Mustii, le 21st Century Boy : « L'adolescence est un sujet inépuisable »

Thomas Mustin, alias Mustii, est un jeune homme plein de ressources et très occupé. Alors qu'il vient de sortir un premier album avec le succès que l'on sait, il joue actuellement Hamlet sur les planches, tout en créant un pont entre ces deux univers. Une «coïncidence magique», explique-t-il.
par
ThomasW
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Comment peut-on à la fois sortir un premier album et jouer Hamlet au théâtre?

«En s'y prenant bien à l'avance. Pour le moment, je joue au théâtre tous les soirs. En journée, j'essaye de minimiser les choses le plus possible, parce que c'est un engagement physique qui me prend plein d'énergie. Ça fait plus de 4-5 ans que je n'avais plus fait de théâtre, je ne me souvenais plus à quel point c'était fatigant. Il faut avoir une hygiène de vie extrême. Quand j'ai des périodes de théâtre ou de tournage, j'essaye de ne faire que ça. Parfois, il peut quand même y avoir un concert, mais je suis dans un tel état d'action que les choses se font alors sans trop réfléchir.»

Mais pourquoi avoir sorti un premier album alors qu'une pièce se mettait en place?

«L'album est sorti en octobre, ce qui m'a permis de m'y consacrer pleinement jusqu'en janvier. Il vivra encore en été, avec les concerts, les festivals, des dates à l'étranger… Je n'ai pas envie de me brimer, j'ai toujours fait comme ça. En plus, l'album résonne avec ce que je fais maintenant. Il y a plein de liens avec Hamlet. C'est cohérent, je vois ça comme un tout. Ce ne sont pas deux vies séparées. Cela se répond tout le temps.»

L'Hamlet que vous jouez est très «21st Century Boy»

«C'est un peu une coïncidence magique, mais c'est clairement des thématiques communes, parce que l'album traite beaucoup de solitude, de deuil, parfois de cette impression de ne pas être en phase avec la société. Et c'est le cas d'Hamlet. Lui et le personnage de l'album tentent de recréer du sens, et de trouver des repères dans un monde qui n'en a plus. Ce n'était pas du tout prévu. Le metteur en scène m'a contacté alors que l'album était déjà bien avancé dans le travail. Et c'est en redécouvrant Hamlet que je me suis rendu compte qu'il y avait plein de thématiques qui se croisaient. Ça m'évoquait également tous les films sur l'adolescence que j'ai pu regarder, surtout ceux de Gus Van Sant, dans lesquels il y a tous ces êtres en errance, qui font face à des situations parfois violentes, et qui, à partir de ça, doivent essayer de comprendre le monde et trouver leur place au soleil.»

On est presque dans un album-concept avec un fil rouge très clair.

«En fait, on peut très bien aller chercher une chanson au milieu et l'écouter comme ça. C'est peut-être un concept, mais j'ai imaginé cet album davantage comme un journal intime. Je voulais qu'il y ait un lien, un socle, une même personne qui écrit et qui parle. Le concept, c'est que l'album est écrit en ‘je'. Un journal intime, ce sont toutes les émotions et les angoisses, c'est presque une thérapie. On y relâche un peu tous ses démons. Ça me permet, par ce vecteur-là, d'être dans des choses très intimes, même si la musique est davantage dans l'énergie, dans la grandiloquence et dans l'emphase pour faire contrepoids.»

Et c'est votre journal intime ou celui d'un personnage fictif?

«J'avais surtout l'idée d'un ‘autre' parce que je ne voulais pas que cela ne parle que de moi. La fiction permet aussi d'ouvrir d'autres portes. Dans cet album, il y a des choses qui ne me concernent absolument pas, et heureusement d'ailleurs. Mais même s'il faut partir de soi, j'aime utiliser la fiction et un personnage pour aller plus loin. J'ai cherché un socle dramaturgique pour avoir un récit, et je me suis doté d'une silhouette que j'ai appelée ‘21st Century Boy'. D'ailleurs, j'ai baigné dans ces films qui se sont faits à la charnière des années 90 et 2000. J'en ai toujours des souvenirs très frais, et cela me semblait naturel d'avoir ce marquage clair, comme une marque. Sur scène, j'avais envie d'avoir ‘21st Century Boy' écrit en grand pour que ce soit assez frontal.»

Ça évoque le titre «20th Century Boy».

«Oui, il y a clairement un petit clin d'œil à T-Rex, j'aime beaucoup Marc Bolan. Mais si j'y ai pensé, je n'ai pas voulu en faire un hommage.»

Vous revenez souvent sur le film «Elephant» du Gus Van Sant.

«C'est un film qui m'a beaucoup marqué. En dehors de la tuerie de Columbine, qui est évidemment le sujet du film, ce qui m'a surtout frappé, c'est l'errance des ados que Van Sant parvient à saisir. On voit ce personnage blond sur l'affiche qui semble être une figure très pure et innocente. Tous ces jeunes dans les couloirs de l'école sont un peu fantomatiques. Il y a une tension sous-jacente. Moi, ça m'avait beaucoup impressionné. Quand j'ai commencé l'écriture de l'album en imaginant un personnage, c'est la première chose qui m'est venue en tête. Et Gus Van Sant a cette capacité à jouer avec le ‘macro' et le ‘micro'. Il est dans l'intime, il est très proche de ses jeunes, et en même temps il y a une tragédie qui se déroule. Et je trouvais que ça pouvait être gai d'essayer de travailler sur cela en musique. D'où l'idée de l'intime sur une musique plus galvanisante et dans l'emphase.»

C'est donc une adolescence plus douloureuse et angoissée.

«Oui, c'est clair qu'il y a une part d'angoisse et d'inquiétude, mais ce sont des questions qui traversent tout le monde à un moment donné. Des questions existentielles: Où est ma place? Comment j'entre en résilience quand un événement violent arrive? Cela peut être un accident, un deuil, une perte… Et à l'adolescence, cela s'exacerbe, ces pulsions de vie et de mort. C'est intéressant de traiter de cela. Et je pense également que l'adolescence est vraiment un sujet inépuisable. Les questions peuvent être tellement violentes à cet âge.»

Pierre Jacobs

Mustii sera notamment en concert au Botanique le 29 avril et aux Francofolies de Spa le 20 juillet.