Le grand retour du chanvre belge

La sensibilisation à l'écologique et l'envie de retourner vers des cultures plus locales ont fait renaître la culture du chanvre industriel en Wallonie où elle avait totalement disparu suite à l'importation de fibres plus rentables mais beaucoup moins durables (il faut par exemple dix fois plus d'eau pour produire un kilo de coton que de chanvre!).
par
Camille
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Champion de l'écologie

En 2009, il n'y avait plus aucune parcelle de culture de chanvre en Belgique. Pourtant, c'est une plante indigène, qui pousse donc dans nos régions depuis toujours et qui s'y porte, logiquement, fort bien. Elle est tellement adaptée à nos contrées qu'elle est particulièrement durable: elle ne nécessite ni pesticides, ni insecticides, et pousse à grande vitesse avec très peu d'eau (contrairement à son frère ennemi le coton). Sa culture s'était progressivement éteinte après l'arrivée massive d'autres fibres comme le coton, et puis à cause de l'interdiction de cultiver du chanvre du fait de la présence de molécules de THC. Si bien que le savoir-faire de cette culture a été complètement perdu! Mais depuis une petite dizaine d'années, une poignée de passionnés redécouvre pas à pas cette tradition. «Aujourd'hui, nous avons environ 100 hectares de cultures, quasi exclusivement en Wallonie. La Flandre est plus sur la culture du lin, qui est intéressante également mais qui est moins durable car le lin nécessite de lourds traitements phytosanitaires», explique Thierry Joie, président de l'asbl Chanvre Wallon, qui précise que la pierre d'angle de cette renaissance, c'est l'ouverture d'une usine de traitement du chanvre. «Une usine a ouvert en 2016 à Marloie et avec sa ‘défibreuse', on peut à nouveau séparer la ‘paille' que l'on utilise dans la construction par exemple, de la fibre, que l'on utilise dans le textile».

Chanvre = Cannabis

«Cannabis» est le très joli nom latin du chanvre. Ce dernier contient du THC, molécule qui fait «planer». Mais il y a deux catégories de chanvre: le cannabis «sativa» est la version industrielle légale. Celle-ci contient très peu de THC. Et si aujourd'hui, la culture du chanvre est de nouveau permise, tout cela est très réglementé: «L'agriculteur doit entre autres envoyer les copies des factures d'achat des semences. Puis l'État vient contrôler directement au champ pour vérifier que la plante est bien la variété industrielle», nous détaille le président de l'asbl qui explique que cela rend la culture du chanvre très chère car il faut acheter de nouvelles semences chaque année vu qu'il est interdit de replanter ses graines (apparemment, replanter ses propres semences ferait augmenter le taux de THC).

Ph. Cannavie

Une véritable succes story

Le chanvre a plusieurs autres avantages. «On peut manger les graines de chanvre telles quelles, sous forme de farine très digeste car naturellement sans gluten, ou bien en extraire l'huile. Cette dernière est incroyablement chargée en oméga 3 et 6. Cela en fait un super-aliment!», détaille le président de l'asbl. L'huile de chanvre est également utilisée en cosmétiques. Mais la valeur ajoutée du chanvre, c'est surtout sa fibre: «elle est extrêmement robuste! Puisque tout est à refaire, cela fait plusieurs années que l'on essaye de retrouver le savoir-faire du textile en chanvre et on vient de parvenir à un très bon résultat. Comme beaucoup de petits créateurs éthiques s'intéressent à nos travaux, on peut espérer trouver des vêtements ou accessoires en chanvre belge bientôt.» Thierry Joie insiste sur le fait qu'il y a un engouement énorme pour le retour de cette culture et le plus réjouissant, selon lui, c'est que ce sont surtout des jeunes qui se lancent dans cette voie. Un bel exemple de réussite est la société Isohemp, basée à Fernelmont (hemp veut dire chanvre en anglais). «Ils ont mis au point des matériaux à base de paille de chanvre pour la construction. Ils ont engagé 20 personnes et isolent l'équivalent de 1.000 maisons par an!», nous apprend fièrement Thierry Joie.

Lucie Hage