"L'UE doit cesser d'exporter en Afrique son lait réenrichit en huile de palme"

Plusieurs ONG demandent à l'Union européenne de cesser d'inonder les marchés africains de son lait produit en trop grande quantité. François Graas, de l'ONG SOS Faim, explique en quoi cette manière de se débarrasser des surplus laitiers risque de provoquer des problèmes alimentaires en Afrique de l'Ouest.
par
Camille
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Pourquoi l'Europe produit-elle plus de lait qu'elle n'en a besoin?

«On produit trop de lait en Europe. Jusqu'en 2015, il y avait un système de régulation, avec des quotas, qui limitaient la surproduction. Aujourd'hui, ça n'est plus le cas, et les éleveurs produisent autant qu'ils le souhaitent. Cela a mené à une surproduction, et à une baisse des prix sur les marchés.»

En quoi la surproduction laitière en Europe est-elle un problème pour les éleveurs africains?

«Comme on produit trop de lait, une partie est exportée. C'est du lait très bon marché, puisqu'il a bénéficié des subventions octroyées par l'Union européenne à ses agriculteurs, et du fait de la situation du marché. Ce lait est également moins cher car il est rengraissé à l'huile de palme après avoir été écrémé pour répondre aux besoins de l'industrie européenne. Il arrive donc en Afrique de l'Ouest et concurrence facilement celui produit par les éleveurs locaux. Il est entre 30 et 50% moins cher, ce qui incite le consommateur à se tourner vers ce lait plus abordable. La conséquence de ce choix est que les agriculteurs locaux n'ont plus de revenus, notamment pour acheter la nourriture qu'ils ne produisent pas. Le risque est donc réel que le lait européen ne soit responsable de la malnutrition en Afrique de l'Ouest.»

Ces exportations de lait visent aussi à répondre à la demande, ce que ne peuvent faire les éleveurs locaux.

«Pour le moment, ces pays produisent environ la moitié du lait qu'ils consomment. Il y a un véritable effort qui est fait pour augmenter la production, et cela porte ses fruits. Le risque, c'est que les exportations de lait ne viennent réduire à néant les efforts entrepris pour développer une filière locale.»

 

Les éleveurs européens sont pourtant demandeurs de nouveaux débouchés…

«Nous ne voulons pas opposer les éleveurs européens et ceux d'Afrique de l'Ouest. Eux aussi pâtissent d'une politique qui mène à la surproduction, puisque celle-ci fait baisser les prix auxquels ils vendent leur lait, et donc leurs revenus. Seule l'agro-industrie profite de cette situation, qui lui assure une matière première à bas coûts.»

Quelles mesures réclamez-vous?

«Il faut arrêter de soutenir les exportations de produits laitiers sur les marchés africains, et adopter des mécanismes de régulation. Il n'y a que comme cela qu'on évitera la vente à perte, qui a des conséquences sur les éleveurs du nord comme sur les éleveurs du sud.»