars, ce frigo a perçu une amende de 300€.

«Bien sûr, on sait que les contrôles sont là pour vérifier que l'on ne fait pas tout et n'importe quoi», affirme Baptiste. Sur ce point, tous les bénévoles sont unanimes: «c'est une certitude: il faut pouvoir contrôler et assurer la sécurité des bénéficiaires». Toutefois, l'organisme inspire une certaine crainte dans le secteur.

«Ce n'est pas de la faute de l'Afsca», soutient Simon. Simplement, «il n'y a pas de législation adaptée à notre activité», explique le jeune homme. «On a tous le même sentiment: non seulement la législation n'est pas adaptée, mais la communication ne l'est pas non plus et il n'y a aucun travail d'accompagnement». Si les normes de l'Afsca sont parfois contraignantes, c'est donc avant tout qu'elles ne sont pas spécifiquement adaptées aux frigos solidaires.

Dans ce contexte, l'initiative Be Cool semble donc tomber à pic. «Le travail est en train d'avancer avec Bruxelles Environnement. Mais il y a toujours quelque chose de pas très clair… Même les agents de l'Afsca sont un peu perdus», confie Simon Mallet. Une «confrontation entre le terrain et les règlements» serait donc plus que bienvenue. En ce sens, Be Cool semble répondre aux besoins du terrain. «C'est extrêmement positif, et à tous niveaux», confirme Simon: les rencontres entre les acteurs, les formations proposées et ce nouveau guide. De plus, «on a besoin d'une entité qui représente l'ensemble [des frigos] et permette d'avoir un lien avec les acteurs institutionnels, notamment pour essayer d'adapter la législation».

Sur le terrain, on ne se sent pas encore soutenu par les pouvoirs publics. «Justement, on a évalué la quantité de nourriture distribuée pour qu'ils se rendent compte qu'on fait quelque chose de positif! Et qu'il vaut mieux donner à des gens plutôt que de mettre à la poubelle», assure Anna. «On gaspille encore une quantité invraisemblable de nourriture. Moi, je ne peux pas supporter de voir quelqu'un qui n'a pas à manger, mais de ne pas pouvoir lui donner. On ne peut pas… faire ce que ton cœur te dit, finalement.» (or)