Une peine de prison et des amendes requises dans le procès Buizingen

La parole a été donnée toute la matinée de lundi à la procureure, dans le procès de la catastrophe ferroviaire de Buizingen, devant le tribunal de police de Bruxelles.
par
Clement
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La magistrate a estimé que les trois personnes poursuivies avaient effectivement commis des fautes, à différentes étapes de la chaîne de sécurité du réseau ferroviaire, ayant conduit au grave accident du 15 février 2010. Elle a requis une peine de trois ans de prison avec sursis à l'encontre du conducteur de train, pointant entre autres son manque d'empathie à l'égard des victimes bien qu'il conteste toute erreur. Elle a ensuite requis des amendes à l'encontre des deux personnes morales, la SNCB et Infrabel, relevant notamment le manque de communication entre elles.

Rien n'a permis d'infirmer de manière sérieuse les conclusions du collège de cinq experts qui s'est penché sur les causes de l'accident, selon Catherine Ramaekers, représentante du ministère public. Il n'existe aucun doute raisonnable qui devrait entraîner l'acquittement du conducteur de train incriminé, a-t-elle avancé. «Si un doute existe, c'est dans l'esprit de monsieur. Les experts, eux, sont formels.»

Des déclarations changeantes

La procureure s'est donc fiée au rapport des experts pour soutenir que le conducteur a commis une faute en franchissant un feu de signalisation qui était rouge. «Il ressort que, malheureusement, il est passé lorsque le signal HE1 était rouge. Le signal CD en amont était double orange, ce qui indique bien qu'il a franchi un rouge.»

Elle a également retenu les «déclarations à géométrie variable» du conducteur de train. «Dans sa première audition, il indique que le signal CD se trouvait en position double orange, ce qui signifie que le signal suivant est au rouge. Mais il a déclaré que le signal HE1 était vert et parfaitement visible. Il n'avait aucun doute à cet égard. Dans une seconde audition, il dit que le signal HE1 était vert et qu'il l'a franchi de plein droit. Mais contrairement à sa première déclaration, il indique que son champ de vision avait diminué lorsqu'il est passé à côté du signal, et que donc ce signal a pu changer sans qu'il ne le voie», a notamment rappelé la procureure.

"Manque de précaution"

Concernant la SNCB, la magistrate a insisté sur le choix de la première automotrice du train.

«Il y avait trois automotrices sur le train. Celle qui était en tête n'était pas équipée de tous les systèmes de sécurité. Celle du milieu était par contre bien équipée. La dernière, elle, était similaire à la première. La SNCB a manqué au plus élémentaire devoir de précaution et de prévoyance en plaçant en tête de train l'une des automotrices qui étaient dépourvues de tout système de sécurité moderne, la moins performante, mettant en danger la sécurité essentielle des voyageurs. C'est interpellant et inquiétant! C'est inouï, je n'ai pas d'autres mots», a-t-elle exposé.

Enfin, concernant Infrabel, la procureure a relevé deux erreurs en matière de sécurité. «L'installation du système IOT (qui existait avant mais avait été enlevé) aurait permis d'éviter la faute d'inattention du conducteur en empêchant le train de partir. C'est interpellant de constater qu'il n'était pas en place alors qu'Infrabel sait que le nœud ferroviaire de Hal est l'un des plus dangereux en matière de sécurité», a argumenté la magistrate.

Selon elle, Infrabel n'a pas non plus permis le placement des aiguillages en position de sécurité. L'entreprise avait argué que ce maniement provoquait d'importants retards des trains. «Est-il normal de mettre des vies en danger pour des raisons de rentabilité? Est-il normal de privilégier la fluidité du trafic ferroviaire au détriment de la sécurité? «, a-t-elle interrogé.

"Excusez-moi de bien vivre"

La procureure a ainsi requis une peine de trois ans de prison avec sursis à l'encontre du conducteur de train, déjà sanctionné en 2009 pour avoir franchi un signal rouge. Elle a tenu compte, pour déterminer la peine qu'elle souhaite voir lui être infligée, de la gravité de l'accident mais aussi de sa personnalité. «Lors de ses dernières auditions, il est étonnamment d'une grande sérénité. Il a déclaré: 'pour moi, c'est comme si je n'avais rien vécu. J'arrive à me regarder dans le miroir. C'est malheureux mais la vie continue. Moi, je vais bien, j'ai repris mes activités, je mange bien et je dors bien. Excusez-moi de bien vivre'», a rappelé la procureure.

A l'encontre de la SNCB et d'Infrabel, à qui elle reproche encore un manque de communication entre elles pour assurer adéquatement la sécurité sur le réseau de trains, la procureure a requis des amendes.

Pour la SNCB, elle a demandé le montant maximum et sans sursis, soit 120.000 euros, portés à environ 700.000 euros avec les décimes additionnels. Pour Infrabel, elle a demandé une amende de 100.000 euros, portée à environ 650.000 euros avec les décimes additionnels, et sans sursis également.

Le 15 février 2010, un train L Louvain-Braine-le-Comte a percuté un train IC Quiévrain-Liège-Guillemains à hauteur de Buizingen (Brabant flamand). L'accident a fait 19 morts, une trentaine de blessés graves et une centaine de blessés légers.

Le conducteur du train L est suspecté d'avoir brûlé un feu rouge, ce qu'il a toujours nié.

Deux entreprises - la SNCB, opérateur du réseau ferroviaire, et Infrabel, gestionnaire du réseau - sont quant à elles suspectées de négligence en matière de sécurité.

Le procès se poursuivra lundi après-midi avec les plaidoiries de la partie civile.