Élections 2019: Défi veut un réinvestissement massif dans les transports en commun

La mobilité sera l'un des enjeux majeurs des élections du 26 mai. Bernard Clerfayt, député bruxellois Défi et bourgmestre de Schaerbeek, plaide en faveur d'un réinvestissement important dans les transports en commun.
par
Camille
Temps de lecture 5 min.

Face aux problèmes de mobilité à Bruxelles, vous plaidez pour une nouvelle approche.

«Tout le monde constate que la mobilité dans et autour des grandes villes du pays pose problème. Il est urgent de prendre en compte les évolutions qui touchent à cette question. La mobilité de demain ne se fera plus autour d'un prestataire, avec un usager qui dispose d'un abonnement, elle sera multimodale. Déjà aujourd'hui, l'usager se déplacera en combinant voiture et vélo, train et trottinette… Il faut prendre cela en compte et adapter l'offre.»

Comment faciliter le passage d'un moyen de transport à un autre?

«Il faut faciliter l'intégration des moyens de transport. Pour cela, il n'y a pas de secret : les différents prestataires de mobilité doivent adapter leurs protocoles d'échange et ouvrir leurs données. La Finlande l'a fait en 2011. Depuis, une start-up a lancé une application qui combine et assure la facturation des différents moyens de transport. L'usager ne se demande plus s'il se déplace en RER, à vélo, en metro… Il dit qu'il se rend d'un point à un autre, et l'appli lui propose un itinéraire qui correspond à ses préférences, avec ou sans marche à pieds, avec ou sans vélo...»

LE MÉTRO

La Région bruxelloise envisage la construction d'un métro Nord. C'est une bonne idée?

«Nous sommes tout à fait favorables à ce projet. Nous plaidons même pour la construction de quatre nouvelles lignes, pour relier, par exemple, Uccle à Laeken, ou encore prolonger le métro jusqu'au sud de Bruxelles. Je ne suis pas contre d'autres systèmes, mais il faut être réaliste : aucun autre système ne peut assurer le même niveau de service. A Bruxelles, nous n'avons pas tant de larges avenues qui nous permettaient d'installer de grands tramways en sites propres. Le métro me semble donc être la seule alternative crédible si on pense à long terme, avec une vision jusqu'en 2050.»

Certains redoutent que le metro nord soit un nouveau RER, qui accumule les retards…

«Il y a un problème en Belgique avec les procédures, nous devons revoir cela. Il est normal de prendre le temps de la réflexion avant de se lancer dans de tels travaux, et de prendre le temps de les réaliser correctement. Mais on ne peut pas mettre 20 ans à construire une ligne de métro.»

FINANCER DE NOUVELLES INFRASTRUCTURES

Construire de nouvelles lignes de métro aura un coût élevé…

«Nous devons réinvestir dans les transports en commun. C'est une exigence primordiale. De plus en plus de jeunes ne passent plus leur permis. Il faut accompagner cette génération qui va grandir en n'utilisant que les transports en commun. Bien sûr, cela va demander des budgets importants.»

Quelles solutions proposez-vous?

«On peut trouver une source de financement dans l'application d'une taxe kilométrique intelligente. Il faut remplacer les taxes qui pèsent actuellement sur les voitures, comme la taxe de mise en circulation, par une taxe kilométrique intelligente. Plus l'usager utilise sa voiture, plus il paye. Et plus il roule en ville aux heures de pointe, plus il est taxé. Inversement, celui qui circule en heure creuse ou qui fait Bouillon-Namur, lui, n'est pas taxé. Tout le monde y gagne. Celui qui ne prend pas sa voiture économise quelques euros. Et celui qui décide de rouler malgré tout profite de routes moins chargées, et gagne du temps. L'argent collecté par cette taxe doit servir à développer les transports en commun, afin d'offrir une bonne solution à celui qui laisse sa voiture au garage.»

Plusieurs partis plaident en faveur de la gratuité des transports en commun. Qu'en pensez-vous?

«C'est une idée sympathique, mais ça ne me semble pas réaliste. Ce que demande l'usager, aujourd'hui, c'est des passages plus fréquents, des places pour s'asseoir, un réseau étendu… On pourra réfléchir à la gratuité plus tard si on en a les moyens. Mais, pour le moment, la priorité doit être l'amélioration de l'offre. De plus, la gratuité est toute relative : il faut bien que quelqu'un paye, et cela passe souvent par une hausse des taxes. Je constate aussi que les villes qui ont expérimenté la gratuité en dressent un bilan mitigé. La nouvelle offre attire surtout les piétons et les cyclistes, et pas tant les automobilistes. Ça n'est donc pas favorable à la réduction des files et de la pollution.»

LE PARTAGE DE L'ESPACE PUBLIC ENTRE VÉLOS ET VOITURES

Le développement du vélo nécessite également de nouvelles infrastructures…

«On doit réserver plus d'espace à ce mode de transport. Cela est vrai dans les villes, mais aussi en dehors, puisque de plus en plus de gens font parfois de longs trajets pour aller travailler à vélo. Il faudra prendre un peu d'espace aux voitures, mais il est nécessaire de partager l'espace public. C'est parfois compliqué, car un certain nombre de citadins possède encore un véhicule qu'il faut garer. Mais avec le temps, ils vont être de plus en plus nombreux à s'en passer. A cet égard, je pense que les services de location entre particuliers vont changer la donne : on n'aura plus besoin de posséder un véhicule, il suffira d'en louer un lorsqu'on en a besoin. Cela permettra de récupérer de l'espace public pour d'autres activités.»

La sécurité dans les chemins de fer

La baisse de la présence policière dans les gares et les trains inquiète particulièrement Bernard Clerfayt. «C'est embêtant, car si on veut faire venir des gens dans les trains, il faut qu'ils soient ponctuels, confortables, et qu'ils soient sûrs…», déplore celui qui est aussi bourgmestre de Schaerbeek, et compte la gare du Nord sur son territoire. « Il y a eu une volonté du gouvernement de réduire les dépenses. Mais cela n'est pas favorable à la fréquentation des chemins de fer.»

Belga / N. Maeterlinck

La fin d'un modèle de développement

Pour Bernard Clerfayt, nous sommes arrivés au bout d'un modèle de développement, celui du système qui s'est mis en place au lendemain de la seconde guerre mondiale. «On est passé d'un système où le transport des masses se faisait par le moyen des transports en commun à un système où tout repose sur la voiture individuelle. Ça a largement structuré l'espace public.» Le système est aujourd'hui totalement saturé. «Il provoque des files sans fin», reprend l'élu bruxellois. «Et en termes de durabilité, ce modèle ne tient pas la route. On voit bien que la planète ne peut supporter ce système plus longtemps. Enfin, il pose un véritable problème sanitaire. Les populations urbaines, à Bruxelles, Liège, ou Charleroi, ne veulent plus respirer un air pollué.»