Le changement climatique pourrait faire disparaître certains sites de l'UNESCO

Le changement climatique fait peser une menace d'inondation sur certains sites du patrimoine mondial de l'UNESCO. Ceux-ci sont localisés dans les zones côtières de la mer Méditerranée et sont exposés à des risques d'élévation du niveau de la mer.
par
ThomasW
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Cette menace a été confirmée par une étude récente menée par des chercheurs de l'université de Kiel en Allemagne, qui ont calculé les risques d'inondation et d'érosion côtières selon quatre scénarios d'élévation du niveau de la mer d'ici 2100. L'étude pointe 49 sites du patrimoine mondial de l'UNESCO à risque, dont 42 en danger d'érosion côtière. Elle indique aussi que d'ici 2100, le risque d'inondation pourrait augmenter de 50% et celui d'érosion de 13% dans le bassin méditerranéen.

Metro s'est entretenu avec Lena Reimann, chercheuse au département de géographie à l'université de Kiel et auteur de l'étude, afin d'en savoir plus.

Parlez-nous de vos recherches.

«Nous les avons débutées il y a deux ans quasi jour pour jour, lorsque nous avons commencé à corriger les données concernant les sites classés au patrimoine mondial renseignées sur le site web de l'UNESCO, en analysant un par un les sites méditerranéens. La base de données spatiales que nous avons produite pour cette étude inclut un certain nombre de caractéristiques de chaque site du patrimoine mondial (par exemple, type de patrimoine, emplacement dans des zones urbaine ou rurale, distance par rapport à la côte). Pour rendre compte du risque d'inondation, nous avons combiné la base de données spatiales et des simulations modélisées de la plaine d'inondation côtière des marées de tempête de 100 ans à aujourd'hui (probabilité de dépassement de 1% pour chaque année donnée) selon quatre scénarios d'élévation du niveau de la mer jusqu'en 2100, en association avec la hauteur des marées de tempête. Cela nous a permis de calculer la zone inondée de chaque site pendant une marée de tempête (en% du site) et la profondeur maximum de l'inondation, et nous avons intégré ces données dans notre indice de risque d'inondation. Pour rendre compte du risque d'érosion, nous avons modélisé la distance décroissante de chaque site du patrimoine mondial à partir de la côte selon les quatre scénarios d'élévation du niveau de la mer, sur la base de l'hypothèse que l'élévation du niveau de la mer submergera toutes les zones situées sous le niveau de la mer. Nous avons combiné la distance à partir de la ligne côtière à d'autres caractéristiques de la côte déterminant l'érodabilité (matériel côtier, apport de nouveau sédiment…) pour calculer l'indice du risque d'érosion.»

Quels en sont les résultats?

«J'ai été étonnée qu'un nombre aussi élevé de sites du patrimoine mondial soit potentiellement à risque jusqu'en 2100, et que la grande majorité d'entre eux soient déjà à risque actuellement. Les deux risques peuvent augmenter considérablement d'ici 2100, en fonction de l'élévation du niveau de la mer. Sur des sites individuels, le risque d'inondation peut augmenter de plus de 100%, par exemple dans les districts historiques d'Istanbul en Turquie ou à Syracuse et dans la nécropole rocheuse de Pantalica en Italie, d'ici 2100 selon le scénario d'inondation maximum. Dans ce même scénario, le risque d'érosion peut augmenter de plus de 40%, par exemple à Ephèse en Turquie ou à Butrint en Albanie. Les résultats de Venise et de sa lagune ne nous ont pas du tout surpris parce qu'on sait déjà que Venise court un risque très élevé d'inondation côtière.»

Comment vos travaux de recherche peuvent-ils être utilisés?

«Les résultats de notre étude peuvent constituer la base d'un planning d'adaptation. Les décideurs politiques peuvent utiliser nos résultats pour évaluer les points critiques de l'adaptation, c'est-à-dire certains seuils qui, quand ils sont dépassés, nécessitent une nouvelle action politique. Sur base de la définition respective de ces points critiques, les décideurs politiques peuvent déterminer le moment où un point critique peut être dépassé sur un site donné selon un scénario d'élévation du niveau de la mer donné. Cela s'avère tout particulièrement utile dans les pays où un grand nombre de sites du patrimoine mondial sont à risque sur base des deux dangers analysés (par exemple l'Italie, la Croatie, la Tunisie, la Grèce) étant donné que les besoins d'adaptation les plus urgents peuvent être identifiés. Notre étude peut en outre constituer une base pour les évaluations plus poussées à l'échelle locale qui peuvent utiliser et élargir la base de données spatiales développée pour prendre des mesures d'adaptation appropriées pour des sites individuels du patrimoine mondial.»

Quel est le niveau de risque encouru par les sites de l'UNESCO?

«Certains des sites à très haut risque pourraient être gravement impactés par un événement extrême comme une inondation de tempête. Néanmoins, l'élévation du niveau de la mer est un processus lent, et nous pouvons mettre en place de façon proactive des mesures d'adaptation qui aident à protéger ces sites. C'est pourquoi il est important de sensibiliser davantage à ces risques les décideurs politiques, les gestionnaires du patrimoine et le grand public de façon à pouvoir instaurer un planning approprié et prendre des mesures.»

Et après?

«Une des futures pistes de recherche est de mener des évaluations nationales à locales en recourant à une méthodologie affinée comme base pour le développement de stratégies d'adaptation plus spécifiques dans un nombre plus réduit de sites ou dans des sites individuels. De plus, il est très important de développer une typologie des sites du patrimoine mondial afin de concevoir un ensemble de mesures d'adaptation possibles dans différents types de patrimoine mondial. Dans ce contexte, un atelier interdisciplinaire réunissant des experts du patrimoine mondial, de l'élévation du niveau de la mer et de l'adaptation côtière pourrait constituer un bon point de départ.»

Miguel Velazquez, MWN