Les mousses, des plantes discrètes mais indispensables

Sur les terrasses, les toits ou les pelouses, «la mousse» est souvent considérée comme un hôte inopportun qu'il convient d'éliminer rapidement. Pourtant, ce groupe de plantes, les bryophytes, a une place fondamentale au sein des écosystèmes. Ce sont également des végétaux incontournables dans diverses activités humaines.
par
ThomasW
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Souvent discrètes, les mousses occupent les régions tempérées et chaudes, où elles ne jouent le plus souvent qu'un rôle effacé. Pourtant, dans certains milieux spécifiques, la place qu'elles occupent est importante, voire prépondérante. Par exemple sur les berges rocheuses des cours d'eau et dans divers types de tourbières.

Des plantes pionnières

Le rôle des mousses dans beaucoup de formations pionnières doit être particulièrement souligné. Dépourvues de racines, elles n'ont pas besoin de terre où s'ancrer et peuvent ainsi coloniser les rochers, les terres remaniées, les dunes en voie de fixation ou les souches forestières. Peu à peu, les mousses contribuent à former une couche d'humus qui permet la venue d'autres plantes.

C'est cependant vers les hautes latitudes et dans la plupart des massifs montagneux élevés qu'elles trouvent leur optimum de développement. Ainsi, leur présence est considérable dans les forêts boréales de résineux et divers types de toundras arctiques, dépourvues d'arbres.

Rôles multiples et indispensables

Les mousses, par leur importante biomasse, sont un élément essentiel de la régulation du dioxyde de carbone et de la production d'oxygène (photosynthèse). Une régulation opérationnelle toute l'année puisque les mousses ne perdent pas leurs feuilles.

Mais elles jouent bien d'autres rôles indispensables: leurs touffes constituent un microhabitat et une nursery pour de très petits animaux variés. Elles peuvent aussi servir de bioindicateurs de la pollution des milieux continentaux. On utilise ainsi certaines espèces comme réactifs de la pollution de l'air ou pour évaluer la pollution des cours d'eau.

Une utilité ancienne pour l'homme

Dès l'Antiquité, les mousses furent très utilisées pour améliorer le confort dans les foyers. On s'en servait pour garnir les matelas, les coussins et les oreillers. De nombreuses espèces portent ainsi le nom d'Hypnum qui dérive du mot grec hypnos signifiant «sommeil». Leur capacité d'isolation thermique a aussi été mise à profit dans les premières chaussures ou sur les toitures, les toits végétalisés faisant toujours partie intégrante de la culture scandinave. Dans les fermes, on s'en servait comme litière, mais aussi comme couveuse à œufs et parfois comme fourrage vu les fortes teneurs en vitamines de certaines espèces. Leur grande faculté d'absorption en a fait les ancêtres de nos éponges et de nos papiers toilette. La liste de toutes les utilisations avérées des mousses est longue.

Bien sûr, la plupart de ces utilisations anciennes sont aujourd'hui abandonnées, mais d'autres les ont remplacées. Le goût inimitable de certains whiskies, vient du lent fumage, à la tourbe, de l'orge qui s'imbibe ainsi de phénols aromatiques. Aux États-Unis, quelque 200 entreprises ont pour principale activité la culture des bryophytes, ce qui donne une idée de leur intérêt toujours d'actualité.

Fixation des substances toxiques

Utilisées en horticulture et parfois comme auxiliaires de cultures, grâce à leurs capacités de répulsion des insectes et des gastéropodes, elles font aussi un bon engrais en raison de leur teneur élevée en nitrates et en magnésium. Leur capacité à fixer les substances toxiques, telles que métaux lourds, nitrates ou sulfates, en font de très bons marqueurs environnementaux. Elles interviennent dans le domaine de l'épuration des eaux usées et du traitement des catastrophes écologiques, certaines mousses étant capables d'absorber jusqu'à douze fois plus d'hydrocarbures que les filtres à argiles utilisés actuellement.

Le secteur pharmaceutique n'est pas en reste puisque la compréhension de leurs principes actifs reste encore à approfondir. Leurs composés antibiotiques, antifongiques ou phénoliques sont encore mal connus même mais leurs effets sur les irritations de la peau ou la pression artérielle sont constatés.

Ainsi donc, le monde des bryophytes recèle bien des surprises et il est urgent de s'adonner à leur observation consciencieuse et patiente. La chaleur irisée des coussinets de mousses, verts toute l'année, scintillants de rosée matinale, recouvrant poteaux, pavés et vieux murs, et à l'intérieur desquels tout un petit monde d'animalcules s'ébroue, est une belle consolation dans ce monde de macadam et de béton.

Philippe De Zuttere

Plus d'informations sur le site www.nowelia.be