Le bio réduit le cancer, et ça dérange certains !

Rarement une étude scientifique aura-t-elle fait autant parler d'elle. En quelques heures, ses résultats ont fait le tour des réseaux sociaux avant de faire la une du quotidien Le Monde et de se répandre dans nombreux médias traditionnels. Mais très vite aussi, on a entendu des remises en cause, accompagnées parfois d'un dénigrement, à peine voilé.
par
ThomasW
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En soi, qu'elle soit à ce point médiatisée n'est guère étonnant. Elle émane de l'INRA, l'Institut National français de la Recherche Agronomique, ce qui est tout de même un gage de sérieux. Elle a été publiée dans une prestigieuse revue scientifique internationale. Elle est fruit de sept années d'observation d'un large échantillon de 68 946 adultes, majoritairement des femmes dont les pratiques alimentaires et la santé ont été soigneusement examinées.

Rigoureuse, elle a tenu compte d'un maximum possible de biais, qu'ils soient liés aux antécédents médicaux des participants ou à leur environnement socio-économique ou encore à leur niveau de revenu.

Mais ce sont surtout ses résultats qui ont retenu l'attention et très vite soulevé l'enthousiasme des fidèles du BIO. On peut les résumer en disant que les personnes qui mangent plus d'un aliment sur deux d'origine BIO, réduisent leur risque de cancer de 25%. Et c'est même – 34% quand il s'agit de cancer du sein chez les femmes ménopausées et, encore plus spectaculaire, -76% pour le lymphome. De quoi donner envie de filer dans un magasin BIO. En effet, jamais encore une telle association entre une alimentation BIO et une réduction du risque de cancer n'avait été établie.

On peut comprendre aussi que de tels résultats puissent inquiéter ceux qui s'accrochent à une alimentation conventionnelle. Mais ce qui manifestement dérange encore plus, c'est une partie de l'analyse des auteurs. Quand ils soulignent que les types de cancers qui diminuent avec une alimentation BIO sont étrangement les mêmes qui semblent augmenter chez les agriculteurs exposés aux pesticides et quand ils expliquent que la résistance aux cancers des consommateurs réguliers de BIO est liée à la présence de résidus de pesticides synthétiques dans les «produits ordinaires».

Cette nouvelle étude vient donc une nouvelle fois confirmer les suspicions sur les dangers des pesticides et on imagine que cela ne plaît pas du tout aux géants de l'agroalimentaire.

Certes, on peut entendre certaines remarques, notamment qu'un lien de cause à effet ne puisse pas être établi sur la base de cette seule étude, mais la rapidité avec laquelle certains ont commencé à minimiser les résultats obtenus est à tout le moins suspecte.

On se rappelle l'opprobre -injuste- qui s'est abattu sur le Professeur Gilles-Eric Séralini. Il avait eu le seul tort de publier une étude dans laquelle il faisait état d'effets tumorigènes et toxiques du maïs OGM NK 603 et de l'herbicide Roundup sur des rats.

Certes, on peut admettre que la recherche de l'Inra est perfectible, et que d'autres travaux sont nécessaires pour valider, infirmer ou affiner les résultats. C'est d'ailleurs ce que la majorité des chercheurs qui se sont exprimés sur le sujet, appellent de leurs vœux.

Mais alors, donnons-leur les moyens de creuser davantage. Et surtout n'attendons pas que certaines firmes remuent ciel et terre pour déprécier les recherches qui n'abondent pas dans le sens de leurs intérêts, pour discréditer leurs auteurs, voire commanditer elles-mêmes des études ou tenter, avec leurs gros moyens, d'«acheter» certains scientifiques qui seraient moins regardants sur l'éthique…

Luc Ruidant

Source: JAMA Internal Medicine, 22 octobre 2018

Cet article provient du magazine belge indépendant BIOTEMPO qui a pour credo: «Comprendre, changer, agir maintenant».