Tara repart en expédition, à la chasse au plastique autour de l'Europe

D'où viennent les déchets plastiques? Sous quelles formes arrivent-ils en mer? Où faut-il concentrer nos efforts pour stopper leurs flux? Pour la Fondation Tara Océan, engagée sur ces questions depuis 2010, il est urgent d'explorer et de décrire les fuites de déchets plastiques vers la mer pour mieux endiguer cette «hémorragie».
par
ThomasW
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Depuis 2010, la goélette Tara prélève des microplastiques (de 0,2 à 5 mm de diamètre) dans ses filets à l'occasion de ses différentes expéditions. Le constat est clair: ces fragments de microplastiques sont omniprésents dans l'océan. Après s'être concentrée sur cette pollution en mer Méditerranée en 2014, avoir découvert l'importante zone d'accumulation dans l'océan Arctique en 2017 et identifié la biodiversité associée dans le «Vortex» du Pacifique Nord en 2018, la goélette Tara veut prédire le devenir et évaluer l'impact des plastiques de la terre vers la mer.

De mai à novembre 2019, elle parcourra la mer du Nord, la mer Baltique, la côte Atlantique et la mer Méditerranée pour étudier les embouchures de dix grands fleuves (Tamise, Elbe, Rhin, Seine, Loire, Garonne, Tage, Ebre, Rhône, Tibre). Les scientifiques embarqués à bord tenteront d'identifier l'origine terrestre des matières plastiques retrouvées en mer.

Microplastiques, les fragments les plus problématiques

Si de nombreuses études en Europe et dans le monde permettent déjà de caractériser les flux de déchets en milieux aquatiques (eaux de mer, eaux littorales, eaux de transition comme les estuaires et lagunes, fleuves), elles se concentrent le plus souvent sur les macrodéchets (plus de 2 cm).

Issus de la dégradation des macrodéchets plastiques, les microplastiques ont de nombreuses interactions avec les organismes marins: dispersion d'espèces potentiellement invasives ou pathogènes fixées sur les plastiques, accumulation de produits toxiques dans la chaîne alimentaire,etc.

Les prélèvements de microplastiques (1-5 mm), particules micrométriques (1-1000 µm) et nanoplastiques (1-999 nm) seront effectués en surface et dans la colonne d'eau. Ils sont autant d'indices et de «pièces à conviction» pour remonter à l'origine de la dispersion, identifier les foyers de dispersion (selon leur taille et leur nature chimique), et cibler les plus fortes concentrations de microplastiques pour agir, demain, à la source.

Plastique en mer, solutions à terre

Devant l'impossibilité de collecter le stock de microplastiques en mer, la solution la plus efficace revient à enrayer les flux de déchets depuis les continents. «Identifier les sources de ces flux est incontournable pour la mise en place de politiques publiques efficaces. Cette mission de la Fondation Tara Océan et du CNRS, bien que succincte, apportera quelques indices pour affiner les approches futures», explique Jean-François Ghiglione (CNRS) et directeur scientifique de la mission.

L'enjeu est de comprendre d'où vient le plastique, quand et comment il se fragmente, parvenir à prévoir les flux dans l'océan, pour savoir «là où faut investir demain pour arrêter cette hémorragie», a expliqué Romain Troublé, directeur général de la fondation Tara océan. Les résultats de la recherche doivent permettre de lutter plus efficacement contre cette pollution.

Camille Goret

Mieux comprendre la toxicité des microplastiques

Les échantillonnages en mer, dans les estuaires et dans les fleuves permettront d'étudier l'impact des plastiques sur la biodiversité et leur transfert dans la chaîne alimentaire. Les plastiques sont de véritables radeaux qui peuvent transporter une large diversité d'espèces sur de grandes distances et perturber durablement les écosystèmes. Ils peuvent également s'accumuler dans la chaîne alimentaire et terminer dans nos assiettes. Les plastiques contiennent des additifs (notamment des perturbateurs endocriniens) qui peuvent être « relargués » dans les tissus des animaux qui les avalent. Ces recherches contribueront à hiérarchiser demain les plastiques les plus toxiques selon leur composition pour les éliminer en priorité de notre consommation.