Plus de privation pour les enfants belges que ceux des pays limitrophes

En Belgique, environ 15% des enfants (1 à 15 ans) vivent dans une situation de déprivation, expérimentant une certaine forme de pauvreté dans leur vie quotidienne.
par
Laura
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Cela se traduit via le manque de plusieurs choses essentielles bien concrètes, comme la possibilité de participer à des loisirs, de vivre dans un logement correctement chauffé ou de manger chaque jour des protéines. Si le chiffre global est similaire à celui de la France, il est plus élevé que celui de tous les autres pays limitrophes et l'écart se creuse encore si l'on n'observe que les formes de précarité plus sévères.

"Le constat est très paradoxal, car si l'on regarde le niveau global de richesse en Belgique, on n'est pas moins bien loti que nos voisins. Or, on a une proportion plus importante d'enfants en 'déprivation'", indique Frank Vandenbroucke jeudi. L'ancien député socialiste, ministre fédéral et ministre flamand a, en tant que professeur à l'université d'Amsterdam, mené une vaste étude avec Anne-Catherine Guio, du Luxembourg Institute of Socio-Economic Research, coordonnée et mise en avant jeudi par la Fondation Roi Baudouin.

Un indicateur de "déprivation"

Dans "La pauvreté et la déprivation des enfants en Belgique", les deux auteurs ont, pour la première fois, développé de manière détaillée pour la Belgique et ses différentes régions l'indicateur européen de "déprivation" des enfants, de manière à comparer les résultats belges avec le reste de l'Europe. Contrairement à une simple mesure monétaire basée sur le revenu des ménages, on s'intéresse ici aux difficultés concrètes vécues par les enfants dans leur quotidien: ont-ils la possibilité de manger chaque jour des fruits et légumes frais? Disposent-ils de jeux, de livres, d'habits, de plusieurs paires de chaussures à leur pointure? Peuvent-ils, de temps à autre, inviter des amis, participer à une excursion scolaire?

17 choses qui peuvent paraître bien simples ou ordinaires composent cette liste de possibles "déprivations". Quand on constate, sur base d'une enquête, qu'un enfant est privé d'au moins trois de ces items, on le considère comme "déprivé". C'est le cas, pour l'ensemble de la Belgique, de 15% des 1-15 ans, selon l'étude Vandenbroucke-Guio.

Différences par région

Le même "taux de déprivation" peut être observé par région, indiquent les auteurs, même s'il ne faut pas perdre de vue certains biais: traditionnellement, la pauvreté est davantage concentrée dans les grandes villes, ce qui explique entre autres le chiffre très élevé (29%) de la Région bruxelloise. Ce dernier taux équivaut à celui de déprivation (pourcentage d'enfants privés d'au moins 3 des 17 items) observé dans des pays comme l'Espagne, la Lituanie ou l'Italie. La Flandre, qui toute seule en est à... 8%, s'approche quant à elle des scores des pays nordiques, tandis que la Wallonie (22%) est dans le ventre mou du classement, proche des pourcentages nationaux de Malte, de la Pologne ou encore du Royaume-Uni.

Un écart plus important

Constat inquiétant: quand on considère les déprivations plus sévères, celles des enfants privés de 4, 5, 6, voire davantage des 17 éléments retenus et considérés comme "nécessaires" à leur bien-être, on remarque que l'écart entre la Belgique et ses voisins se creuse. Ces déprivations les plus prégnantes concernent ainsi une part bien plus importante des enfants belges qu'en France, au Luxembourg, aux Pays-Bas ou en Allemagne.

De quoi dépend cet état de déprivation? L'éventail de facteurs de risque est large, notent les auteurs: le revenu du ménage (du ou des parent(s), donc) bien sûr, lui-même étroitement lié au niveau d'éducation des parents, mais aussi les aides dont bénéficient les familles face aux coûts du logement, des soins de santé, de la garde éventuelle des enfants,...

Spécificité nationale

Une spécificité belge a été mise en évidence: l'importante proportion d'enfants déprivés qui vivent dans un ménage sans emploi. C'est le cas de la moitié d'entre eux, de quoi faire de l'absence d'emploi un facteur de risque majeur chez nous, et cela dans toutes les régions, même si Wallons et Bruxellois sont particulièrement concernés. Pourquoi? Entre autres, selon les auteurs, parce que les "transferts sociaux" prévus pour ceux qui n'ont pas d'emploi, sous la forme d'allocations de chômage ou de revenus d'intégration sociale, ne sont pas suffisants pour qu'ils puissent garder la tête hors de l'eau.