Quelles souffrances se cachent derrière le code-barre ?

Oxfam lance une campagne de sensibilisation sur les causes de la souffrance humaine dans les chaînes d'approvisionnement alimentaire, en s'appuyant sur leur rapport international de 2018 et ses chiffres fous : il faut par exemple 4.000 ans pour qu'un travailleur dans la transformation de crevettes en Thaïlande gagne ce que touche un directeur de supermarché aux États-Unis.
par
ThomasW
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Par ailleurs, il suffirait d'augmenter de 0,03 € le prix des melons au Honduras pour assurer à ceux et celles qui le cueillent un salaire vital. Vous en voulez encore ? Le prix du jus d'orange au Brésil a augmenté de 50% mais la part reçue par les travailleurs du secteur a chuté de 17% à 4% ! Des conditions inadmissibles qui créent une immense détresse humaine, selon Oxfam-Magasins du monde qui énonce cependant des solutions via, notamment, le développement des filières fair-trade et la volonté politique. Ce n'est évidemment pas un hasard si cette campagne est lancée en ce moment, à l'occasion des élections fédérales et européennes.

Une loi « Vigilance »

L'idée politique principale est de créer une loi « Vigilance », explique Sébastien Maes, chargé de thématique alimentaire chez Oxfam : « une loi qui pourrait contraindre les entreprises de toutes les filières, pas seulement alimentaires donc, à publier tous les ans, une évaluation des risques d'atteinte aux droits humains et à l'environnement au sein de leur entreprise mais également chez leurs sous traitants. Ainsi qu'un état des lieux de ce que fait l'entreprise pour s'attaquer à ces risques. Ce serait contraignant donc obligatoire. »

Une loi qui existe déjà en France mais pour les entreprises de plus de 5.000 employés. « Ce qui en réduit fortement l'impact », explique Sébastien Maes qui précise qu'en Belgique, 80% des entreprises sont des PME par exemple. « Cette loi française n'est pas parfaite mais elle a le mérite d'exister. Le plus logique serait une loi européenne. C'est d'ailleurs en discussion à ce niveau de pouvoir également. Et l'idéal serait même bien sûr une loi au niveau de l'Organisation des Nations unies. »

Oxfam collabore avec le CNCD-11.11.11 qui organise des apéros politiques un peu partout en Belgique, avec des candidats tête de listes, où le citoyen peut donc interpeller ces politiques sur cette idée de loi de vigilance afin d'augmenter les chances de la mettre à l'ordre du jour politique.

Permettre aux victimes de porter plainte

Le deuxième aspect politique qu'Oxfam promeut est de permettre aux personnes flouées et aux victimes de faire valoir leurs droits plus facilement. Prenons un cas très parlant, qui n'a rien à voir avec l'alimentaire mais où le principe serait le même : « Une entreprise européenne qui a sous traité au Rana Plaza pourrait être attaquée en justice par une victime de l'effondrement. Cela pourrait découler sur des amendes et des compensations financières aux victimes. Une plainte pourrait être portée à l'avance aussi comme par exemple pour le Rana Plaza où il y avait des signes avérés de risques d'effondrement. Il y aurait pu y avoir une plainte pour délocaliser le personnel avant que le drame ne se produise », explique Sébastien Maes qui donne encore comme exemple le cas Eternit en Belgique, pour lequel les victimes ont eu beaucoup de mal à faire valoir leurs droits face à la puissante entreprise.

Consolider les circuits de travail équitable

Revenons aux circuits alimentaires où il existe, aussi en Europe, une sorte d'esclavage moderne. Principalement dans la filière des fruits et légumes qui viennent d'Espagne ou d'Italie par exemple. Mais chez nous aussi la misère humaine rôde dans ce secteur : «En France par exemple, on compte un suicide tous les deux jours chez les producteurs ! Et en Belgique, les maraîchers gagnent entre 500 et 800 € nets par mois », précise Sébastien Maes qui insiste sur le fait qu'il est important de communiquer pour faire prendre conscience que le modèle dominant, les supermarchés donc, applique une pression énorme sur les agriculteurs et les agricultrices dans le système conventionnel. « Je précise que le but n'est pas de mettre au banc des accusés les supermarchés mais de trouver ensemble des solutions plus équitables », conclut-il. Et vous pouvez agir, par exemple, en signant la pétition qui se trouve sur leur site internet.

Lucie Hage