Six mois de prison requis contre une princesse accusée d'avoir frappé son plombier

Le parquet a requis six mois de prison avec sursis et 5.000 euros d'amende contre la soeur du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane accusée d'avoir fait frapper un artisan qui travaillait dans son appartement parisien en 2016 et dont le procès a débuté mardi à Paris.
par
Clement
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Hassa bint Salmane est en effet soupçonnée d'avoir demandé à son agent de «protection rapprochée», Rani Saïdi, seul présent à l'audience au tribunal correctionnel de la capitale française, de menacer, frapper et humilier un plombier appelé pour réparer une vasque. Cet artisan est lui-même accusé d'avoir pris des photos volées par la princesse saoudienne, visée depuis décembre 2017 par un mandat d'arrêt, notamment pour «complicité de violences volontaires».

La procureure a regretté la destruction du téléphone portable du plombier - «On ne saura jamais ce qu'il y avait sur ces photos» - et relevé qu'il n'y avait pas de preuves que celle dont le frère, surnommé «MBS», est l'homme fort de Ryad, ait «formellement ordonné de frapper» cet artisan. «Mais», a-t-elle ajouté, «elle est l'autorité de fait dans cet appartement du 81 avenue Foch ce 26 septembre 2016».

«Elle est en colère et je la comprends: personne ne l'a prise en photo depuis ses huit ans», l'artisan Ashraf Eid est peut-être un «ennemi de son pays» prêt à vendre ces photos ou «à la solde de Daech», l'acronyme arabe du groupe Etat islamique, a lancé la magistrate.

Huit mois avec sursis pour l'agent

Pour l'accusation, Hassa bint Salmane est bien complice de violences avec arme et séquestration «par provocation et par abus de pouvoir». Contre Rani Saïdi, la procureure a requis huit mois d'emprisonnement avec sursis et 5.000 euros d'amende. Elle a longuement décrit les «trois heures de séquestration» de l'artisan, qui gardera un «traumatisme profond» de cet épisode au cours duquel «M. Saïdi est là quasiment en permanence» : «C'est lui qui noue les liens, les détache, le surveille», a-t-elle affirmé.

Le 26 septembre 2016, Ashraf Eid, un entrepreneur en bâtiment, se trouvait au 7e étage d'une résidence de la famille royale saoudienne sur la luxueuse avenue Foch. Il repeignait des tables quand il a été appelé «d'urgence» au 5e étage, pour réparer une vasque endommagée. L'artisan a expliqué aux enquêteurs avoir pris des photographies de la salle de bains où il devait intervenir, avec son téléphone portable: la princesse avait alors surgi dans la pièce, s'apercevant que le plombier avait pu «capter son reflet dans le miroir».

Elle l'avait alors accusé de réaliser des clichés volés pour les vendre à des médias et appelé son agent de sécurité. «Quand j'ai entendu la princesse crier au secours, je suis arrivé, je les ai vus se tenir les mains, avec le portable. J'ai saisi (l'artisan), je l'ai maîtrisé, je ne connaissais pas ses intentions», a déclaré à la barre Rani Saïdi, chargé de la sécurité de l'héritière au cours de ses déplacements en Europe et aux États-Unis.

"Frappé et humilié"

L'artisan a quant à lui affirmé avoir été menacé, frappé et humilié. Il a décrit au juge d'instruction un quart d'heure de terreur, pendant lequel Hassa bint Salmane a dit: «il faut tuer ce chien, il ne mérite pas de vivre» et ordonné à son garde du corps de le frapper.

L'agent de sécurité lui aurait intimé l'ordre de s'agenouiller sous la menace d'une arme, les mains ligotées, pour baiser les pieds de la princesse. Le plaignant avait déclaré avoir pu quitter l'appartement au bout de plusieurs heures, sans son téléphone - qui sera détruit par un employé d'Hassa bint Salmane.

A la barre, l'agent de «protection rapproché» a réfuté toute violence, en dépit de traces sur les poignets et d'ecchymoses sur le visage du plaignant. «En 12 ans de travail, on en a eu des histoires comme ça. Les Arabes, ils veulent des photos, la princesse c'est quelqu'un de très important pour eux», a lâché le garde du corps, poursuivi pour «vol», «violences volontaires avec usage ou menace d'une arme» et «séquestration».

Les avocats de la princesse, Emmanuel Moyne, et de l'agent de sécurité, Yassine Bouzrou, ont mis en exergue l'attitude ambiguë du plaignant, qui tout en «se disant mort de peur» a trouvé le courage de revenir quelques jours après les faits pour «présenter sa facture de 21.000 euros».