Cauet : « On a l'impression qu'on n'a pas le droit de trouver les musiques d'Angèle ou de Roméo Elvis nulles ! »

À quelques jours de ses 47 ans, Sébastien Cauet fait le point sur sa vie d'animateur, de DJ, d'homme et de père. Dans «T'es habillé comme tout le monde, mais tu ressembles à personne», phrase que lui disait son père quand il était jeune, l'animateur radio français qui fait exploser les audiences raconte son parcours. Et une chose est sûre: il ne s'est jamais reposé sur ses lauriers. Sébastien Cauet est un bosseur, rempli de tocs plus drôles les uns que les autres!
par
ThomasW
Temps de lecture 9 min.

Vous commencez votre autobiographie sur la phlébite que vous avez eue en mars 2014. Pourquoi?

«C'est toujours compliqué d'éviter le ‘Il était une fois' ou le ‘Tout a commencé quand…'. On ne voulait pas de ça avec Yves Quitté qui a coécrit le livre. Il a eu cette idée géniale: traiter mon passage à l'hôpital de manière comique et moqueur. Dans ma vie, j'ai vécu des trucs géniaux. Aujourd'hui, les quarantenaires quittent leur job et la ville pour aller fabriquer des t-shirts en chanvre. C'est la grande mode. À l'heure actuelle, les gens font le point sur leur vie. C'est fini le temps où l'on faisait toute une carrière dans une même usine. Les gens veulent avoir plusieurs vies.»

De votre côté, vous avez eu la chance d'avoir plusieurs vies tout en restant dans le monde médiatique, voire artistique.

«Évidemment, je ne suis pas devenu pilote de formule 1. Mais malgré tout, j'ai fait plusieurs choses différentes: de la radio, de la radio filmée, de la télé, du one-man-show, de la chanson, des films, je touche aussi aux réseaux sociaux… Ça reste cousin mais j'ai ouvert mon spectre et mon champ d'action. J'ai même été patron de presse!»

Cela ne vous a pas beaucoup plu. Pourquoi?

«Je suis dans la réactivité. Je travaillais pour un bimensuel. Je trouvais qu'on avait toujours un temps de retard. De plus, je pense que pour être directeur de presse, il faut venir de la presse. Il y a une culture qui est propre au journalisme. Un gars qui a du pognon et qui achète son journal sans avoir cette culture, je pense qu'il le fera couler. A contrario, j'ai beaucoup aimé être patron de radio. Là j'ai réellement pu construire quelque chose. J'ai fait et défait, j'ai créé des équipes… J'ai été dans trois radios et pour les trois, ça a cartonné à chaque fois. Ce n'est pas que je suis un génie. Je règle les choses les unes après les autres.»

Vous multipliez les réseaux et pour gérer tout ça, vous vous êtes bien entouré.

«Je ne peux pas tout lire moi-même. On a 10 millions d'abonnés, on a dépassé le milliard de vues sur YouTube… Il faut faire très attention. La moindre vidéo que vous postez, quand vous avez atteint un niveau si puissant, est criblée. Ça peut vite déraper. Il faut donc tout bien analyser et réajuster très vite si nécessaire.»

Si vous en êtes là où vous êtes, c'est grâce à votre père. Vous expliquez dans votre livre que très jeune, il vous déposait et revenait vous chercher à n'importe quelle heure dans les boîtes où vous mixiez.

«Mon père n'a jamais été celui qui entrait dans ma chambre en me disant ‘Qu'est-ce que tu es fort, mon fils'. Il était incapable de faire un tel compliment. Mais à l'inverse, il ne m'a jamais dit que ce que je faisais était nul. Quand je lui disais à 15 ans que je devais aller mixer dans une discothèque, il me disait directement que c'était lui qui m'amènerait et viendrait me chercher. Il ne m'a jamais dit non ou qu'il était fatigué. C'est moi qui lui disais que j'allais prendre le train quand j'avais des émissions de radio qui commençaient à 6h du matin. Quand je faisais ça pendant les vacances, c'était pour moi les plus belles vacances du monde! Je ne me suis jamais dit que je préférais dormir.»

