"Duelles": Veerle Baetens et Anne Coesens dans un duo glamour

Pour son thriller ‘Duelles', le réalisateur Olivier Masset-Depasse (‘Illégal') confronte Veerle Baetens (‘Broken Circle Breakdown') et Anne Coesens (‘La Trêve'). Nos deux stars nationales – l'une flamande, l'autre francophone – y brisent la frontière linguistique avec une complicité évidente. Entre deux vannes, elles nous parlent de leur duo glamour, des cours de maintien qu'elles ont dû suivre ensemble, et de leur belgitude, bien entendu!
par
ThomasW
Temps de lecture 3 min.

‘Duelles' raconte la relation entre Alice et Céline, deux femmes au foyer des années 60. Comment avez-vous trouvé cette complicité?

Veerle Baetens: [contient un fou rire en regardant Anne] «C'est la magie du cinéma!»

Anne Coesens: [l'imite en caricaturant une diva] «Mais oui voyons, c'est de la magie!»

VB: «Ce n'est pas tant qu'on est similaires, mais on est toutes les deux plutôt simples dans notre façon de nous comporter dans la vie, assez familiales, assez chaleureuses. Avec les pieds par terre…»

AC: [la rattrape] «Sur terre!»

VB: «Voilà. C'est ça que j'ai directement ressenti avec Anne et Olivier. Je me suis sentie directement adoptée, comme un petit chat flamand!» [Elles se mettent à miauler ensemble et repartent en plein fou rire]

Qu'avez-vous apporté chacune à vos personnages?

VB: «Olivier aborde les personnages à travers une question: ‘Quels sont ses désirs conscients et inconscients?'. C'est une approche de composition psychologique, qui laisse deviner son travail de scénariste. J'ai trouvé un vrai partenaire en lui, car il écoute, et ça, j'aime bien. Je pense que les acteurs ne sont pas là pour se contenter d'être des marionnettes.»

AC: «Et puis il y a eu les cours de maintien!»

Les cours de quoi…?

VB: «De maintien! Pour devenir de bonnes femmes au foyer, bien comme il faut. Olivier voulait qu'on les suive pour trouver la posture d'une femme des années 60. Qu'est-ce qu'on a rigolé!»

AC: «Tant pendant les cours que les essayages de costume. On ne se connaissait pas encore bien, et ça nous a permis de nous rapprocher, de créer une complicité. Parce que c'est vrai que ce n'est pas évident, avec tous ces corsets, ce côté coincé.»

Le contexte 'sixties' renforce les stéréotypes de mère et épouse dans lesquels Alice et Céline sont censées s'épanouir…

AC: «Ça sert bien l'histoire et le lien entre ces deux femmes, coincées dans leurs maisons. Ça participe à leur folie. Je pense qu'elles n'en sont pas conscientes, car elles ne semblent pas se battre pour se libérer. Cette histoire serait tout simplement moins crédible aujourd'hui.»

VB: «On joue aussi avec les stéréotypes masculins. Nos époux sont très aimables, mais en même temps, il y a des scènes assez perturbantes, comme quand mon mari me dit 'Je devrais te faire enfermer'. Ces petits moments montrent qu'elles vivent dans une cage dorée.»

Veerle, c'est difficile pour vous de jouer en français?

VB: «Oui et non… Je mets beaucoup plus d'énergie à apprendre un texte en français. [Se tourne vers Anne et lui lance d'un air taquin] Et toi, Anne? Raconte-nous tes films flamands!» (rires)

AC: «N'empêche, après avoir vu 'Girl' et son côté bilingue parfaitement intégré, je me suis dit: 'Ah zut, pourquoi n'a-t-on pas fait ça?' Parce qu'on aurait pu! Mais peut-être que l'époque ne s'y prêtait pas. Le film se passe dans les années 60, et beaucoup de Flamands parlaient français à l'époque. Je le sais car mes grands-parents parlaient flamand entre eux, mais ils ont élevé mon père en français. Par contre, ils se disputaient et juraient en flamand!»

Quelles différences y a-t-il entre le cinéma flamand et francophone?

VB: «L'approche du métier peut-être? Je me suis formée dans la section 'comédie musicale' au Conservatoire.»

AC: «Ah oui? Chez nous, on commence à peine à valoriser cette approche-là.»

VB: «J'ai choisi ça parce que c'était le plus large. En fait, dans mon enfance, j'aimais la danse et le piano. Je ne chantais pas, je ne jouais pas. J'ai donc appris toutes ces disciplines en même temps, et j'en suis très contente. Mais en même temps, c'est mal vu. Même en Flandre. On te dit que ce n'est pas le vrai théâtre, blablabla. Alors que justement, ce sont trois disciplines que tu dois maîtriser en même temps: la danse, le chant, le jeu.»

AC: «Nous côté francophone, on est tellement influencés par les Français, et le théâtre de texte. Quand on y pense, c'est que du parler, où les corps n'existent pas. Alors que chez les anglo-saxons, le corps est mobilisé dès le départ.»

VB: «C'est vrai que les Français, ça bavarde hein! Le Flamand dit: 'Bon, on le fait, on avance!». Ici, ça va encore, mais en France… Ça parle, ça parle! Tu as envie de dire: 'De quoi vous parlez? Dites-le nous, et on le fait, et comme ça vous voyez si c'est bon ou pas (rires)!»

Votre dernier coup de cœur ciné?

AC: «'Girl'!»

VB: «Moi je viens de voir 'Mon Ket'! Franchement, ça m'a bien amusée, j'aime bien François Damiens. Pour l'humour, et pour la belgitude!»

Stanislas Ide

En quelques lignes

Alice (Veerle Baetens) et Céline (Anne Coesens) sont voisines et meilleures amies. Leur lien est mis à rude épreuve lorsque le fils de Céline décède, au cours d'un accident dont Alice est témoin. Après la douleur, un doute s'installe: Céline ne couverait-elle pas une vengeance? Malheureusement, ‘Duelles' est un film frustrant. Pour un long-métrage belge, il a l'audace de foncer tête baissée dans le divertissement à l'américaine: on pense aux héroïnes glamour d'Alfred Hitchcock, ou aux affrontements de ‘Desperate Housewives'. Malheureusement, les retournements de situation sont tellement téléphonés qu'on voit directement où le réalisateur Olivier Masset-Depasse (‘Illégal') veut nous emmener. Faute de suspense, on se contente d'un duel féminin puissant mais éprouvé. Folle ou vicieuse, telle est (toujours?) la question! On nous murmure pourtant en coulisses qu'un remake américain se prépare déjà. On croise les doigts pour qu'il se prenne un peu moins au sérieux que l'original…(si) 2/5