Le secteur de la mode veut agir pour l'environnement, mais sans contraintes

Trente grands groupes du textile, une des industries les plus polluantes au monde, ont lancé vendredi, en amont du G7, une coalition pour réduire leur impact environnemental  basée sur le volontariat, et accueillie avec scepticisme par des ONG.
par
ThomasW
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Des pesticides pour produire le coton, des produits chimiques pour teindre les textiles, du CO2 pour transporter un vêtement sur des milliers de kilomètres, des microfibres de plastique émises lors du lavage des textiles synthétiques et qui atterrissent dans les océans... Le secteur de la mode est à l'origine de nombreuses pollutions.

Il est responsable de 20% des rejets d'eaux usées et de 10% des émissions de CO2 dans le monde.

Un "pacte de la mode" dévoilé ce vendredi

L'Elysée a chargé en mai le milliardaire François-Henri Pinault, qui dirige le groupe Kering (Gucci), de mobiliser l'industrie de la mode et du luxe, qui pèse 1.500 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel.

Trois mois plus tard, un "pacte de la mode" sera dévoilé vendredi après-midi. Il est signé par Adidas, Capri Holdings (Versace...), Carrefour, Chanel, H&M, Gap, Inditex (Zara...), Kering, Nike, Prada, Puma, Stella McCartney... Lundi, il sera présenté par François-Henri Pinault lors du G7 à Biarritz.

Il ne s'agit pas de la première initiative du genre. Lors de la COP24 en Pologne en 2018, 43 entreprises s'étaient engagées à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 30% d'ici 2030.

Trois champs d'action

Dans cette nouvelle charte, les signataires s'engagent "à diriger (les) entreprises vers des actions compatibles avec la trajectoire à 1,5°C de réchauffement climatique, via une 'juste transition' pour atteindre zéro émission nette de CO2 en 2050".

Le texte identifie trois champs d'action, pour "atténuer le changement climatique et s'y adapter", "infléchir la courbe de la perte de la biodiversité d'ici 10 ans" et protéger les océans, avec de rares objectifs chiffrés: 100% d'énergies renouvelables d'ici 2030 "sur toute la chaîne d'approvisionnement" ou encore "éliminer le plastique  à usage unique en 2030".

La charte ne détaille pas les actions à mener car "chaque groupe a ses spécificités", explique Kering. Une réunion est prévue en octobre "pour rentrer plus en détail sur la manière de travailler ensemble" et les actions prioritaires. Les groupes "rendront annuellement compte", précise Kering.

Pas de relocalisation ni de remise en cause de la "fast fashion"

Que se passera-t-il si les entreprises ne remplissent pas leurs engagements? Le ministère de la Transition écologique table sur "les influenceurs sur les réseaux sociaux, les ONG (...) très vigilantes sur le décalage possible entre les discours et les actes" pour les pousser à jouer le jeu, "les effets sur leur réputation pouvant être violents" dans le cas contraire.

La relocalisation de la production des vêtements plus près des consommateurs n'est "pas à l'ordre du jour" de ce pacte, précise Kering. Ni une remise en cause de la "fast fashion" et de la multiplication des collections, pourtant décriée pour son impact sur l'environnement.

"On a eu un doublement entre 2000 et 2014 de la consommation de vêtements dans le monde", indique Pierre Cannet, du WWF France. La tendance devrait se poursuivre avec "un engouement pour la fast fashion" en Asie, relève l'assureur Coface et une explosion de l'usage des fibres synthétiques.

"Ca ne suffira pas"

"S'il s'agit de vendre toujours plus en mettant des énergies renouvelables, ça ne suffira pas", avertit Pierre Cannet. "Il faut revoir le modèle, réduire la production, faire des vêtements utilisables plus longtemps, qui n'émettent plus de micro-plastiques quand on les lave et produits durablement."

Le recyclage est évoqué dans la charte. Des entreprises comme H&M ont lancé des opérations de recyclage, mais il existe encore des obstacles technologiques et économiques importants au retraitement des textiles et la part de matières recyclées reste infime.

Plutôt que de compter sur le bon vouloir des entreprises, c'est aux Etats d'agir, juge Clément Sénéchal de Greenpeace: "il faut des législations pour pousser à réduire la consommation de vêtements".