Aujourd'hui encore, vous avez toujours autant la niaque?

«Oui et sans compter! Quand on me disait, quand j'étais gamin, si je voulais bien faire le matin en plus que le soir car c'était les vacances, je disais oui directement. Ça ne me venait pas à l'idée de demander combien je serais payé. J'étais tellement content! Aujoudrd'hui je travaille avec des stagiaires, et il faut savoir que beaucoup de mes salariés étaient stagiaires chez moi auparavant. La fois passée, la première question d'une jeune nana qui se présente est de savoir combien elle sera payée. On lui explique qu'elle ne gagnera rien pendant deux mois mais qu'après, il y a possibilité d'avoir un job. La réponse ne lui convenait pas. Mes employés étaient choqués!»

Une chose étonnante que l'on apprend sur vous dans votre livre est que vous allez voir des voyantes. Vous dites que c'est plus pour vous distraire que par volonté de connaître votre avenir. La voyance n'était-elle pas une manière de vous faire du bien quand même?

«Ça ne me fait pas du bien… J'aime plutôt l'idée de dire à la voyante: ‘Bon j'ai une heure, qu'est-ce que vous avez à me raconter' (rires). Ni plus ni moins. Mais quand je peux tomber sur quelqu'un de bluffant… Il faut se dire que c'est, avec le cul, l'un des marchés les plus rentables. Je ne suis pas le seul à aller voir des voyantes. Je trouve qu'il y a de l'hypocrisie autour de ça. Comme quand il y a eu l'affaire de Ribery avec Zahia. Les gens étaient choqués… comme s'ils ne savaient pas que les prostituées existaient (rires). C'est de l'hypocrisie. Comme quand j'ai avoué que je me suis déjà rendu sur des sites de rencontres…»

Avec votre notoriété, on ne s'attend pas à vous voir sur un site de rencontres.

«Mais non, pourquoi? C'est plutôt cool de vivre la vie comme tout le monde! Vous savez quand je veux me faire un café le matin, je suis comme tout le monde: je dois mettre la capsule dans la machine, sinon ça ne fonctionne pas (rires).»

Il n'y a pas Georges Clooney pour vous le préparer?

«(Rires) Non il n'y a que moi à moitié à poil et la tête pas réveillée… Comme tout le monde.»

Ce qui ressort de votre livre, c'est que pour arriver là où vous êtes, vous bossez énormément.

«Il ne faut jamais oublier d'où l'on vient et la notion de travail. Aujourd'hui, Instagram voile un peu la donne. On pense que si on se cambre les fesses à se toucher la nuque (rires) et qu'on montre sa bouche tout en faisant en sorte que les deux tiennes sur la photo, on a réussi! Mais non, ce n'est pas une réussite. Et ce n'est pas non plus une bonne image que vous montrez de vous-même. Ce n'est pas parce qu'on se cambre sur une plage et qu'on s'est montré nu, qu'on a réussi sa vie! Je n'ai aucune considération pour Emily Ratajkowski qui est à poil sur toutes ses photos ou pour Kim Kardashian qui montre son cul une photo sur deux… Je ne suis pas persuadé que c'est un exemple de réussite.»

Vous êtes papa. Comment faites-vous pour gérer les réseaux sociaux avec vos enfants.

«Sur le sujet, ma fille est très marrante. La fois passée, je voyais sur son fil Instagram une nana à poil. Je lui demande si elle aime bien ce profil. Elle me répond ‘Non, c'est une salope!' (rires). Elle ne like pas mais elle la suit. Moi, ça, je ne pourrai pas. Je suivais Emily Ratajkowski. Au bout de trois jours, j'ai eu une overdose de son cul. Je me suis désabonné de son compte. Ma fille est très consciente de tout ça. Elle se préserve. Elle fait des choix. Mon fils, par contre, n'est pas du tout 'réseaux sociaux'. Je pense que tout ça se régule assez bien, les jeunes savent très bien faire le tri entre ce qui est excès et ce qui est bien.»

