40 ans de protection des oiseaux en Europe

Pionnière en législation environnementale, la directive Oiseaux de l'Union européenne fête cette année ses quarante ans d'existence. Elle a imposé aux États membres de légiférer et permis la protection de nombreuses espèces. L'Europe pourrait maintenant faire un pas de plus dans ses politiques agricoles.
par
ThomasW
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La directive Oiseaux constitue l'instrument de droit international le plus contraignant et le plus complet de protection des oiseaux. Elle a pour ambition d'assurer la conservation de toutes les espèces d'oiseaux, nicheuses ou migratrices, vivant à l'état sauvage sur le territoire des États membres de l'Union européenne (UE), soit environ cinq cents espèces actuellement. Le texte comporte des dispositions relatives à la protection, à la chasse et au commerce de ces espèces, à la recherche scientifique et à l'introduction d'espèces exotiques. Deux volets sont particulièrement importants.

Une protection sur base purement scientifique

D'une part, les États membres ont l'obligation de créer un réseau d'aires protégées spécifiquement pour préserver les habitats des oiseaux nicheurs menacés et de toutes les espèces migratrices. De façon remarquable, ces « zones de protection spéciales » doivent être sélectionnées sur la base de critères scientifiques, sans tenir compte de critères socio-économiques.

D'autre part, la directive exige l'adoption d'un régime de protection stricte, sauf dérogation et sous réserve des dispositions sur la chasse et le commerce, de toutes les espèces d'oiseaux – même les plus communes. Ce régime comprend l'interdiction de tuer, capturer ou détenir tout spécimen, de détruire ou enlever intentionnellement leurs nids ou leurs œufs, ou encore de les perturber intentionnellement de manière significative en période de reproduction et de dépendance. La tenderie en Belgique a ainsi été jugée illégale au regard de ces critères.

Ph. BirdLife Cyprus

Une chasse « durable » au programme

De même, l'exploitation des oiseaux est strictement réglementée. La directive autorise, selon les pays, la chasse de certains oiseaux gibiers, tout en imposant les principes d'une chasse « durable ». Le texte prévoit notamment l'interdiction de chasser, sauf dérogation, en période de reproduction, pendant les périodes de dépendance des jeunes et pendant la migration de printemps. Plusieurs États méditerranéens autorisant la chasse traditionnelle printanière à certains oiseaux ont été condamnés pour non-respect de ces principes.

221.000 hectares en Wallonie

En Wallonie, la loi du 12 juillet 1973 sur la conservation de la nature, révisée en 2001, sert de cadre juridique à la mise en œuvre de la directive. Le résultat le plus spectaculaire de celle-ci est la mise en place, entre 2002 et 2018, du réseau Natura 2000 wallon, qui inclut désormais 240 sites Natura 2000 sur une superficie d'environ 221 00 ha. Une partie de ces sites vise à préserver les 65 espèces d'oiseaux nicheurs et migrateurs menacés présents en Wallonie, comme le butor étoilé ou la pie-grièche grise. En dehors de ces sites, toutes les espèces d'oiseaux et leurs nids sont protégés, mais leurs habitats ne le sont pas directement.

Quarante ans après, la directive Oiseaux a-t-elle atteint ses objectifs ? Les conclusions de l'audit publié en 2016 par la Commission européenne sont claires : les directives Oiseaux et Habitats sont efficaces, pour autant qu'elles soient correctement appliquées sur le terrain. Certaines espèces d'oiseaux menacées dans les années quatre-vingts, comme la sterne de Dougall ou la grue cendrée, ont récupéré des effectifs importants. Globalement, la directive a permis l'impulsion de politiques de conservation et de suivi de l'avifaune dans toute l'Europe et en Wallonie, avec des bénéfices certains.

Encore de la place pour des efforts politiques

Mais le tableau est contrasté. Si Natura 2000 peut être considéré comme le fleuron de la politique de conservation de la nature en Wallonie, sur le terrain, sa mise en œuvre est encore loin d'être effective partout. Certains habitats fragiles comme les prairies extensives s'y dégradent. Certaines espèces emblématiques ont quasiment disparu (tétras lyre, gélinotte des bois) alors qu'elles étaient encore présentes significativement dans les années nonante. En dehors de Natura 2000, les habitats de ces espèces ne sont pas protégés. Certains oiseaux communs des milieux agricoles (alouette des champs, bruant proyer, perdrix grise…) sont en chute libre, en raison de pratiques agricoles intensives.

L'aire de répartition de certaines espèces forestières comme le roitelet triple-bandeau se contracte. Même s'il est malaisé d'identifier les causes et les réponses et que le changement climatique joue un rôle, la Belgique a la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour agir contre ces tendances. La politique agricole commune de l'UE, quant à elle, devrait mettre au centre des préoccupations de sa prochaine réforme le développement des pratiques agricoles et forestières favorables à la biodiversité.

Charles-Hubert Born / Natagora