‘The Dawn Wall', l'histoire d'une ascension impossible
Longtemps, les grimpeurs ont pensé qu'escalader le Dawn Wall, en escalade libre, avec une corde et des points d'attache pour assurer la sécurité mais sans les utiliser pour progresser sur la paroi, était impossible. Mais comme dans toute discipline sportive, l'impossible ne tient qu'un temps. Tommy Caldwell et Kevin Jorgeson l'ont prouvé en bouclant l'ascension d'un de ces monolithes parfaitement lisses qui parsèment le parc américain de Yosemite.
Il faut entendre le silence de Tommy Caldwell lorsqu'on l'interroge sur sa motivation pour comprendre que, peut-être, il n'en est d'autre que de trouver une certaine sérénité. A moins qu'il ne s'agisse pour ce grimpeur hors norme, et amputé d'un index suite à un accident de bricolage, d'oublier ses traumatismes.
«Retard mental»
Il faut dire que rien ne poussait le petit Tommy vers les feux de la rampe. Petit, un instituteur estime qu'il souffre d'un retard mental. «Il faut dire qu'il n'a commencé à ramper qu'à deux ans», explique son père, qui l'a finalement emmené avec lui sur des parois d'escalade. En grandissant, c'est un bambin timide et en difficultés scolaires qui se dévoile.
L'escalade le fera enfin sortir de sa coquille. Pourtant, ce même amour des montagnes a manqué de peu de le repousser dans la dépression. Après une rencontre amoureuse qui l'a poussé à enchainer les voies d'escalade, il part avec sa compagne s'attaquer aux parois du Kirghizstan. Après quelques jours d'escalade, ils se retrouvent contraints de descendre alors que des rebelles islamistes leur tirent dessus. Cueillis au pied de la falaise, voilà le couple est ses amis pris en otage. «On est partis pour une marche à travers les montagnes pour fuir les soldats qui pourchassaient nos ravisseurs. Au bout du sixième jour, nous étions affamés et fatigués», raconte Tommy Caldwell dans le film 'The Dawn Wall'. Surtout, lui et ses amis sont convaincus qu'ils vont mourir, alors qu'un des rebelles a déjà exécuté un soldat otage. Le petit groupe ne retrouvera la liberté qu'après avoir dû pousser son gardien dans le vide depuis le sommet d'une falaise. Un véritable traumatisme pour le jeune Tommy.
Des mois de repérage
Après ce bref retour sur ce premier drame, 'The Dawn Wall' aborde la rupture de Tommy avec sa compagne. C'est à ce moment que le grimpeur se lance sur les parois du magnifique bloc rocheux de Californie surnommé El Capitan. Il y passe des heures, comme pour exorciser sa douleur. Il est rejoint par Kevin Jorgeson, un grimpeur doué mais sans expérience en longues ascension. Pendant des mois, les deux compères explorent cette paroi rocheuse a priori impossible à grimper sans recours à l'escalade artificielle. Pas après pas, prise après prise, ils repèrent un potentiel itinéraire. Sous la tutelle de Tommy, Kevin devient un élève brillant.
A l'hiver 2014/15, ils décident de se lancer dans une ascension d'un trait. Tommy Caldwell et Tommy Jorgeson savent que l'un des passages va être particulièrement ardu. Si le premier le passera après quelques tentatives, ça sera beaucoup plus compliqué pour le second. Désormais suivi par de nombreux médias, Tommy doit réfléchir si continuer pour réaliser son exploit seul, ou laisser à Tommy le temps nécessaire pour y arriver. Les réalisateurs de ‘The Dawn Wall' filment avec justesse ce moment de doute, mais aussi d'amitié entre les deux grimpeurs. L'amitié dans laquelle, sans doute, Kevin Jorgeson a pu puiser l'énergie et la concertation nécessaire pour franchir ce pas impossible, et enchainer une autre difficulté, un passage que « même Tommy Caldwell » avait décidé de contourner.
'The Dawn Wall' est sortie en Europe en septembre 2018. Il est notamment projeté dans le cadre du Reelrock Tour. La première édition bruxelloise de ce festival du film d'escalade se tiendra en janvier prochain, avec une sélection de cinq films consacrés à la discipline.