François Besse, le roi de l'évasion, revient sur une vie de braquages et de fuite

«L'Anguille». Voilà comment le surnommait la France des années 70. Et pour cause: François Besse, l'un des braqueurs qui a marqué l'histoire du grand banditisme français, s'est évadé sept fois, devenant l'une des «références» en la matière. Libéré en 2006, il raconte son histoire dans «Cavales».
par
Camille
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Il faut croire que François Besse, tout repenti qu'il est, sera toujours rattrapé par son passé. Alors qu'il est installé dans un recoin d'un café bruxellois, la serveuse qui l'avait invité à s'installer quelques minutes plus tôt entame sa prise de commande par un «Vous étiez bien caché!». Un léger sourire sur les lèvres, il ne peut que lui répondre qu'on lui a «souvent fait la remarque». Alors qu'il a passé plus de 20 ans en cavale, personnes ne sera surpris de constater que l'homme sache se faire discret. Et quand la même serveuse lance dans un éclat de rire «je vous ai quand même trouvé», c'est encore un sourire amusé qui répond, avec une pointe de lassitude: «Eh oui, ça se termine toujours comme ça…» Car s'il s'est souvent évadé de prison, François Besse a toujours été rattrapé, après des mois ou des années de cavale.

Avec ses faits d'armes, il est parvenu à être recherché par plusieurs pays d'Europe. Outre ses multiples évasions, il a dévalisé des armureries, braqué des banques, des casinos… On l'a qualifié de lieutenant de Mesrine, «l'ennemi public numéro un» de la fin des années 70. Lui n'aime pas ce qualificatif. «J'étais son associé, et pas pour longtemps.», tranche-t-il. «Nous étions très différents. J'ai pris mes distances, car je savais que son comportement nous menait droit dans les bras de la police.» Les deux collègues mèneront ensemble le braquage du casino de Deauville. Ils en repartiront avec un modeste butin, et surtout plusieurs balles dans le corps. Mesrine, lui, sera tué l'année suivante par la police française.

«Je me suis trompé»

Mais de ces événements souvent rocambolesques, celui qui a désormais 75 ans ne tire aucune fierté. «Je porte un jugement négatif sur ce passé. Je me suis trompé…» Après sa dernière interpellation au Maroc, en 1994, il décide d'accepter son sort. Devant le tribunal, il assume tous les faits qui lui sont imputés, demande pardon aux victimes qu'il a choquées lors de ses braquages. «Un homme a refusé mes excuses, m'a expliqué avoir beaucoup souffert psychologiquement. C'est une réaction que je comprends. Ce que je regrette, c'est que la société n'accompagne pas mieux les victimes, afin de les aider à pardonner», explique-t-il.

S'il assume tout, François Besse raconte son parcours comme s'il n'avait que rarement eu le choix. Tout commence par une condamnation en 1970 pour un cambriolage qu'il n'a pas commis, après des aveux extorqués sous la torture. L'idée de passer sept ans derrière les barreaux le révolte. Il entrevoit une solution pour prendre la fuite, sa détermination fera le reste. «J'avais le choix entre me plier et me révolter. Le choix a été vite fait! Je me suis associé avec un autre détenu, qui s'était déjà évadé. Je lui ai partagé mon plan, en échange, il m'a aidé à organiser ma première fuite, vers l'Espagne», raconte l'ancien prisonnier.

Un suicide social

Pour «L'Anguille», s'évader n'a jamais été bien compliqué. «Les vraies difficultés commencent une fois dehors: vivre dans la clandestinité demande une très grande discrétion. C'est un suicide social. Une fois évadé, j'ai dû mettre un terme à mes liens avec tous mes proches. Leur donner de mes nouvelles signifiait risquer de me faire attraper par les policiers qui les surveillaient. À chaque évasion, il fallait donc tout perdre, et tout recommencer.» Il ne révélera sa véritable identité à aucune de ses futures compagnes, «afin de les protéger.»

AFP / A. Senna

Mais la principale difficulté de la vie en cavale est son coût. «Il faut l'aide d'un réseau, de faux papiers, de quoi payer des loyers d'appartement…», reprend-il. L'homme n'a rien du solide malfrat capable de s'impliquer tous les trafics. «Je n'étais pas doué pour les cambriolages, devenir proxénète était à l'opposé de mes valeurs, je ne touchais pas à la drogue… Je me suis tourné vers les braquages par défaut. C'était la solution la plus simple pour gagner vite l'argent dont j'avais besoin.»

«Un jour, nous abolirons les prisons»

À force d'évasions, François Besse devient un sujet d'inquiétude pour les directeurs des prisons où il est incarcéré. Il se retrouve fréquemment en quartier de haute sécurité. Le système doit mater l'homme, à coup de privation de promenade et d'isolation. Mais peu lui importe: il se réfugie dans la lecture. Quand les matons ferment la porte de sa cellule, lui ouvre grand les portes de son imagination. Bientôt, il prendra position au côté d'autres détenus et d'intellectuels pour demander la fin de ce régime d'incarcération inhumain. Une demande qui finira par être rencontrée.

Devenu papa et à plus de 50 ans, renforcé par ses lectures et ses rencontres, François Besse a fini par accepter son sort. En 1994, extradé vers la France, il décide de mettre un terme à sa vie de cavale, «une vie qui n'avait rien à voir avec la liberté». Derrière les barreaux, il se forme au métier d'ingénieur du son, suit des cours de philosophie… Le désormais prisonnier modèle est libéré sous conditions un matin de 2006. Cette fois-ci, il sort par la grande porte, en saluant le personnel.

Des policiers Marocains escortent François Besse, après sa dernière arrestation.

S'il assure n'avoir aucune rancœur contre la justice, désormais libre, il lui reste un dernier combat: celui d'abolir les prisons. «Ça n'est pas pour me venger, juste parce que ce système ne résout rien, ne console pas les victimes, et ne permet pas la réinsertion des coupables». Quand on lui fait remarquer que les idées de peines alternatives sont bien peu populaires dans l'opinion publique, il ne désarme pas. «On a lutté contre l'esclavage, on l'a aboli. On a lutté contre la peine de mort, on l'a abolie. Un jour, nous abolirons les prisons, pour mettre en place un système qui apporte plus de réconfort à toutes les parties.»

Une vie de fuite et de prison

François Besse a coupé des barreaux avec du fil d'ange, enfermé des gardiens dans des cellules, franchi des murs de prisons grâce à des draps noués entre eux. Mais il ne faut pas s'attendre à trouver dans «Cavales» des trucs et astuces pour sortir de prison plus tôt que prévu, et encore moins le récit d'une lutte héroïque pour la liberté. François Besse a 75 ans, a passé 23 années derrières les barreaux d'un bon nombre de prisons d'Europe, où il a eu le temps de réfléchir sur le sens pris par sa vie et la notion de liberté. «Cavales» raconte son difficile cheminement vers l'apaisement, qui lui a valu sa libération. On découvre, avec une certaine surprise un homme calme, peu sensibles aux émotions, et à la détermination inébranlable. Une sorte d'antihéros, à des années-lumière des braqueurs parfois glorifiés à coup de faits divers transformés en légendes ou de films.

«Cavales», de François Besse, Plon, 20 €.