Daryl Davis, l'homme qui fait perdre des membres au Ku Klux Klan

En 30 ans, le musicien Daryl Davis a convaincu près de 200 membres du Ku Klux Klan de quitter le groupe néo-nazi. Il a tissé des liens d'amitié avec certains d'entre eux après les avoir rencontrés. Son histoire est d'autant plus particulière qu'il est lui-même afro-américain.
par
Camille
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«Pourquoi me haïssez-vous alors que vous ne me connaissez pas?» La question peut sembler naïve. Elle a pourtant permis à Daryl Davis de convaincre de nombreux membres du Ku Klux Klan de renoncer au racisme. En 2016, un documentaire a été consacré à sa quête. On y assiste à des scènes surprenantes, comme lorsqu'il discute amicalement avec l'une ou l'autre personnalité notoirement raciste. On est tout aussi surpris de le voir saluer avec la même sympathie un membre du Ku Klux Klan dans sa tenue de parade.

Ph. Daryl Davis

Il estime avoir poussé 200 de ces racistes convaincus à renoncer à leur idéologie et quitter  «le Klan». Mais comment fait-il ? «Je n'essaie pas de les convaincre», assure-t-il. «Je veux simplement faire connaissance avec eux, je fais preuve d'empathie. Je leur demande pourquoi ils me haïssent, alors qu'on ne s'est jamais rencontrés? Ensuite, c'est à eux de voir ce qu'ils souhaitent faire.»

AFP

«Il ne faut pas toujours être rationnel»

Bien souvent, ses interlocuteurs sont désarçonnés. Il faut dire qu'ils ne s'attendent pas à rencontrer un homme noir quand ils ont rendez-vous avec Daryl Davis. «C'est ma secrétaire qui prend le rendez-vous pour moi. Elle leur explique que j'écris un livre sur le Ku Klux Klan», reconnait l'auteur de 'Klan-destine Relationships : A Black man's Odyssey in the Ku Klux Klan'.

Une fois le premier contact établi, place à l'échange. «On discute, normalement. Leur raisonnement n'est pas difficile à démonter, il ne tient sur rien du tout. Souvent, ils estiment que les Noirs sont des criminels, des fainéants… Quand ils parlent avec moi, ils se rendent compte que nous sommes pareils. On se lève le matin, on part au travail, on retrouve nos proches le soir, on voit nos amis le weekend. Cela m'humanise, alors que jusque-là, ils ne me voyaient pas comme un membre de la race humaine.»

La technique peut sembler folle tant elle est simple. «Il ne faut pas toujours chercher à être rationnel avec ce genre de personnes», souligne-t-il. «De toute façon, un individu qui se croit supérieur de fait de sa couleur de peau a un problème avec la rationalité. Alors, pourquoi ne pas tout tenter, même les solutions qui semblent les plus folles ?»

Renoncer au Ku Klux Klan et à ses convictions

«Ca peut sembler curieux, mais aujourd'hui, j'ai des amis qui sont membres du Ku Klux Klan, même s'ils ne me présentent pas à leurs pairs», s'amuse Daryl Davis. Il faut dire que renoncer à une croyance profondément ancrée n'a rien d'évident. Et pour certains, «le Klan» est devenu une famille, leur raison d'être. «Ils y ont acquis pouvoir et reconnaissance, ce qu'ils ne trouvent pas toujours par ailleurs. Je comprends que ça ne soit pas simple de renoncer à tout cela», souligne Daryl Davis. «Mais je suis persuadé que certains finiront par abandonner cette organisation. Simplement, il leur faut du temps.»

Ph. Daryl Davis

Des membres qui ont quitté «le Klan» lui ont depuis offert ce qui était leur costume de cérémonie. Le militant antiraciste aimerait exposer ces objets dans un musée. Il lui semble essentiel de ne pas occulter cette page de l'histoire américaine. «On ne doit pas oublier ce qu'a fait le Ku Klux Klan, même si c'est un épisode honteux de notre histoire», conclut-il.

Une méthode contestée

La technique de Daryl Davis visant à entrer en contact et sympathiser avec des membres du Ku Klux Klan ne fait pas l'unanimité chez les militants antiracistes. Des manifestants du mouvement Black Lives Matter ont parfois jugé sa manière de faire inefficace pour régler les problèmes de fond, voir carrément contre-productive. Lui s'en défend.

Il rappelle qu'il travaille avec certaines cellules du mouvement, dans la mesure où Black Lives Matter est une organisation décentralisée, sans ligne officielle. Il juge nécessaire de se battre sur tous les fronts. «Black Lives Matter a raison de mettre en avant un problème, qui est le fait que de nombreux jeunes noirs sont tués par des policiers blancs. C'est à l'image de ce qu'ont fait Rosa Parks et Martin Luther King dans les années de l'après-guerre. Et ils ont obtenu des résultats. En parallèle à ce combat, on doit toutefois garder la communication ouverte avec ceux qui nous haïssent. C'est comme cela qu'on effacera leurs peurs et qu'on ira vers une société plus tolérante.»