Les plans de la ministre bruxelloise de la Mobilité pour changer Bruxelles

Elke Van den Brandt (Groen), fait sa rentrée comme nouvelle ministre de la Mobilité à Bruxelles. Un sujet pour le moins épineux, alors que l'agglomération fait depuis longtemps face à d'importants problèmes d'embouteillages. Restructuration de l'espace public, développement de l'offre de transports en commun, nouvelle ligne de métro… Elle fait le tour des dossiers qui vont marquer la législature.
par
Camille
Temps de lecture 5 min.

Vous estimez qu'il y a urgence à transformer la ville.

«Bruxelles ne peut plus attendre. Plusieurs dossiers majeurs nous imposent de transformer la ville. Il y a, bien sûr, le changement climatique. Environ 27% de nos émissions de CO2 sont le fait du trafic automobile. Nous devons réduire ce chiffre. Il y a un aspect économique: les embouteillages coûtent change année entre 4 et 8 milliards € à notre PIB. Et il y a l'aspect sanitaire. On enregistre près de 15.000 décès prématurés chaque année à cause de la pollution de l'air, nos enfants respirent de plus en plus mal… On doit se poser la question: acceptons-nous ce coût, ou bien sommes-nous prêts à chercher des solutions en amont? Et surtout, il y a urgence à être heureux dans notre ville. Les problèmes de mobilité sont le premier facteur de stress des Bruxellois. Nous allons mener une politique qui va arranger cela.»

L'élément central de la transformation à venir sera le développement de nouveaux moyens de transport, qui remplaceront la voiture individuelle.

«Les moyens de transport de demain sont déjà là. Il y a, bien sûr, les transports en commun. L'offre a augmenté, le nombre de voyages a été multiplié par deux ces 15 dernières années. Le nouveau plan de bus, les sept nouvelles lignes de tram et le futur métro nord vont encore augmenter la capacité. Le vélo se développe. À Bruxelles, les deux tiers des trajets font moins de 5 km, une distance pour laquelle ce mode de transport convient parfaitement. Pour les trajets plus long, l'offre de train depuis et vers Bruxelles, ainsi que dans la région Bruxelloise, a augmenté, et des voitures partagées sont disponibles. Tout cela fait qu'il est désormais possible de choisir son moyen de déplacement en fonction de son envie, de sa forme, de la météo, de son besoin de confort… Nous ne devons plus opposer les usagers de certains modes de transport à d'autres, mais donner une place légitime à chacun.»

La cohabitation n'est pourtant pas toujours simple. Il y a quelques jours, une vidéo sur Twitter montrait un chauffeur de tram coller et klaxonner un cycliste qui roulait sur la piste cyclable installée entre les rails.

«Sur ce cas précis, la Stib a signalé qu'elle allait étudier la plainte (la Stib rappelle par ailleurs que sur ce genre de site, il est demandé aux usagers faibles de céder la priorité au tram dès qu'ils peuvent s'écarter, ndlr). Mais de manière générale, l'idéal serait d'avoir un site propre pour le tram, et un site propre pour les cyclistes. Cela demande un réaménagement de l'espace public. Ça sera bientôt possible: les Bruxellois sont de plus en plus multimodaux, et grâce aux voitures partagées, ils sont de moins en moins nombreux à avoir de voiture personnelle. Comme une voiture partagée, c'est environ 20 familles, imaginez l'espace gagné... Nous avons l'intention de récupérer cet espace pour de nouveaux usages, et donner sa place à chacun.»

À quoi ressemblera Bruxelles dans 10 ans?

Le Bruxelles de 2030 sera-t-il radicalement différent de celui de 2019? Il sera «plus agréable à vivre pour ses habitants», promet Elke van den Brandt. La nouvelle ministre bruxelloise de la Mobilité estime qu'il y a un momentum pour transformer la ville, et elle ne compte pas le manquer. «Nous allons mener une politique qui aura un impact sur la qualité de vie», promet-elle. Cela n'ira probablement pas sans heurt, puisque c'est l'espace dédié à l'automobile qui devra faire le plus d'efforts, qu'il s'agisse de la circulation ou du parking. Elke Van den Brandt est pourtant convaincue que cela se passera bien. «Nous avons tous à gagner à vivre dans une ville apaisée, moins stressante et moins polluée. La transition se passera bien, puisque tout le monde gagnera en confort de vie.»

Ce message risque d'être difficile à entendre pour les automobilistes.

«Ils ont tout intérêt à ce que les autres mobilités se développent. Certains vont y trouver un nouveau moyen de se déplacer, moins cher, plus rapide… Ceux qui ne peuvent vraiment pas se passer de leur voiture vont aussi y gagner, puisque chaque conducteur qui renonce à sa voiture libère de la place pour les autres. D'ailleurs, je rappelle qu'il suffirait de réduire le nombre d'automobilistes de 20% pour libérer l'agglomération de ses embouteillages.»

Vous comptez également sur l'instauration d'une taxe kilométrique pour réduire l'usage de la voiture. Vos partenaires de coalition ont toutefois souligné le besoin d'avancer de concert avec les autres régions. Ne craignez-vous pas de voir le dossier stagner?

«On doit évidemment avancer de manière concertée, pour être le plus efficace possible. Je me réjouis de voir que le nouveau gouvernement wallon a des ambitions au niveau climatique, ce qui nous aidera à aller de l'avant. Surtout, je pense que tout le monde a à gagner avec une taxe kilométrique. Ce système fera que moins on roule, moins on paye. C'est une façon d'inciter à se déplacer autrement qu'en voiture une fois de temps en temps. Pour le moment, les automobilistes paient les mêmes taxes qu'ils roulent beaucoup ou pas du tout, ce qui est injuste pour celui qui ne roule que lorsqu'il n'a pas d'autre solution. Je suis donc optimiste sur la capacité à trouver un accord rapidement.»

La délicate question du stationnement des trottinettes

On les aime ou on les déteste. Depuis quelques mois, les trottinettes agitent les discussions. On reproche souvent à leurs utilisateurs de se garer n'importe où. «Je vais avoir un échange à ce sujet avec les communes», souligne la ministre Elke Van den Brandt. «Les opérateurs doivent sensibiliser leurs clients. Si la situation ne s'améliore pas, nous imposerons des zones de stationnement. Cela pourrait passer par la conversion de places de parkings en zone de stationnement free floating», propose-t-elle. La région bruxelloise pourrait-elle s'inspirer d'autres villes, qui verbalisent parfois lourdement les opérateurs? La nouvelle ministre ne l'exclut pas. Mais elle ne veut pas décourager la micromobilité. «C'est une grande opportunité de mobilité pour les premiers et derniers kilomètres, par exemple pour rejoindre les transports en commun quand on est un peu excentré. Et nous allons commencer par chercher des solutions qui conviennent à tout le monde.»

L'un des gros dossiers de la législature à venir va être le métro nord, qui ne faisait pas l'unanimité chez les écologistes.

«Le métro va offrir une amélioration de la mobilité à moyen et long terme. Notre souci était de dégager également des moyens pour assurer le déploiement de nouvelles solutions de transport à court terme et pour l'ensemble de la région, car il y a urgence à agir. L'accord de gouvernement conclu permettra d'avancer sur les deux fronts, c'est une très bonne nouvelle.»