Et si le train de nuit faisait son retour ?

L'avion a pris une place centrale pour les déplacements de plus de 500 km. Des collectifs d'usagers réclament pourtant le retour des trains de nuit sur les trajets le permettant, afin de pouvoir voyager tout en limitant leurs émissions de CO2.
par
ThomasW
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Et si le train de nuit faisait son retour? Marginalisé par l'essor des low-costs, il pourrait profiter du «flygskam», ce sentiment de culpabilité qui touche les personnes voyageant en avion. Les marches pour le climat organisées dans plusieurs pays ont vu éclore des collectifs réclamant un réinvestissement dans les trains de nuit.

En France, le collectif «Oui au train de nuit» a lancé une pétition pour réclamer le maintien des deux dernières lignes existantes, et l'ouverture de nouvelles destinations. Ses promoteurs mettent en avant les économies de CO2 pouvant être réalisées, alors qu'un voyage en train pollue 20 fois moins qu'un même trajet en avion. Le train de nuit est également moins bruyant, et peut desservir plusieurs villes sur son trajet. En Belgique, le collectif Back On Track s'est récemment constitué pour formuler les mêmes demandes, et a lancé une pétition sur le site Change.org (pour le retour des trains de nuit internationaux).

Un secteur peu intéressant pour les compagnies

Les trains de nuit ont disparu petit à petit du rail au cours des dernières années du fait d'une demande en baisse. Le réseau ferroviaire belge n'en a plus vu passer depuis 2003. Il n'y a pas de potentiel pour lancer de tels trains au départ de Bruxelles, estime la SNCB, pointant du doigt la concurrence de l'avion sur les destinations où le train de nuit pourrait être pertinent.

L'opérateur ferroviaire n'est toutefois pas fermé au retour d'une telle offre, «si la clientèle suit». Le dossier est d'ailleurs abordé de temps en temps, même si aucune piste concrète ne se dessine à court terme.

©ALEX HALADA / AFP

Des avantages…

Mais comment permettre au train de rivaliser avec l'avion? Sur le papier, l'avion a tout pour lui. Il est rapide (1h40 pour 1.000 km), et peu cher (le prix moyen d'un vol low-cost est de moins de 40 €). Dans la pratique, le train de nuit peut présenter quelques avantages. «Le voyageur part le soir, et arrive tôt le matin à destination», souligne la députée européenne écologiste Petra De Sutter, qui a organisé récemment une action dans la Gare du Midi afin de réclamer des trains de nuit. Le voyageur arrive ainsi en plein centre-ville de sa destination entre 7 et 8h du matin, prêt à débuter la journée. «S'il était parti la veille, il aurait dû réserver une chambre d'hôtel», ajoute l'eurodéputé, façon de rappeler que voyager en train de nuit peut être économique si l'on prend tous les coûts en compte.

… et un besoin de soutien

Malgré ses avantages, le train de nuit ne se fera pas une place sans aide. «Il y a un vrai problème», pointe Petra De Sutter. «Le secteur ferroviaire est taxé, l'aérien ne l'est pas. Dans ces conditions, les billets vendus par les low-costs restent plus attractifs». Elle plaide pour l'instauration d'une TVA sur les billets d'avion, et pour une taxe kérosène sur les vols intra-européens. «Il faudra utiliser ces revenus pour développer les trains à grande vitesse et les trains de nuit.» Ce rééquilibrage des taxes sera indispensable pour un déploiement à large échelle du système, alors que l'UE a adopté en 2007 le «troisième paquet ferroviaire», qui interdit de justifier l'exploitation d'une ligne déficitaire par le fait que l'ensemble du réseau est rentable.

En attendant une révision des règles, plusieurs compagnies se sont lancées sur les lignes les plus profitables. La Finlande et la Suède ont rénové plusieurs lignes, pour rendre l'offre plus attractive. Au Royaume-Uni, la compagnie Caledonian Sleeper a investi dans de nouveaux wagons, plus confortables. «C'est un mode de transport qui a de l'avenir», conclut Petra de Sutter.