Frédéric Lenoir : Méditez à cœur ouvert et devenez bienveillant

Frédéric Lenoir est philosophe et sociologue. Il est, depuis l'adolescence, en quête de sagesse. Une vertu qu'il essaie d'atteindre grâce notamment à la méditation.
par
Maite
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La méditation est de plus en plus prisée dans notre monde occidental. Vous faites de nombreuses conférences sur la question ainsi que sur la sagesse. Comment expliquer le succès de ces thématiques, à votre avis?

«Nous avons besoin de réfléchir à notre vie. Beaucoup de gens se posent la question de savoir si la vie a un sens, si on peut trouver un bonheur profond et durable, quelles sont les valeurs les plus importantes, etc. Ces questions existentielles ont toujours existé. La question de la sagesse est née avec les Grecs et avec Bouddha en Orient. Mais aujourd'hui, ces questions sont devenues encore plus importantes chez nous depuis que se sont effondrées les grandes idéologies religieuses et politiques. Par ailleurs, on assiste à une crise du modèle ultralibéral, ce qui fait que les gens se disent que ce n'est pas la société de consommation qui fait le bonheur. On assiste à une quête personnelle durant laquelle chacun cherche sa propre solution pour améliorer sa vie tout en étant utile aux autres.»

Dans votre livre «Méditer à cœur ouvert», vous expliquez que la méditation en vogue est celle de la pleine conscience. Ce n'est pas celle que vous préconisez puisque, comme vous l'écrivez, il lui manque une notion importante, selon vous: la bienveillance.

«Exactement. La pleine conscience est importante car elle permet de calmer le mental. Mais je pense qu'on peut aller plus loin. Une fois le mental calmé -et c'est essentiel–, on peut développer la bienveillance, agrandir son cœur, travailler sur l'amour. Et ça, ça me semble tout à fait important. Ça existe dans le bouddhisme depuis plus de 2.000 ans. La méditation vise à calmer le mental et à développer la compassion. C'est ça que j'ai essayé de retrouver de manière laïque. Je veux montrer que la méditation peut nous aider à agrandir notre cœur et à être plus altruiste. Dans mon ouvrage, je livre des méditations du cœur, ce qui n'était jamais proposé en Occident.»

Dans votre livre, on retrouve aussi un CD. Vos méditations sont accompagnées de musique. Pensez-vous que la musique puisse aider les novices à se concentrer?

«Ça aide beaucoup. Ça aide à éviter de partir dans ses pensées grâce à un support. Le fait d'être attentif à la musique aide à se concentrer. La musique de mon CD a été composée par quelqu'un qui accompagne la méditation depuis 30 ans, Logos. Il fait de très belles musiques qui ouvrent le cœur, qui créent de l'émotion.»

Vous écrivez que le but de la méditation est d'être pleinement humain. Qu'est-ce que cela signifie?

«Cela veut dire: développer toutes les qualités humaines que l'on a en nous. Je pense que nous avons tous des forces de bonté dans notre cœur mais elles sont polluées par quantité de peurs, de rejets et de blessures. On a tous aussi des aspirations à être dans la joie. Cela aussi est bloqué par toute une série de choses. Pourtant, on aspire tous au bonheur, à aimer plus et aimer mieux. Mais on a des blocages. Et la méditation aide à les débloquer. Attention, ce n'est pas non plus miraculeux. La méditation est une aide parmi d'autres.»

Tout le monde est-il capable de méditer?

«Plus ou moins. Il y a des gens qui arrivent très vite à faire des efforts de concentration. Puis, d'autres qui n'y arrivent pas du tout et qui ne s'imaginent pas prendre un moment pour s'arrêter et méditer. Pour ceux qui sont prêts à faire cet effort, on voit des résultats très rapides, ce qui les motive à persévérer.»

La méditation rend-elle les gens plus heureux?

«La pleine conscience, qui est la première étape, permet de réduire le stress et l'anxiété. Il y a eu des milliers d'études sur cette question. Lorsque l'on fait l'effort d'être présent, attentif, ça calme le mental. C'est déjà énorme. Beaucoup de gens ne sont pas heureux car ils sont angoissés, anxieux. Dans ce sens-là, cela favorise le bonheur, le bien-être. Dans un deuxième temps, on travaille sur le cœur. Si vous êtes blessé, si vous n'arrivez pas à pardonner, la méditation peut aider à se sentir en paix avec soi-même et avec les autres. Cela contribue donc à être plus heureux.»

La méditation aide aussi à maîtriser sa colère, à gérer ses émotions. Si on imagine une société dans laquelle la plupart d'entre nous méditent, serait-elle plus pacifiste pour autant?

«Oui j'en suis sûr. Si tout le monde arrivait à plus gérer ses émotions, à ne pas partir dans la peur et la colère, cela permettrait d'avoir un peu plus de raison, de distance par rapport aux choses. Cela permettrait d'avoir une société plus pacifiée. On le voit notamment au niveau des écoles. Avec ma fondation SEVE (Savoir Être et Vivre Ensemble, NDLR), on fait méditer les enfants dans les écoles. Cela se ressent dans l'ambiance dans les classes. Les enseignants qui font méditer tous les jours les enfants cinq minutes me disent qu'au bout de quelques semaines, la classe change: les enfants sont plus respectueux et attentifs. Il y a des écoles en Suisse et aux États-Unis qui font méditer leurs élèves depuis plus de 20 ans. On voit qu'elles ont beaucoup moins de problèmes de discipline. On peut donc espérer que cela soit pareil pour les adultes.»

Comment expliquez cela?

«L'enfant méditant se calme, il est plus relié à lui-même, il met plus de distance. J'ai, un jour, demandé aux enfants après un an de classe s'ils continuaient à méditer chez eux. Les deux-tiers m'ont répondu ‘oui'. Quand je leur ai demandé pourquoi, ils m'ont tous répondu que quand ils ont envie de casser la figure à leur petit frère ou petite sœur, ils vont dans leur chambre méditer deux minutes et après cela, ils n'en ont plus envie. C'est tout simplement de la gestion de l'émotion. Ils arrivent à prendre du recul. Et ça leur permet de ne pas partir dans des pleurs, des colères… Ça évite les conflits. On s'auto-discipline.»

La méditation devrait donc, selon vous, faire partie de tous les programmes scolaires?

«Si on faisait dans toutes les écoles de la méditation et des ateliers philosophiques -car pour moi, les deux sont très complémentaires–, je suis convaincu que le monde changera dès la prochaine génération!»

«Méditer à cœur ouvert», de Frédéric Lenoir, éditions NIL, 19€ avec CD (musiques interprétées et composées par Logos)

«La sagesse expliquée à ceux qui la cherchent», de Frédéric Lenoir, éditions Seuil, 11€