Vous expliquez dans votre livre que vous êtes respectueux des demandes des artistes. Si l'un d'entre eux ne veut pas parler de tel ou tel sujet, vous ne l'abordez pas dans vos émissions.

«Ça peut m'agacer quand la liste est longue. Une fois, j'ai reçu Gad Elmaleh, et son équipe m'avait pris la tête pour que je ne parle pas de sa séparation avec la princesse Charlotte. Je n'y avais même pas pensé. C'est sa vie privée. Personnellement, je m'en foutais. Lors de l'interview, à un moment, une nana lui dit qu'il est un mec bien, que lui au moins il ne fait pas sa princesse. Il lui répond qu'en plus, en princesse, il s'y connaît. Et là, il fait tout un laïus sur la princesse (rires). je me suis dit ‘Mince, alors!'. Quand c'est sur la vie privée, je respecte. Je veux que mes invités se sentent bien. Ça sert à quoi de les mettre mal à l'aise?!»

Il y a des animateurs qui ne se gêneraient pas pour faire le buzz.

«Ce sont des petits joueurs. Si vous pensez que vous allez devenir une star en vous nourrissant de bad buzz, vous faites fausse route. Notre vie, c'est un marathon, pas un sprint. Il faut durer. Tous les gens qui ont joué à ça ne sont plus là.»

Dans votre livre, vous livrez quelques anecdotes. Et certaines sont très drôles, comme lorsque vous avez vu le pénis de Patrick Sébastien.

«Pénis est un petit mot pour décrire ce que j'ai vu (rires). Ca m'a fait rire car Patrick a tweeté il y a quelques jours l'extrait du bouquin. Non pas sur la partie du pénis (rires)! Sur la description que je fais de lui. Comme je le décris dans le livre, le premier fan de Patrick Sébastien, c'est lui! D'un côté, il n'a pas tout à fait tort quand il dit que lorsqu'on essaie de mettre quelqu'un d'autre à sa place, ça ne marche pas.»

Que pensez-vous de tous ces présentateurs que l'on a remplacés et évincés du jour au lendemain?

«Vous savez, il y a des gens qui sont patrons de chaîne, qui ne le sont pas très longtemps mais qui font beaucoup de dégâts. Ils ont une espèce de vision de la télévision qui est la leur et qui ne correspond pas forcément à celle que le public voudrait voir. Ceux qui se retrouvent parfois à la tête d'une chaîne ne sont parfois pas des gens de télé mais de réseaux et de copinages. Ils font ça en transition mais comme ils sont là, il faut que la chaîne fasse ce qu'ils aiment.»

On approche des élections européennes. Beaucoup ont critiqué Cyril Hanouna et sa volonté de faire de «Balance ton Post» «l'un des acteurs médiatiques» de la campagne. Pourriez-vous proposer des débats politiques dans vos émissions?

«Avec grand plaisir! Ce qui a été gênant dans le cas de Cyril, ce n'est pas d'avoir reçu Marlène Schiappa. Au contraire, je trouve ça plutôt bien qu'il propose de la politique à un public qui n'a peut-être pas l'habitude de regarder des émissions politiques. Ce qui était un peu plus embêtant, c'est qu'elle était co-animatrice. L'émission avait donc un angle donné. Personnellement, inviter des politiques, je trouve ça génial. Il peut avoir de bonnes questions dans une émission de divertissement et des conneries sur France Inter. Il faut qu'on arrête d'avoir une pensée unique! C'est comme quand un film sort et que tout le monde doit le trouver génial. On a l'impression que tout le monde doit trouver ‘Game of thrones' génial. Moi ça me fait chier ‘Game of Thrones'. Les dragons, je n'en ai rien à foutre. On a le droit de ne pas trouver ça top! Angèle, idem. On a l'impression qu'on ne peut pas trouver les musiques d'Angèle ou de Roméo Elvis nulles! Il fut un temps, c'était le cas de Stromae… Décidément, ce ne sont que des Belges (rires). Je suis contre ces trucs qui sont préprogrammés au succès et qu'on ne peut pas ne pas aimer!»

Maïté Hamouchi