Tiken Jah Fakoly: «Le reggae est la branche musicale de la société civile»

Tiken Jah Fakoly repart en tournée avec son dernier album, «Le monde est chaud». Avec sa carrure d'athlète et sa barbe blanche, celui qui apparaît parfois comme un sage appelle les jeunes générations à s'engager. «Personne ne changera le monde à notre place», les prévient-il.
par
Camille
Temps de lecture 3 min.

Vous avez souvent appelé, dans vos textes, à bâtir un modèle de développement plus juste. Aujourd'hui, c'est le changement climatique qui vous inquiète…

«Tout le monde s'aperçoit que la situation est catastrophique. En Afrique, les saisons des pluies sont modifiées depuis déjà pas mal de temps. En Europe, le climat est de plus en plus déréglé, avec des températures extrêmes. Le changement climatique n'est plus un problème qui va nous tomber dessus, c'est quelque chose qui commence à être très concret pour tout le monde. Et pourtant, rien ne bouge…»

Que faudrait-il faire?

«Si nos dirigeants n'agissent pas, alors nous devons prendre les choses en main. Cela signifie bousculer nos dirigeants, sans plus attendre. Il faut qu'un maximum de voix dénonce cette situation, car nous courrons à la catastrophe.»

La plupart des pays africains affichent une empreinte carbone très basse. Cela risque de changer dans les années à venir…

«C'est une source de préoccupation. Nous ne devons pas nous développer comme l'ont fait les Européens. Si nous reproduisons ce modèle, nous irons droit à la catastrophe. Nous devons trouver un autre mode de développement, plus proche de la nature. Et les pays occidentaux, qui sont les pollueurs historiques, doivent y contribuer. Ils doivent notamment partager leurs savoirs, ce qui serait une façon de réparer les dégâts qui ont déjà été causés. Et nous, les artistes, devons sensibiliser notre public à ces questions.»

 

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Faire bouger les choses, c'est le rôle des artistes?

«C'est en tout cas le rôle du reggae, qui s'est toujours posé comme une musique émancipatrice. Bob Marley plaidait déjà pour l'émancipation de tous. Aujourd'hui, on entend souvent mes chansons dans les manifestations. Je veux accompagner ces mouvements via ma musique, qui est mon arme. Le reggae est la branche musicale de la société civile, il l'accompagne naturellement.»

Pour de nombreux jeunes africains, vous êtes un «sage». C'est un rôle qui vous convient?

«J'en suis assez fier! C'est aussi une grande responsabilité. C'est pour cela que j'accorde une grande importance au fait de lancer des messages dans mes chansons, des messages qui combattent toutes les injustices.»

Vous comptez le faire encore longtemps?

«Nous les artistes, nous avons toujours du mal avec l'idée de retraite! Regardez Charles Aznavour… Il n'a jamais arrêté la scène! Parfois je pense à ce que je ferai si je n'avais pas la musique… J'aimerais développer ma ferme, où je fais un peu d'élevage, pour contribuer autrement au développement de l'Afrique. Mais en réalité, je ne peux pas lâcher la musique. C'est ma façon à moi de me battre, et on n'interrompt pas un combat sans l'avoir mené à son terme.»